Crédits photo : Abaca
«
Aujourd'hui, l'heure est au confinement et il va durer » a affirmé Edouard Philippe mardi après-midi. Une phrase prononcée à l'Assemblée nationale par le premier ministre qui sonne comme une énième mauvaise nouvelle, notamment pour l'industrie musicale et le domaine du spectacle. Déjà impacté par
l'interdiction des manifestations et le
report de certaines grosses sorties d'albums (Lady Gaga, Sam Smith...), le secteur est confronté à un nouveau risque à l'arrivée de la saison estivale. Les festivals de l'été 2020 seront-ils maintenus ou annulés ? Beaucoup naviguent à vue et avancent au jour le jour, comme l'explique Jérôme Tréhorel, le directeur des Vieilles Charrues. «
Nous sommes suspendus à l'évolution des mesures gouvernementales. Nous verrons, le 15 avril, si nous nous engageons ou pas. Nous continuons les préparatifs, même si nous avançons plus lentement » assure dans les colonnes du
Monde celui qui doit
accueillir Céline Dion sur scène.
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"Sans nos têtes d'affiches, la situation devient intenable"
A l'étranger, des solutions radicales ont été prises : le mythique festival californien
Coachella se jouera finalement en octobre et le Primavera Sound de Barcelone se décale de début juin à fin août. De leurs côtés, Glastonbury, All Points East (Angleterre) ou le Roskilde Festival (Danemark) ont tout simplement annulé leurs éditions 2020 qui devaient accueillir notamment Paul McCartney, Taylor Swift, Kendrick Lamar, Tame Impala ou Kraftwerk. En France, la situation est différente : seuls
le Printemps de Bourges et Hellfest ont annulé leurs éditions tandis que les Nuits Sonores de Lyon et les Papillons de Nuit, programmés fin mai, se repositionnent respectivement fin juillet et fin août. La plupart des gros festivals français n'ont pas encore communiqué sur un éventuel maintien ou un report, même si la deuxième solution semble plus réaliste.
Le Monde avance que
We Love Green (6 et 7 juin) pourrait être décalé au premier week-end de septembre pour coïncider avec Primavera Sound, puisque les deux événements se partagent de nombreux artistes (Lana Del Rey, Disclosure, Bad Bunny etc.)
Ainsi, tout est encore «
hautement incertain » comme l'explique à
l'AFP Arnaud Meersseman, à la tête de AEG Presents France, promoteur qui détient notamment le
festival Rock en Seine prévu entre le 29 août et le 1er septembre. Toujours selon
le Monde, 35.000 billets ont d'ores et déjà été vendus pour la journée qui accueillera Rage Against the Machine. «
Est-ce qu'on aura l'accord des autorités pour des grands rassemblements en plein air en juillet et au-delà ? Je ne parle pas de ceux de début juin, qui paraissent inenvisageables. Ensuite, la crise économique nous pend au nez : les gens vont-ils dépenser 80 à 100 euros pour un festival ? Et puis il y a les artistes américains, qui construisent leur tournée européenne en bloc de six semaines : vont-ils venir alors que leur nombre de dates s'est déjà réduit avec les premières annulations ? Sans nos têtes d'affiches, la situation devient intenable » affirme Arnaud Meersseman.
"On réfléchit à des alternatives"
En effet, certaines grosses têtes d'affiches de l'été pourraient, par précaution, éviter de poser pied sur le vieux continent, laissant les différents événements sans headliner. De plus, difficile pour les festivals déjà reportés de promettre la même affiche à 100%. Pour cesser cet avancement à tâtons, Arnaud Meersseman demande donc une «
clarification » des pouvoirs publics afin d'obtenir une meilleure «
visibilité » sur leur planning estival et éviter des conflits d'assurance : «
Avec un décret ou un arrêté, on rentre dans le régime de force majeure, les contrats deviennent nuls et non avenus, chacun reprend ses billes et ça permet de ne pas engager de frais ».
Il faut également rappeler que certains festivals, à l'image des Vieilles Charrues, reposent sur des mécènes ou partenaires, dont les activités sont actuellement à l'arrêt. «
Sans eux, cette édition, même complète, serait déficitaire » indique Jérôme Tréhorel à l'AFP, avant d'ajouter : «
Les grands rassemblements, festivals ou concerts, ont été les premiers à fermer, ils pourraient être les derniers à rouvrir à entendre les discours des pouvoirs publics. Un festival comme le notre fonctionne avec 250 secouristes, un hôpital de campagne, mais seront-ils disponibles à nos dates? ». Même son de cloche pour Paul Langeois, directeur du festival Beauregard (Normandie) joint par
Le Parisien : «
Personne ne sait si c'est faisable. C'est encore prématuré d'annuler, car nous avons des engagements. Mais nous voulons des perspectives pour décider en connaissance de cause (...) Des artistes pourraient ne pas pouvoir venir. Je pense aux Américains par exemple. Par contre, un groupe comme Of Monsters and Men, basé en Islande, qui est plutôt épargnée par l'épidémie, on peut espérer qu'il soit là. Mais on réfléchit à des alternatives pour remplacer les absents ».
Des risques financiers
De son côté, Ben Barbaud, le créateur du Hellfest, se voulait plus défaitiste il y a quelques jours dans
Ouest-France, en affirmant qu'il était «
très probable » que le grand rassemblement métal prévu du 19 au 21 juin soit annulé dans les jours à venir : «
Qui peut imaginer qu'on autorise en juin et juillet des festivals réunissant 60 000 personnes, dont 20 % d'étrangers dans notre cas, tous collés les uns aux autres, alors qu'on sait qu'il y aura sans doute quelques cas de Covid-19 à droite à gauche ? Les festivaliers ne comprennent pas pourquoi on n'annonce pas l'annulation. Mais on ne peut rien faire ». Et plus l'annonce tarde à arriver, plus les festivals perdent de l'argent : «
On est déjà à plus de 2 millions d'euros de pertes sèches. On a un an de salaires payés pour un festival qui n'aura sans doute pas lieu. Tous les investissements sur le site, qui ont fait l'objet d'emprunts bancaires cette année, s'ajoutent aussi aux pertes ». Mais le couperet vient de tomber :
l'édition 2020 du Hellfest n'aura pas lieu. De quoi craindre un été sans festivals...