Streaming : bientôt un changement du système de répartition pour les artistes ?

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
La grogne des artistes ne désemplit pas contre les faibles revenus liés aux écoutes en streaming. Une étude du CNM montre néanmoins qu'un changement du mode de répartition ne serait pas forcément plus égalitaire. Cela entraînerait une baisse des redevances pour les artistes les plus écoutés et ne changerait pas grand chose pour les musiciens plus confidentiels.
Crédits photo : Pexels / John Tekeridis
Ce n'est plus un secret pour personne : le streaming est devenu le mode de consommation musical le plus populaire. Il faut dire que, moyennant une dizaine d'euros par mois, le public peut écouter et découvrir des milliers d'artistes, tous genres confondus. Si le streaming a révolutionné l'industrie musicale, il est toujours sujet à polémique. Depuis des années, les artistes poussent des coups de gueule sur la trop faible rémunération liée aux écoutes en streaming. Concrètement, les 10 euros mensuels payés par un abonné ne vont pas aux artistes qu'il écoute mais à ceux qui sont le plus streamés globalement. C'est ce qu'on désigne comme le "market centric", soit le pro rata des écoutes totales. Un système qui profite plutôt aux genres les plus populaires sur les plateformes comme la pop ou le rap, moins pour d'autres comme le jazz ou le rock. Par exemple, le chanteur anglais Gary Numan a récemment avoué avoir touché 37 livres (soit 41 euros) pour un million de streams.

Le système "user centric" peut-il sauver la mise ?


Une somme dérisoire face à laquelle plusieurs pétitions demandent des changements de rémunération pour les artistes. De plus, selon Aepo-Artis, l’association européenne des sociétés de gestion des droits des artistes-interprètes, 90% des chanteurs ou groupes touchent moins de 1.000 euros par an, même si les morceaux sont écoutés jusqu'à 100.000 fois. L'association révèle également qu'en 2019, 1% des 1,6 million d'artistes recensés ont cumulé 90% des écoutes globales. Malgré cela, les changements de rémunération demandés par les artistes ne seraient pas forcément plus bénéfiques. En effet, d'après la conclusion d'une étude menée par le CNM (Centre national de la musique), avec l'appui du cabinet Deloitte, changer le système de répartition n'aurait que très peu d'impact sur la rétribution des chanteurs ou des groupes.

Si Deezer milite pour la démocratisation du système "user centric", qui paierait les musiciens équitablement selon les écoutes de chaque abonné, l'étude prouve que cette solution « aurait pour effet de fortement atténuer les redevances touchées par le Top 10 artistes (-17,2 %), de stabiliser le milieu du classement avec une faible augmentation des redevances perçues et de permettre aux artistes les moins écoutés (en dessous du 10.000e rang) de profiter d'une augmentation de leurs redevances (+5,2 %) ». Pour faire simple, ceci aurait une incidence négative pour les artistes les plus populaires tandis que ceux qui sont un peu plus confidentiels en profiteraient mais à un faible niveau. « Certains seront peut-être déçus de voir que, si on passait au user centric, les changements en valeur absolue pour la plupart des artistes ne représenteraient pas grand-chose » indique Jean-Philippe Thiellay, le président du CNM.

Un impact de "quelques euros par an" pour les petits artistes


Ce système bénéficierait donc à des genres comme la musique classique, le jazz, le disco ou le hard rock, moins populaires en streaming, tandis que le rap et le hip-hop « verraient leurs redevances baisser ». De ce fait, « l'impact du user centric » serait « symbolique pour la plupart des catégories analysées » : « Au-delà du 10 000e artiste le plus écouté, tous genres musicaux confondus, l'impact serait au maximum de quelques euros par an en moyenne par artiste ». Cela veut dire que pour de nombreux artistes au nombre d'écoutes plus modeste, cela ne changerait pas grand chose, financièrement parlant.

Afin de trouver une solution, Antoine Monin, responsable chez Spotify, explique qu'il faudrait que tous les acteurs du secteur, que ce soit les artistes, les auteurs, les compositeurs, les labels ou les distributeurs, se réunissent pour trouver « une réflexion sur un autre modèle de rémunération », étant donné que le système "user centric" « ne résoudrait pas tout ». Enfin, Jean-Philippe Thiellay demande également à ce que « soient clarifiés (les) mécanismes » de certaines playlists « soupçonnées d'orienter les choix des utilisateurs vers des genres dominants (rap, r'n'b, etc) ou vers de la musique d'ambiance au kilomètre parfois générée par ordinateur » précise l'AFP. A noter que si Deezer et Spotify ont accepté de participer à cette étude, ce n'est pas le cas de YouTube, Apple Music, Amazon Music et Qobuz.

Vianney dénonce la faible rémunération des artistes en streaming :


En octobre dernier, Vianney avait lancé un coup de gueule contre la faible rémunération des artistes de la part des plateformes streaming. Tout comme Deezer, l'interprète de "Beau-papa" plaidait lui aussi pour l'utilisation du système "user centric" : « Dès que l'on consomme quelque chose, il faut que l'argent qu'on a investi rémunère les personnes pour lesquelles on a investi. C'est une question de justice. Le système initial est mal né. Il faut corriger ».

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