mardi 11 août 2020 13:40

"On se sent à l'abandon" : la grogne des producteurs face aux mesures pour les concerts

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Les nouvelles règles du ministère de la Culture font polémique. Après les artistes, producteurs et tourneurs montent au créneau pour exprimer leur énervement et leur solitude face à une reprise des concerts de plus en plus incertaine dans ce contexte de crise sanitaire.
Crédits photo : Zélie Noreda
Ils montent tous au créneau. La semaine dernière, le ministère de la Culture confirmait l'autorisation des rassemblements de plus 5.000 personnes dès le 15 août avec certaines règles sanitaires. Si la nouvelle aurait pu réjouir, elle a au contraire suscité le mécontentement des artistes à l'instar de M. Pokora ou de Vitaa et Slimane, qui ont poussé des coups de gueule sur les réseaux sociaux. Leur principal point de discorde ? La règle de distanciation qui oblige à laisser un siège libre « entre deux personnes ou groupes de personnes ». Un problème alors que la plupart des concerts concernés sont complets. « La première partie de notre tournée avec Vitaa est sold out depuis des mois. Et on nous explique en détente que pour jouer, il va falloir tirer au sort les gens qui pourront venir et ceux qui devront rester chez eux » clamait Slimane, dont la tournée "VersuS" avec sa comparse Vitaa doit démarrer le 4 septembre, soit dans quelques semaines. Mais rien n'est moins sûr pour le duo, comme pour des milliers d'autres artistes ou travailleurs de l'industrie du spectacle.

"Nous sommes le seul secteur qui n'a pas repris"


Une situation qui exaspère les producteurs et tourneurs, qui se disent complètement laissés pour compte par le gouvernement. « On a un sentiment d'abandon. Agacement, désolation, ras-le-bol, c'est ce que nous ressentons: nous sommes le seul secteur qui n'a pas repris, alors que les foires et les salons professionnels pourront le faire à partir du 1er septembre » explique à l'AFP Aurélie Hannedouche, du Syndicat des musiques actuelles (SMA). D'autant plus que depuis la grogne de certains artistes, la Rue de Valois a fait marche arrière en dévoilant de nouvelles règles plus strictes. Le SMA avait déjà pris les devants en envoyant une lettre ouverte au gouvernement pour demander des consignes plus claires quant à la reprise des concerts, qui doit normalement avoir lieu dès le mois prochain.

A LIRE : Pourquoi "Il n'y aura quasiment aucun concert à la rentrée"

"En fait, rien ne redémarre"


Sauf qu'à semaines de la rentrée, le secteur est totalement dans le flou. Certains artistes, à l'instar de Jean-louis Aubert, ont déjà pris des décisions radicales en reportant une nouvelle fois leur tournée automnale à 2021. « On a l'impression qu'on va nous donner un signal positif ou négatif seulement deux ou trois jours avant le 1er septembre, or comme nous le répétons depuis l'arrêt de nos activités en raison de la pandémie, cela ne se fait pas en un claquement de doigts, il faut des répétitions, de la promotion, etc » renchérit Aurélie Hannedouche, qui estime que la date butoir du 1er septembre « est de plus en plus difficilement envisageable pour des questions inhérentes à la programmation et à l'organisation de tournées notamment » : « Nous n'avons toujours aucune visibilité. Les billetteries pour septembre sont ouvertes, faut-il les fermer, les annuler ? Nous aurions besoin pour cela, face aux assurances, d'un décret, d'un arrêté ».

"Mieux vaut mettre notre activité sous cloche"


D'autres tourneurs tirent la sonnette d'alarme, comme Angelo Gopee, patron de Live Nation France, dans les colonnes des Echos : « Pour amortir une tournée, il faut une jauge remplie entre 80 et 85 %. Et seulement au-delà, on dégage du profit. Avec la distanciation, c'est inenvisageable économiquement (...) Il faut une réponse précise dès le prochain Conseil de Défense ». La règle de distanciation, avec un siège libre entre chaque spectateur, est notamment pointée du doigt pour ses conséquences économiques catastrophiques : « En fait, rien ne redémarre (...) On comprend les contraintes, mais on ne peut pas programmer d'un claquement de doigts. Et sans tournée à l'automne, pas de festival l'été prochain » se désole Malika Seguineau, directrice générale du Prodiss. Cette dernière réclame la prolongation du chômage partiel « jusqu'à la reprise normale d'activité qui n'est pas envisagée avant l'automne 2021 ».



Même son de cloche pour Pierre-Alexandre Vertadier et Aurélien Binder. « Si on applique le texte actuel, il n'y aura quasiment aucun concert à la rentrée » confie le premier, président de Décibels Prod (tourneur de Benjamin Biolay ou Alain Souchon) tandis que le second, patron de Fimalac Entertainment, rajoute : « Même Broadway ne rouvrira pas avant avril 2021. Mieux vaut mettre notre activité sous cloche et réfléchir à un plan de sauvegarde, car à la rentrée il y aura des faillites de petits producteurs et des plans sociaux chez les gros ». Ancien président d'Universal Music France, Pascal Nègre s'est également insurgé sur Twitter : « Il est temps que le ministère de la Cultre arrête de jouer avec les mots et donc les artistes et le public ! Il faut avoir le courage de dire qu’il n’y aura aucun concert cette année et mettre un vrai plan d’aide en place pour la filière sinistrée !! ». Le bras de fer est loin d'être fini...

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