Dido, Gesaffelstein, Sigrid : trois albums au banc d'essai

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Pure Charts passe en revue trois albums phares de la semaine : Dido fait son grand retour après six ans d'absence sur "Still on my Mind", Gesaffelstein sort l'artillerie lourde avec "Hyperion" tandis que Sigrid se révèle avec "Sucker Punch".
Crédits photo : Montage Pure Charts

Dido | "Still On My Mind"


Luxe, calme et volupté... trois mots on ne peut plus éloignés de la nature profondément mélancolique du cinquième album studio de Dido. Avec "Still On My Mind", la chanteuse britannique efface une discrétion de six ans pour narrer d'une voix restée aussi envoûtante qu'à l'époque de la série "Roswell", en 1999 (!), les tourments les plus intimes qui pèsent sur son coeur. Le single "Hurricanes", construit par une musicalité de l'économie qui accorde de l'espace au silence pour mieux qu'il s'immisce au fond de nos entrailles, constitue une remarquable entrée en matière pour cette collection de morceaux joliment désabusés. Aidé par le renfort de son frère Rollo à l'écriture et la composition, Dido sait comme personne nous parler d'amour qu'on laisse s'évaporer ("Give You Up"), de la colère sourde qui nous consume après une rupture ("Hell After This"), de solitude et de nos propres erreurs. « I'm sorry that I broke you down / I'm sorry that I thought it through / I'm sorry that I looked and ran » lance-t-elle sur la chanson-titre qui, comme une bonne partie de l'album, est enrobée par des arrangements électroniques utilisés par petites touches, à la manière d'un Moby dont on croit presque déceler la patte sur "Take You Home". L'ensemble, bien qu'un peu moins réussi sur la deuxième partie du disque, relève d'un vrai travail d'orfèvre pour ne pas étouffer l'interprétation de Dido, d'une grande grâce. Comme elle le dit très justement sur le somptueux "You Don't Need a God", la musique possède ce pouvoir étrange de nous faire voyager en un instant...

Ça ressemble à une bulle de douceur et de douleur
A écouter : "Hurricanes", "Hell After This", l'époustouflant "You Don't Need a God", "Some Kind of Love" et sa mélodie à la guitare, "Walking By"
A zapper : "Mad Love", tentative reggae ratée





Gesaffelstein | "Hyperion"


Comme un air de déjà-vu Les fans attendaient depuis six ans le retour du prodige lyonnais Gesaffelstein. Pourtant, ceux-ci risquent d'être déroutés. En effet, celui qui nous a habitués à des morceaux sondant la noirceur de l'âme humaine semble avoir musclé son jeu autour d'un casting quatre étoiles et calibré pour les charts : Haim, Pharrell Williams et The Weeknd. Pour preuve, "Lost in the Fire" avec la star canadienne cartonne même s'il ressemble à s'y méprendre à "Starboy". Et c'est là que le bat blesse. Car si Gesaffelstein envoûte dans ces collaborations aux sonorités rétro, c'est pour mieux nous perdre sur des instrumentaux qui semblent vouloir copier les récents travaux de Daft Punk, en vain. En résulte un "Hyperion" inégal dont on sauve tout de même ces duos particulièrement réussis : un "Blast Off" très 80's avec Pharrell Williams, le planant "So Bad" sublimé par HAIM ou encore le retour de son comparse The Hacker pour le sombre "Forever". Le reste alterne entre l'intéressant ("Ever Now" ou "Memora" en tête) et l'oubliable (le trop répétitif "Reset", l'interminable épilogue "Humanity Gone"). Tout ça pour ça, dirons certains... TB

Ça ressemble à un hommage décevant aux Daft Punk.
A écouter : les collaborations sur "Lost in the Fire", "Blast Off" ou "So Bad", "Ever Now", "Memora"
A zapper : "Reset" répétitif à souhait, "Vortex", "Hyperion", l'interminable "Humanity Gone"





Sigrid | "Sucker Punch"


Vainqueur par K.O. Dire qu'on attendait avec impatience l'album de Sigrid est un doux euphémisme. Visant dans le mille à chaque titre depuis 18 mois, la jeune révélation norvégienne trouve désormais l'occasion de s'exprimer pleinement sur un premier album chargé de confirmer son talent. Sans surprise, le défi est relevé haut la main ! A contre-courant de tout ce qui se fait actuellement, Sigird laisse de côté les bluettes bubble-gum pour se concentrer sur des thèmes plus "matures" : la solitude, l'acceptation de soi, la dévotion des fans ou la complexité des rapports. En mêlant les singles déjà connus (inusables "Strangers" et "Don't Kill My Vibe") et d'excellents inédits tout aussi réussis, Sigrid crée un ensemble homogène déjà entêtant. "Sucker Punch" suit un parcours de grand huit entre des envolées pop tubesques avec des passages plus intimistes à l'image d'un "In Vain" où Sigrid expose ses failles et sa voix éraillée ou encore la poignante ballade "Dynamite" qui sont autant de preuves de côté touche-à-tout. Mais c'est bien sûr avec ces pétillants et sautillants hymnes pop que Sigrid vise dans le mille : "Don't Feel Like Crying" donne irrémédiablement envie de se déhancher et les arrangements lyriques de "Sight of You" remotiveront même les plus sceptiques. On pourrait pinailler en déplorant l'absence des excellents "Fake Friends" et "High Five" dans ce nouvel album, mais en réalité on peut tout aussi bien s'en passer. L'air de rien, Sigrid vient de redéfinir les lignes de la pop en lui donnant un visage frais et pétillant. Et ça fait du bien ! TB

Ça ressemble à l'album frais et réjouissant qui manquait à la pop music
A écouter : "Mine Right Now", "Strangers", "Don't Feel Like Crying", "Business Dinners"... à peu près tout !
A zapper : ... rien !


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