La culture interpelle le gouvernement dans une tribune : "Nous avons besoin d'un plan"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Face aux nouvelles mesures de restriction décrétées par le gouvernement, le monde de la culture riposte. Dans une tribune signée par les syndicats de la profession, les principaux acteurs du spectacle vivant crient leur ras-le-bol de devoir "payer les pots cassés" pour cette crise sanitaire : "Les mots de soutien ne peuvent plus suffire".
Crédits photo : Pexels
Un climat d'inquiétude et de lassitude plane sur le secteur culturel depuis les annonces du Premier ministre Jean Castex concernant l'interdiction des concerts debout et l'instauration de nouvelles jauges de limitation pour les spectacles. Déjà durement impacté lors des premières vagues de l'épidémie de Covid-19 en 2020, le monde de l'art est à bout de souffle, et le fait savoir dans une tribune retranscrite dans Le Figaro et signée par les principaux acteurs de la profession comme le Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) ou la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique). « Cela fait bientôt deux ans que les professionnels de ce secteur tentent de survivre en s'accrochant parfois aux annonces optimistes du Gouvernement. Mais la relance tant attendue s'éloigne désormais chaque jour un peu plus pour eux. Le secteur s'enlise, perd ses équipes et ses talents : le métier ne fait non seulement plus rêver, il fait peur » dénoncent-ils en pointant du doigt les multiples reports et annulations causées par les mesures instaurées « sans concertation possible », alors même que le secteur a « redoublé d'efforts pour s'adapter aux circonstances ».

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"La culture est désormais accessoire et sacrifiée"


« Les mots de soutien et de compréhension du Gouvernement ne peuvent plus suffire ! » martèlent les producteurs en colère, en tirant la sonnette d'alarme. « Malgré nos efforts, notre capacité d'adaptation, la résilience, le concert-test, la distanciation, rien ne suffit à éviter les stigmatisations. Et rien n'a changé ! (...) Comme les discothèques, les organisateurs de spectacles à jauge debout sont désormais interdits de travailler et, avec eux, les salariés du secteur, les techniciens et les artistes. La politique du "stop-and-go" est de retour… ou plutôt du "stop-and-stop". Et ce, comme si le Gouvernement ne savait pas que, lorsque l'on nous arrête en seulement 7 jours, nous mettons au moins 6 mois à repartir » rappellent-ils. Les artisans de "l'exception culturelle française" mettent en garde les hautes sphères de l'Etat contre les conséquences à long terme de ce jeu d'équilibriste, alors que les ventes de places de concerts ont chuté de près de 50% à Noël par rapport à 2019 : « Perdus au milieu de l'empilement d'interdictions, de restrictions mais aussi de dérogations, les Français considèrent désormais l'acte d'achat d'un billet de spectacle comme une prise de risque. La défiance gagne ».

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Le secteur craint que la confiance du public soit difficile à réinstaurer, « quand le message du Gouvernement semble laisser dire à nouveau que les salles de spectacles sont des lieux de contamination ». « Cette décision d'interdiction balaie d'un revers de main l'expérimentation scientifique menée lors du concert­-test organisé avec l'AP-HP en mai 2021 et les différentes études sur le sujet, comme celle publiée par l'Institut Pasteur en novembre 2021 » note le monde de la culture. « On nous annonce récemment que le pass sanitaire sera un passe vaccinal, qui n'était qu'une simple chimère il y a encore quelques semaines. Et voilà que le projet de loi, en cours d'examen au Parlement, laisse la possibilité de demander le cumul d'un passe vaccinal et d'un test négatif pour accéder à certains lieux… » regrette la profession, qui tape du poing sur la table : « La culture ne peut plus être la variable d'ajustement d'un discours politique pétri de symboles. Essentielle lorsque nous étions confinés, elle est désormais accessoire et sacrifiée. Sommes-nous les idiots utiles d'un discours censé rassurer face à une énième nouvelle vague ? Les victimes de la communication du gouvernement ? »

"Nous ne voulons plus payer les pots cassés"


A travers cette prise de parole, les acteurs du spectacle réclament davantage de considération et plus de visibilité à court, moyen et long terme. « Nous ne voulons plus payer les pots cassés et attendre fébrilement chaque série d'annonces gouvernementales, sans concertation possible. Nous ne voulons plus être stigmatisés : nous ne sommes ni responsables, ni coupables. Ou plutôt, nous n'avons été que trop responsables jusqu'alors » soulignent les auteurs de cette lettre ouverte, las des « tâtonnements et réponses de dernière minute » : « [Nous voulons] des réponses anticipées, concertées, et surtout guidées par un cap, une vision. Nous sommes désormais seuls à assumer nos risques financiers face aux frais d'annulation et de report, consommant nos liquidités avant même de pouvoir retrouver un climat serein qui n'arrive pas ». « Ce que nous voulons, c'est travailler, avec de la visibilité sur les mesures à venir » crie d'une même voix le monde du spectacle, qui exige « un accompagnement de long terme ». « Deux ans, c'est un temps long pour la culture. Nous avons besoin d'un plan à horizon 2030. Et non à horizon 3 semaines. Ce que nous voulons, c'est un peu d'ambition et de vision pour le spectacle, qui rassemble et transcende les classes et les générations face à la tentation du repli qui nous menace » conclut la tribune.

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