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Zazie : "Je ne trouve pas grossier ou illégitime de gagner de l'argent"

Vingt ans après avoir chanté "Sucré salé", évoquant l'amour comme une nourriture dont elle s'abreuvait, Zazie utilise toujours autant d'images pour parler de ses sentiments, et nous renvoie à nous-mêmes en touchant du bout des doigts ses tourments qui sont ceux auxquels tout un chacun est confronté. Huitième opus de Zazie, "Cyclo" est un voyage au fond de nous-mêmes comme si ses nouvelles chansons n'étaient en réalité qu'un miroir de notre condition et de notre position dans la société. Albums de reprises, collaboration avec Christophe Willem, argent, amour et enfance : Zazie nous emporte dans son cyclone.
Crédits photo : Matthieu Zazzo
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Quand on écoute le titre "Les contraires", qui ouvre ce nouvel album, on est notamment renvoyé aux deux expressions qui évoquent les relations amoureuses, « Les opposés s’attirent » et « Qui se ressemble s’assemble »... Comment peut-on résoudre cette équation ?
Zazie : C'est vrai, c'est l’équation du côté alchimique de la chose. « Qui se ressemble s’assemble », c’est moins sur l’alchimie que sur la communication et les caractères. Alors que « Les opposés s’attirent » évoque la charge positive et négative des électrons. Quand ils ont la même charge, ça ne fonctionne pas, ils se repoussent. "Les contraires", c’est plus généralement une chanson qui rappelle que ce qui nous plait le plus chez l’autre, c’est surtout sa différence. C’est ça qui est sexy. Il n’y a pas de raison de chercher à tout prix à tout comprendre. On peut très bien dire dans la même phrase « Je t’aime » et « Je ne comprends rien ». C’est vrai que notre éducation ne dit pas ça. Il faut tout comprendre, tout contrôler, tout faire pareil… Avoir la même éthique… Sur les grandes lignes, c’est vrai que c’est bien. Mais, pour moi qui suis hétéro, la planète homme, c’est "Star Trek" ! (sourire). Il faut accepter le fait que ce soit "Star Trek" tout simplement. Il faut accepter le fait que nous les femmes nous sommes meilleures pour tout ce qui concerne l’aspect fonctionnel de la vie. Par contre, sur le foot on n’est pas très douée. Il faut prendre des clichés comme ça. En dehors des clichés, il faut accepter que ce qui rend l'autre sexy c'est ce qu'on ne comprend pas.

Pensez-vous qu’il puisse y avoir un amour heureux ? Parce qu'avec "Cyclo", je n'en ai pas vraiment l'impression. Vous pensez que les histoires d'amour finissent toujours mal ?
S'il y a histoire, il y a un début et une fin (rire) ! Les thèmes que j'aborde peuvent paraître un peu désespérants, mais ils ne sont pas du tout désespérés pour moi. Je pense que j'ai besoin de partir d'un extrême réalisme pour réinventer l'amour, pour me réinventer dans une relation et avancer. Les personnes qui écouteront ces chansons ne sont pas forcément prêtes à entendre ou n'ont peut-être pas envie de ce genre d’honnêteté avec elle-même ou dans une relation. Et puis c’est très personnel ! Mais, en même temps, tous les « Je » de cet album sont bien évidemment loin d’être moi tout le temps. Parce que sinon je serais morte, à l’hôpital ou alors toute seule, ce qui n’est pas le cas (sourire). Quand je parle d’un moment qui me semble un peu plus délicat, où je parle de l’aspérité du caractère de l’humanité, des choses un peu plus moches de l’humanité, je crois que la moindre des politesses c’est de m’inclure dedans. Parce que je n’échappe pas à ça. Je ne fais pas pipi bleu (sourire) ! Il y a beaucoup de jeux de rôles dans ce disque.

