La Route du Rock 2018 : une splendide édition avec Etienne Daho, Charlotte Gainsbourg...

Par Théau BERTHELOT | Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
Pour sa 28ème édition, le festival la Route du Rock a fait fort en invitant des légendes de la pop française comme Etienne Daho, Charlotte Gainsbourg ou Phoenix mais aussi la mythique Patti Smith et les géniaux Jungle. Pure Charts vous raconte ce superbe week-end en bonne compagnie !
Crédits photo : Montage Pure Charts
« Une affiche de rêve au milieu d'un long week-end en bord de mer et au coeur de lieux exceptionnels à tailles humaines ». Voilà comment se décrit La Route du Rock. Depuis 28 ans, « le plus petit des grands festivals » a accueilli des grands noms comme The Cure ou Portishead mais aussi les premiers concerts français de Placebo ou M83. Après une édition 2017 placée sous les couleurs britanniques (PJ Harvey, The Jesus and Mary Chain...) ce cru 2018 faisait honneur à la pop hexagonale en proposant l'une des plus belles programmations de l'été entre Phoenix, Etienne Daho ou Shame, avec 25.000 entrées sur trois jours.

"Week-end à St Malo, tous les deux sans personne"


La Route du Rock prend donc place au Fort de Saint-Père, situé à 10 kilomètres de la ville de Saint-Malo. Deux scènes se font face : la scène du Fort, la principale, puis la scène des Remparts, alternative et plus petite. A notre arrivée sur le (sublime) site, le duo The Limiñanas fait cracher son garage/rock dans les enceintes. Adoubé par la presse américaine, le duo français commence à se faire un nom dans son propre pays. Assez répétitive, la prestation est sauvée par une reprise enflammée du "Gloria" de Van Morrisson qui réveille quelque peu le public. Autre déception pour le concert suivant, celui de Grizzly Bear. Alors qu'on les attendait beaucoup, les quatre new-yorkais ont délivré un set faiblard devant un public qui semblait peu concerné. Celui-ci se réveillera durant le seul temps fort du concert, le doublé "Mourning Sound" - "Two Weeks".

Crédits photo : Théau Berthelot
Après ces deux entrées en matière décevantes arrive ni plus ni moins que LE concert du festival : Shame. En quelques secondes, le leader Charlie Steen met le public dans sa poche avec son regard menaçant et crache sa verve rageuse, supporté par les meilleurs titres punk-rock qu'on ait pu voir depuis bien longtemps. Très vite, la foule rassemblée devant la scène alternative donne lieu à un pogo géant. Le chanteur n'attend qu'une minute avant de se lancer dans la fosse, et encore dix supplémentaires avant de finir torse nu. Le quintet de Brixton nous gratifie même d'un inédit, plus mélodique que les titres de son "Songs of Praise", un des grands albums de 2018. Les mots nous manquent pour décrire cette heure aussi époustouflante que maîtrisée, rageuse, enflammée et choc qui a eu raison de deux micros et a laissé la plupart des festivaliers bouche bée.

Pas le temps de souffler. Sur la Scène du Fort, une simple installation lumineuse, digne d'une oeuvre de Dan Flavin, s'illumine tandis qu'une sirène retentit sur le site. D'un coup, la voix si reconnaissable d'Etienne Daho emplit le site : « Il y a une porte dans le désert, ouvre là, tu trouveras ici un autre paradis, un autre monde ». Sous les acclamations d'un public conquis d'avance, le chanteur foule la scène, souvent embrumée et délivre un concert classieux alternant tubes réorchestrés façon électro-rock ("Epaule Tattoo", "Tombé pour la France" ou un sublime "Week-end à Rome", planant) et titres plus méconnus, tandis que son récent "Blitz" ne sera illustré que par ses trois singles. Le charme du dandy de la pop fait l'affaire et ce dernier l'emporte aisément à l'applaudimètre. Pour finir la soirée, on va littéralement halluciner devant la performance psychédélique des Texans de The Black Angels, aussi puissante que planante.

Patti have the power !


Crédits photo : Bestimage
Le samedi était clairement le jour le plus faible du week-end et cela s'est ressenti dans la fréquentation assez clairsemée du site. On passera vite sur les performances assez oubliables de Josh T. Pearson et Johnathan Bree, pour s'attaquer à l'affiche de la soirée : Patti Smith ! Pour l'un de ses rares passages hexagonaux, la marraine du punk a envoûté la foule, venue nombreuse. Enchaînant les hommages divers et variés (Aretha Franklin, Andreï Tarkovski...), la chanteuse de 71 ans est toujours capable de transporter le public avec sa voix intacte et ses nombreux tubes repris par en choeur : "People Have the Power", "Because the Night", mais aussi des reprises de Midnight Oil ou Elvis Presley. 1h10 de communion et de bonheur musical.

A peine Patti sortie de scène, nous nous dépêchons d'assister au set d'Ariel Pink. « Ça y est, on peut commencer ? » demande le Californien dans le noir complet avant de lancer les premiers riffs de "Kitchen Witch". Pendant une heure trop vite passée, le chanteur nous a fait danser sur ses hymnes pop/psychédéliques, s'affirmant comme l'un des temps forts du week-end. La suite sera plus mitigée : gros défaut d'horaire pour Nils Frahm, dont l'électro minimaliste aura vite fait d'assoupir une partie du public à minuit. Beau mais mal adapté pour l'horaire, la performance de l'Allemand est suivie du moment à la fois réjouissant et WTF du festival : en attendant la DJ allemande Ellen Allien programmée à 2h15, les ingénieurs du son ont concocté un petit DJ set réveillant la foule au son de Technotronic, bien meilleur que les deux concerts pré-cités.

Un dimanche proche de la perfection


Crédits photo : Théau Berthelot
Meilleure journée du festival, le dimanche a frôlé la perfection. En ouverture, les guitares planantes de King Tuff ont fait office de bonne surprise, avant la prestation mitigée du groupe de Détroit, Protomartyr, marquée par un chanteur visiblement saoul qui a marqué son passage d'un « Profitez bien de votre soirée, on va aller se bourrer la gueule après le concert ». On ne peut être plus clair. 30 minutes plus tard, d'imposants cubes de néon emplissaient l'espace. Charlotte Gainsbourg, reine de la pluie ? C'est à son arrivée sur la scène du Fort que le public doit être confronté à une fine bruine, seul point noir météorologique du week-end. « Ça va, il pleut pas trop ? » s'amuse d'ailleurs l'artiste, timide. Peu de changements par rapport au show de We Love Green, mais on peut néanmoins noter l'aisance des musiciens qui se déchaînent sur scène. Toujours aussi jouissives, les versions longues de "Deadly Valentine" ou "Sylvia Says" produisent leur effet sur le public et le show s'avère bien plus énergique et réussi qu'à Paris.

Crédits photo : Théau Berthelot
Gros headliner du festival, Phoenix n'a pas déçu ! Délaissant "Ti Amo" (seulement trois titres), Phoenix enchaîne les tubes, de "Liztomania" à "If I Ever Feel Better" en passant par "1901", repris par une foule en délire. Thomas Mars se permet même plusieurs passages dans la foule. Et, en guise d'hommage à son premier passage il y a 14 ans, le groupe reprend "Playground Love" d'Air, que les deux collectifs versaillais jouaient ensemble en 2004; avant un dernier bain de foule bien mérité. A n'en pas douter, l'un des meilleurs concerts du festival : Ti Amo Phoenix !

Ensuite, la pression semble retomber du côté des Lemon Twigs. Les frères D'Addario essaient de raviver la flamme 70's, le chanteur principal singeant sans cesse Mick Jagger ou Jim Morrisson. A défaut d'être inoubliable, les deux new-yorkais ont offert un bon show, malheureusement eux aussi gâché par des problèmes techniques. Quelle meilleure façon de conclure un festival que sur Jungle ? Valeur sûre, les Anglais ont délivré un set dansant et parfait (malgré une coupure des écrans géants pendant 20 minutes) au son de ses innombrables pépites comme "Julia", "Time" et l'inévitable "Busy Earnin'". Même les nouveaux morceaux sont de véritables bombes live : "Heavy, California", "Happy Man", "Smile"... On en aurait bien demandé une heure de plus, voire deux.

Une chenille géante est même organisée en attendant le show de clôture de la DJ The Black Madonna. Un moment aussi cocasse que drôle qui marque pour nous l'ultime sortie du site. La fête continue de plus belle dans la navette qui nous ramène au coeur de Saint-Malo puisque des Anglais décident de sortir leur enceinte et de passer à fond les tubes soul d'Aretha Franklin. A notre descente, le bus continue sa route de plus belle avec la voix d'Aretha s'éloignant dans la ville nocturne et déserte. Une belle façon de conclure en beauté le festival.

On a aimé : la qualité de la programmation, la taille humaine du lieu, le public accueillant, la bonne organisation, le DJ set de folie entre Nils Frahm et Ellen Allien

On a détesté : les trop nombreux problèmes techniques (instruments défaillants, écrans géants...)

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