Charlotte Gainsbourg, Etienne Daho, Tove Lo : 3 albums au banc d'essai

Pure Charts passe en revue trois sorties d'albums du moment pour un débrief en quelques lignes. Au programme cette semaine : Etienne Daho et Charlotte Gainsbourg évoquent leurs obsessions pour la mort avec "Blitz" et "Rest" tandis que "Tove Lo" dévoile la suite sulfureux de son dernier album avec "Blue Lips". Critiques !
Crédits photo : Montage Pure Charts / DR

Charlotte Gainsbourg | "Rest"


En paix. Près de six ans après "Stage Whisper", Charlotte Gainsbourg revient pour se mettre en danger avec "Rest", produit par SebastiAn. Car pour la première fois de sa carrière, la chanteuse ose le français, assumant enfin l'héritage Gainsbourg. L'âme de son père Serge Gainsbourg résonne d'ailleurs partout ("Les oxalis", "Rest"...). Dans chaque note, chaque nuage de fumée, chaque soupir, chaque murmure... Plus que jamais, Charlotte Gainsbourg aime les contrastes, et les souligne. Elle se livre comme jamais sur des couplets forts car extrêmement intimes mais compense toujours pour ne pas tomber dans le pathos avec des refrains plus positifs en anglais, comme des pirouettes électro aux mélodies très cinématographiques. Le coeur au bord des yeux, elle se souvient du corps de son père sans vie sur l'intense "Lying With You", se casse la voix sur "Kate" en évoquant le destin percutant de sa soeur Kate Barry, disparue en 2013, déclare son amour à ses enfants sur le glacial "Dans vos airs" ou raconte une vie du début à la fin, à bout de souffle, sur le vertigineux et Gainsbourien "Ring-A-Ring O' Roses". Souvent noires mais étrangement pleines de vie, ses chansons brumeuses et mélancoliques donnent des frissons, et font autant de mal que de bien. D'autant qu'elle s'offre des respirations comme lorsqu'elle se tourne en dérision sur "I'm a Lie" ou veut nous faire danser sur "Sylvia Says" avec son enrobage disco. "Rest", l'album de Charlotte Gainsbourg qu'on attendait depuis toujours. Et elle aussi. JG

Ça ressemble à la renaissance de Charlotte Gainsbourg
A écouter : les coups de coeur "Ring-A-Ring O' Roses" et "Sylvia Says", "Rest", "Dans vos airs", "Les oxalis"
A zapper : "Songbird In A Cage" de Paul McCartney, un peu en marge et linéaire




Etienne Daho | "Blitz"


Foudre de guerre. Blouson de cuir, képi de policier, lumière verte et volutes de fumée : la pochette ténébreuse, follement érotique, de "Blitz", le 11ème d'Etienne Daho, annonce d'emblée la couleur. A 61 ans, le chanteur traduit son obsession pour la mort en 12 chansons psychédéliques, dont la violence et la froideur contrastent avec son timbre apaisant. Comme sur le single "Les flocons de l'été". Lui qui a connu la guerre à Oran cristallise le parfum de peur qui flotte dans des temps frappés par les attentats dès la première chanson, "Les filles du canyon". La couleur rouge, symbolisant le sang et la révolte, éclabousse des textes ("Chambre 29", "Les baisers rouges") au vocabulaire funeste : Daho convie systématiquement les images de la nuit, du vent, du feu. « Le vide fascine et se referme autour de moi » dit-il en ouverture de "The Deep End", duo chamanique avec Jade Vincent. En musique, ça se traduit par une tempête de guitares électriques, d'effusions new wave, par des cordes presque gothiques et des mélodies éblouies par les ombres ("Après le blitz", superbe collaboration avec Flavien Berger). Daho convoque dans son étreinte les fantômes de Syd Barrett, le fondateur maudit de Pink Floyd, mais aussi celui de sa soeur Jeanne, disparue brutalement en janvier 2016, à qui il dédie le claquant mais tendre "Jardin". Bien sûr, Daho ne serait pas Daho sans l'élégance qui caractérisait déjà "Les chansons de l'innocence retrouvée" il y a trois ans. "L'étincelle" et "Hôtel des infidèles" offrent sur la fin deux moments de pure contemplation auditive. YR

Ça ressemble à l'exorcisme des angoisses d'un coeur rebelle
A écouter : "L'étincelle", le sombre "Les baisers rouges","Les cordages de la nuit", "Hôtel des infidèles", "Après le blitz", le très beau "Nocturne" de conclusion
A zapper : "Voodoo Voodoo", qui brise un peu la dynamique




Tove Lo | "Blue Lips"


Sexoverdose. « I say hi, you say hi, we stay high, you look so pretty, yeah ». Les premières secondes du sulfureux "Disco Tits" ne laissent pas de place au doute : avec "Blue Lips", Tove Lo ne s'impose aucune limite. Deuxième chapitre du projet "Lady Wood" (2016), ce nouvel album se décompose en deux parties. La première, sous-titrée "Light Beams", est une ode frénétique à l'hédonisme, un tourbillon d'alcool, de défonce, de pulsions sexuelles et d'urgence qu'il faut perpétrer peu importe les conséquences. Dans "Shedontknowbutsheknows", Tove Lo est la tentatrice qui pousse à l'adultère. Le corps a son propre langage indépendant de l'esprit, et s'il faut parler cul avec des mots explicites alors qu'il en soit ainsi ! La popstar suédoise ne s'excuse de rien, et l'on retrouve avec plaisir cette sincérité crue qui avait transformé "Habits" en tube mondial. Mais il lui apparaît difficile voire impossible de dissocier les aventures sans lendemain des sentiments. Dans « Shivering Gold », Tove Lo ravale ses larmes sur les néons du dancefloor. L'amour et ses tourments, elle ne connaît que trop bien. « I'm in a cycle / I admit it / How can I change it when I don’t know when I'm in it ? » avoue-t-elle sur "Cycles", ballade électro-pop désarmante rejoignant la seconde partie, baptisée "Pitch black". Noir, comme ses pensées qui se bousculent sur "Struggle", évoquant la communication rompue d'un couple. Alors finalement, puisque la vie n'est que désillusion, que son coeur se reconstruit pour être seulement brisé ("Bad Days"), mieux vaut pour elle de reprendre sa liberté avec cette question : "Hey You Got Drugs ?". YR

Ça ressemble à une soirée entre euphorie et larmes
A écouter : "Disco Tits", "cycles", "Shivering Gold", "Shedont...", le trop court mais génial "Bitches", "Bad Days"
A zapper : "Romantics" et "Dont Ask Don't Tell", qui ne décolle jamais


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