"Za7ie", c’était beaucoup de substance peut-être indigeste à écouter
Vous savez rester relativement discrète au sujet de votre vie privée. Au final, on croit vous connaître mais on sait peu de choses de vous. Ce n’est pas toujours simple, si ?
C’est très simple en fait. Il suffit de botter en touche dès qu’arrivent des questions un petit peu plus personnelles. Ce qui n’empêche pas de mettre des éléments autobiographiques dans mes titres. Les textes de mes chansons, c’est moi qui les écrit. Rien ne m’empêche de piocher ici et là des éléments de ma vie privée. Elle est fantasmagorique aussi, la vie privée. On ne sait pas ce qui est de l’ordre de « J’imagine » et ce qui est de l’ordre de la vie personnelle.

Avec l’album Za7ie, on s’était dit que Zazie ne pourrait plus nous surprendre après. C’était un projet d’envergure, pas évident à aborder, mais là encore, avec "Cyclo", on part dans une toute autre direction. Vous n’êtes pas là où on vous attendait. Vous aviez l’envie ou le besoin de défricher de nouveaux territoires ?
C’est vrai que "Za7ie" était un projet multi-tête, très solaire et très coloré. Et c’était aussi un projet difficile à sortir parce qu’il n’y avait pas eu d’équivalent avant. On s’est posé beaucoup de questions et on a fait beaucoup d’erreurs. Je voulais que tout sorte en même temps. Finalement, on a distillé ça. On a essayé de tenir les gens en haleine… d'étaler les sorties dans le temps. Mais ce n’est pas ce qu’il aurait fallu faire. L’idée, qui était très simple à l’origine, c’est qu’on devait ouvrir l’atelier de quelqu’un pendant un an et expliquer aux gens comment un artiste travaille, montrer qu’on est artiste tout le temps et pas seulement une fois tous les trois ans. L’erreur, c’est qu’on s’est beaucoup plus focalisé sur le mécanisme. On n’est pas rentré en profondeur. On ne m’a pas parlé beaucoup de musique pour cet album-là pendant les interviews. Tout le monde ne comprenait pas vraiment comment et quand les EP et les intégrales allaient sortir. Même pour moi c’était parfois un peu compliqué. "Za7ie", c’était beaucoup de substance peut-être indigeste à écouter…

Cet album va trifouiller dans des zones assez fragiles, un peu ombragées
C’est la raison pour laquelle les sorties se sont échelonnées dans le temps…
Exactement. Mais peu importe. On s’est quand même bien marré avec ce projet. Là, j’avais envie de quelque chose qui fasse un peu moins tâche d’huile, d’un peu plus ramassé. Il fallait qu’on soit dans un format plus rassurant. Qu’il rassure autant moi que les gens.

Et c’est là qu’intervient Olivier Coursier. Votre collaboration a débuté sur "Za7ie" avec "La place du vide". Est-ce ce duo qui vous a donné l’envie de prolonger sur tout un album ?
J’ai connu Olivier comme tout le monde, en écoutant AaRON et en découvrant leur univers avec toutes ses thématiques un petit peu énigmatiques. La première fois qu’on s’est rencontré, c’était sur le plateau de "Taratata" pour une reprise de Cyndi Lauper. A cette occasion-là, Olivier avait réarrangé la chanson "Time After Time". Et j’ai trouvé son "revisitage" très intéressant. Mais je ne pensais pas encore à ça. Je savais qu’il était compositeur et pas réalisateur. Quand on a fait "La place du vide", j’ai bien aimé l’humain. Pour les deux. Ils sont autant charmants l’un que l’autre. Ils ont une forme d’élégance. Ce sont des gens qui sont profondément habités par la musique et pas par le showbiz. Ça c’est déjà quelque chose de bien. C’est assez agréable et rafraichissant. Je voulais éventuellement travailler avec quelqu’un qui fait plus du mix. Et puis, en revoyant le film de la tournée précédente, je les revois eux. Je les avais invités pour jouer à l’Olympia. Et là j’ai eu comme un déclic. Je l’ai appelé.

Un pari audacieux pour vous comme pour lui !
Je pense que pour lui c’était le moment de tenter une autre carte qui est celle de la réalisation. Il le fait déjà pour d’autres projets mais il ne l’avait jamais fait pour les chansons de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas quelqu’un qui est très démonstratif dans la musique. Il est plus dans la suggestion. Et j’avais besoin de cette petite touche-là, même si j’aime aussi faire de la musique pour danser. Comme cet album va trifouiller dans des zones assez fragiles, un peu ombragées, pas forcément très rassurantes, il fallait que la réalisation ne diabolise pas tout le travail que j’avais déjà fait. Ça ne nous a pas empêchés de retoucher à certains morceaux, de les tordre un peu. Mais toujours en gardant en tête cette idée de ne pas être bavard.

Vous êtes consciente qu’avec cet album, vous changez de décor. On est quand même bien loin de ce à quoi on est habitué. Vous ne craignez pas la réception de cet album par le public ?
Si. Bien sûr. J’ai moins de crainte quant à la réception de cet album par le public que la peur que je pourrais avoir de m’interdire de le faire. S’il y a bien quelque chose dont je suis sauvagement et farouchement convaincue, c’est qu’un artiste doit savoir se réinventer, se poser des questions, douter, essayer des trucs… Rater des trucs… ! A partir du moment où le public nous dit : « Vas-y, fais-moi rire ou pleurer ! », on doit être exigeant envers soi-même. C’est-à-dire, pas toujours faire le même album ou alors essayer d’évoluer dans ce qu’on sait faire. Je ne pense pas que cet album soit un énorme virage. C’est vrai qu’il est peut-être un peu plus musical, un peu plus têtu, qu’il y a des chansons qui font sept minutes, que je n’ai pas cherché à faire une dizaine de uptempo, mais tout ça n’était pas déterminé. J’ai fait des chansons et j’ai ensuite constaté qu’elles avaient cette tête-là. C’est plus instinctif.

Un artiste doit savoir se poser des questions, douter et rater des trucs !
Ce sont donc des chansons qui correspondent à un certain état d’esprit…
Oui, ou plutôt à une volonté de renouer avec une honnêteté dans un certain dénuement. Peut-être encore plus proche du fond des choses et moins de la forme. Mais je n’ai pas l’impression que ce soit un tournant particulier. Il y a des gens qui ne vont pas aimer. C’est sûr ! Il y en a qui vont se demander pourquoi de l’électro. « Où sont nos bonnes chansons pop ? ». Moi je trouve que ce sont des chansons pop. Mais, après tout, ce n’est qu’une étiquette.

D’ailleurs, c’est la réflexion qu'on peut se faire. Chacun de vos albums contient un à plusieurs titres fédérateurs, aux allures de tube avant même d’en devenir un. Sur "La Zizanie", il y a "Rue de la paix". Sur "Rodéo", il y a la chanson éponyme. Et sur "Totem", il y a eu "Je suis un homme". Et sur "Cyclo", y-en-a-t-il vraiment un ?
Je comprends tout à fait. Je pense que "20 ans" ou "Tout" sont des singles potentiels. Dans le mot single, ça dit bien ce que ça veut dire. C’est comme la chambre single. C’est un titre, seul, qui a sa vie propre. Alors, oui, s’il correspond au reste de l’album, c’est mieux. Mais il peut aussi avoir sa vie à lui et juste drainer une communication, une image, une envie… Et inciter à partir à la découverte du reste de l’album (sourire). Si le reste est différent, ce n’est pas si grave. Et vous avez cité à juste titre les chansons "Rue de la paix", "Rodéo" et "Je suis un homme". Ce sont trois chansons sur trois albums différents. Sur l’album "La Zizanie", il n’y a pas que des "Rue de la paix". Ce n’est pas tout à fait ça. "Rodéo", c’est un titre uptempo avec un vrai propos. Il était peut-être plus raccord avec l’album. Et, "Je suis un homme", c’est pareil. Il y en avait un seul sur l’album. Pas deux (sourire) ! On espère effectivement qu’il y en aura au moins un sur "Cyclo" pour lui donner suffisamment de souffle et de puissance pour porter l’album. Et puis il y aura la tournée à la rentrée.

Il y a une urgence à être heureux
Est-ce que, aujourd’hui, un artiste peut arriver à construire une carrière sur vingt ans sans que ses albums comportent au moins un titre fédérateur, porteur ?
Je pense qu’il y a d’autres manières d’aborder un album. Là où je vous rejoins, c’est sur la manière dont on envisage la musique et ce que représente un album aujourd’hui. Parce que maintenant, au mieux on va sur iTunes et on achète à la carte. Moi je me dis que tant que ce format existe, je continue à envisager l’album comme un voyage. Un voyage que je prévois sur à peu près une heure. On part, je les emmène à la première à droite, on s’arrête pour bouffer là dans un coin et on repart (sourire)… Mais s’ils ont envie de commencer par bouffer et puis par la nuit pour terminer à l’aube, ça ne me dérange pas. Ce n’est pas à moi de choisir. Moi, je propose un voyage et le public choisit ce qu’il veut en faire. Après, je ne sais pas si on peut sortir un album sans avoir aujourd’hui cette chose qui s’appelle le single fédérateur. Je pense que oui, mais qu’il faudrait réinventer les formats. On ne doit pas avoir un seul tuyau pour passer à la radio et un clip qui va bien avec. J’ai la chance d’avoir tout ça. Mais ce n’est pas vrai pour toutes les musiques. Quand Sigur Rós a commencé sa carrière, on ne pouvait pas parler de single fédérateur sur ses albums. C’est quand même très barré comme musique (rire) ! Mais cet artiste va trouver une manière faire un peu fédératrice, avec le net par exemple. On peut faire le buzz avec toutes sortes d'autres choses.

Regardez le clip "Cyclo" de Zazie :



Avec la chanson "Temps plus vieux", on découvre une Zazie qu'on ne connaissait pas, torturée par le temps qui passe et par la mort…
Je pense que c’est vous qui l’êtes (rire) ! C’est celui qui l’écoute qui l’est en réalité. Pour moi, aborder ces thèmes-là n’est pas un souci. Bien au contraire ! C’est vrai que ce sont des thèmes un peu austères, un peu moins joyeux… Mais si on prend le thème en soi, c’est juste la vérité. Ce ne sont pas des thèmes tristes ou gais. C’est ce qu’on y met derrière qui va être triste ou gai. A la fin de cette chanson, je rappelle que nous sommes tous de passage. On n’a peut-être pas envie de se rappeler tous les jours que l’homme est mortel ! Mais ce n’est pas dénué de sens de se le rappeler de temps en temps. C’est se rappeler qu’il y a une urgence à être heureux, une urgence à la joie, à ne pas entendre demain… C’est tout ça que dit cette chanson. C’est aussi une chanson sur les formats de séduction que d’une certaine manière on nous impose. C’est peut-être encore plus vrai pour nous les filles avec le diktat de la mode. De vingt à quarante ans, on est tranquille, mais au-delà… Je viens d’aller voir mon dermato, il m’a quand même proposé un lifting (sourire) ! J'ai trouvé ça très goujat de sa part et à la fois très abstrait. C’est bien vous dire la force que prend le regard des autres sur l’image de nous-mêmes avec l’âge qu’on prend. Alors, oui, j’ai des rides et ça ne fait pas plaisir tous les jours, mais on sera peut-être plus séduisant en étant nous-mêmes plutôt qu’en essayant de paraître par tous les moyens possibles et imaginables.

Mon dermato m’a proposé un lifting !
Ce n’est pas un hasard si cette chanson est collée à "20 ans". Vous les regrettez, vos vingt ans ?
Pas du tout !

Comment percevez-vous la nouvelle génération qui aujourd’hui fête ses vingt ans ? Comment voyez-vous évoluer cette génération de nouveaux adultes ?
Je pense qu’on avait la chance de pouvoir se fantasmer et se projeter dans le futur. La vie était quand même plus légère. Il y avait moins de chômage. On avait des petits boulots, mais on pouvait travailler. Aujourd’hui, je vois des étudiants qui vivent à côté de chez moi dans une voiture. Ce n’était pas facile tous les jours, on ne roulait pas sur l’or, mais on n’en était pas là. On avait la chance de pouvoir vivre nos vingt ans et d’être insouciants. Là, j’ai l’impression que d’être insouciant alors qu’on a vingt ans, c’est soit totalement destructeur, soit un luxe sublime. D’où la chanson "Tout". Je ne vois pas les gens prendre du plaisir à boire mais juste à être bourrés. Les gens ne cherchent pas le plaisir de la rencontre mais simplement à "niquer", si vous me passez l’expression. Evidemment, ils ne sont pas tous comme ça et je vous rassure, il y a aussi des quadras qui agissent comme ça (rire) ! En tout cas, j’ai l’impression que c’est plus difficile de trouver du souffle.

Vous avez pleinement profité de vos vingt ans ? Vous avez eu plaisir à vivre dans l'insouciance ? Et il vous arrive encore parfois de vivre dans cet état ?
Mes vingt ans, ce n’est pas la période la plus agréable de ma vie. J’étais entre deux formats. Il y avait les cadres que mes parents m’avaient inculqués, et dans lesquels je faisais un peu mon marché en ne gardant que ce qui me plaisait, et la vie d’après qui était un peu vide parce que je ne savais pas du tout dans quelle direction aller. Je n’avais aucune projection de moi. J’avais 25 ans. J’étais encore jeune et je n’avais pas encore compris qu’on pouvait mêler son plaisir et son métier. "20 ans", je l’ai mis à la suite de "Temps plus vieux" parce que je voulais montrer que je ne tiens pas à faire de jeunisme, que ça ne sert à rien car on sera aussi bien dans notre peau à l’âge qu’on a et qu’on peut même éventuellement être plus rock’n’roll ! Alors, je veux bien admettre que c’est plus facile à dire quand on est bien installé et qu’on a un peu d’argent, mais il faut savoir s’en rappeler. C’est-à-dire qu’on peut s’encombrer de choses un peu bourgeoises, et c’est super. Mais il ne faut pas oublier que dans la musique, parce que c’est ce qu’on a choisi de faire, il y a écrit « Jouer de la musique ». C’est un jeu ! Il ne faut pas oublier le fun et l’épicurisme. Alors, oui, on aura une tête de potiron en allant se coucher les derniers pour reprendre la chanson "20 ans", mais je vous emmerde (rire) !

Dans la chanson "Tout", on retrouve un thème que vous avez déjà maintes fois abordé. C’est une forme d’anticapitalisme qu’on a déjà entendu sur différents morceaux comme "Rue de la paix" et "Etre et avoir". Vous ne tournez pas un peu en rond ?
Je suis très bien placée puisque je suis complètement victime de ce système-là. Et parce que participant à ce système-là en étant dans une major, en étant dans le marketing, en allant à la télévision, en ayant des marques qui viennent me trouver pour porter des fringues ou utiliser tel téléphone portable, même si j’ai dit non à tout, je peux moi aussi en être victime et m’acheter trois canapés par semaine et poser mes fesses dans un seul. Alors à quoi me servent les deux autres ? Je me fais avoir comme tout le monde par ça. Et je vois bien que ça ne me contente pas. D’où ces chansons récurrentes parce que je me fais toujours avoir. Un petit peu moins maintenant, mais quand même (sourire)… On est dans une société de l’immédiateté et il suffirait des fois de prendre un tout petit peu de recul pour comprendre qu'il n’est pas nécessaire d'avoir tout tout de suite. Pour trouver l’amour, maintenant il y a Meetic. On se branche, on dit « Je veux » et on a tout de suite. Je ne trouve pas que ça donne beaucoup de sens à nos vies.

Je ne trouve pas grossier ni illégitime de gagner de l’argent
Cette surconsommation fait progresser la recherche, et notamment pour tout ce qui concerne les nouvelles technologies. Tout n’est pas blanc ni tout noir...
Non. Parce que ce qui permet en soi vraiment de faire avancer la recherche ce sont les chercheurs avant les financiers. Après, il y a des choses qui sont bien dans le "avoir". Il y a des choses à réinventer ou à appliquer. On peut prendre l’exemple de la taxe Tobin. On profite de quelqu’un qui est super doué pour amasser de l’argent, de ponctionner son savoir-faire dans l’avoir pour le mettre au service de personnes pour qu’elles puissent être.

L'argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue...
Je ne boude pas ça. Sinon, je passerais mon temps à donner mon argent à des associations. Je ne trouve pas grossier ni illégitime de gagner de l’argent. Ce qui me gêne peut-être plus, c’est le fait d’amasser de l’argent et de s’encombrer. Si je prends une image, si on se mettait au-dessus de la tête tout ce qu’on possède, on ne pourrait plus respirer. Je pense qu’on gagnerait à se désencombrer. Chose que savent très bien faire les gens démunis de beaucoup de choses et qui vivent en étant très heureux. Le monde nous dicte aussi notre manière de vivre : il faut réussir, gagner de l’argent, que ça aille vite… Pourquoi ? Est-ce qu’on ne pourrait pas prendre le temps d’une chanson pour se poser la question, en se moquant de soi-même, de savoir si on est vraiment plus heureux en ayant toutes ces choses-là ?

Crédits photo : Matthieu Zazzo
Je me sens beaucoup mieux dans ma peau, y compris avec les deuils qu’on doit faire
L’album "Cyclo", ce n'est pas aussi celui d’une femme tiraillée entre le passé et le présent ?
Pas du tout ! Mais vous pouvez avoir cette impression-là parce qu’en effet, on peut croire à de la nostalgie dans mon propos. "Cyclo", c’est sur un univers adulte. On est dans un monde un peu moins fantasmé. Je ne suis pas du tout dans le passé. Il n’y a pas si longtemps, je me suis dit qu’il fallait mettre toutes mes photos dans des albums, plus pour ma fille que pour moi. Je ne suis pas du tout passéiste ni dans la mélancolie de ça. Pour la seule et unique raison que je me sens beaucoup mieux dans ma peau, y compris avec les deuils qu’on doit faire.

Il y a quand même toujours une part d’enfance chez Zazie, qui ne s’est pas éteinte avec "Cyclo". Pensez-vous qu'elle restera toujours-là ?
Bien sûr (sourire) ! Je pense qu’elle n’est pas antinomique de la maturité. Bien au contraire ! Plus on avance dans l’âge, plus on se rend compte qu’il ne faut pas oublier ce petit hooligan qui nous pousse à faire n’importe quoi et à réinventer nos vies. Ce petit enfant léger, insouciant, est absolument indispensable dans nos vies, surtout quand on aborde des thèmes comme ceux-là, où c’est un peu abyssal, vertigineux… Autant avoir un ballon gonflé d’hélium pour remonter ! J’ai besoin de cette profondeur et de prendre le temps de réfléchir sur ma vie, comme j’ai besoin de passer des journées entières à faire n’importe quoi, à ne réfléchir à rien.

Christophe Willem, c'est un artiste intéressant, futé comme une buse
Vous évoquiez à l'instant les contrats qui vous ont été proposés par des marques. Est-ce qu'au sein de votre label, on vous a déjà proposé des projets publicitaires un peu évènementiels pour accompagner la sortie d'un album ? Est-ce qu'on vous a déjà soumis des projets musicaux, en expliquant que c'était bien pour votre carrière ? Comme ces albums de reprises qui fleurissent depuis quelques années ?
Non. On ne m'a pas proposé ça. Je pense que tant que je vendrais des albums, on ne me proposera pas de sortir un disque de reprises (rire) ! Mais en tant qu'artiste, on est lié par un contrat. Tout ça est contractuel. On doit sortir quatre ou cinq albums au mieux et puis un ou deux best-of. Moi je n'en ai qu'un pour le moment. Je vais essayer de m'y tenir et de continuer à proposer des chansons originales aux gens. Ma maison de disques ne me propose pas spontanément de travailler avec telle ou telle marque. