Crédits photo : ABACA
Jules Frutos et Olivier Poubelle sortent du silence. S'ils avaient tenu à rester en retrait après les attentats de Paris qui ont fait 130 morts et plus de 300 blessés, les deux co-gérants du Bataclan ont enfin accepté de répondre aux questions du
Monde dans un entretien fleuve dévoilé mercredi 2 décembre. Les deux directeurs, qui possèdent 30% de cette salle de concerts, ont été très touchés par la
fusillade qui a éclaté durant le
concert du groupe de rock Eagles Of Death Metal ce jour-là. «
Nous dirigeons une salle où il y a eu 90 morts lors d'un concert. Deux collaborateurs sont morts. Tout comme des professionnels de la musique que nous connaissons bien » souligne Jules, alors qu'Olivier précise qu'il est aujourd'hui «
très difficile de travailler » pour eux.
"Une joie de vivre a été assassinée"
Ils expliquent également n'avoir pas été autorisés à retourner dans la salle de concerts, toujours fermée. «
Les policiers n'ont pas voulu, ils nous le déconseillent, et ils ont raison. Pour nous préserver. Aucun membre des équipes n'y est entré, hormis deux techniciens pour une chose précise. Une enquête est en cours, elle va être longue » ajoutent-ils, tout en relatant être allé à plusieurs reprises devant le Bataclan pour se recueillir. Olivier et Jules racontent aussi comment deux de leurs amis, agents de sécurité, ont perdu la vie vendredi 13 novembre, faisant l'éloge de leur courage et de leur action. «
Les deux vigiles à l'entrée ont sauvé des vies : ils ont compris ce qui se passait en entendant les coups de feu dans le bar qui jouxte la salle. Ils étaient dans le hall et n'ont pas fui, se sont précipités à l'intérieur où le concert a commencé, ont ouvert les issues de secours et hurlé à tout le monde de sortir. Puis ils sont retournés dans la salle. Ils sont restés responsables de la sécurité jusqu'au bout ».
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Les deux directeurs évoquent par ailleurs le traitement médiatique de ces attentats et notamment les événements tragiques survenus au Bataclan, visant plus particulièrement le journal
Libération qui avait titré l'une de ses éditions : "Génération Bataclan". «
Quand j'entends ici et là qu'une génération Bataclan a été fauchée, ça ne correspond à rien. C'est même impudique, comme tout slogan dans ces moments-là. Il y a des profils différents, des âges différents, 17 nationalités parmi les victimes de tous les attentats. La seule chose à dire, c'est qu'une joie de vivre a été assassinée » dit Olivier Poubelle, quand Jules Frutos, lui, parle d'«
un truc médiatique à la limite de l'irrespect ».
"La salle sera respectée, on ne va pas la détruire"
Ils tombent également tous les deux d'accord sur la réouverture possible de la salle de concerts dans un avenir plus ou moins proche. «
La salle sera respectée, on ne va pas la détruire. Mais beaucoup de questions se posent. Quelle salle rouvrir ? Que faire du hall ? Quelle configuration ? Quelle couleur ? Quelle circulation ? Quels accès ? Quels artistes ? » suggère le premier, tandis qu'Olivier rappelle que les discussions sont en cours avec l'actionnaire principal pour que la salle puisse de nouveau accueillir les artistes à la fin de l'année 2016.
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Un
concert hommage pour la réouverture ? L'idée a été lancée il y a quelques jours. Mais elle ne séduit guère les deux co-gérants. «
Pourquoi pas, tant qu'on y est, une retransmission sur une chaîne de service public ? Pour délivrer quel message ? Cela aurait accentué la mise en spectacle de ces attentats, qui est déjà assez forte comme ça » critique Jules, réaffirmant sans concession que «
le meilleur hommage à rendre aux victimes, c'est que les salles rouvrent, proposent de la musique, et que le public revienne ».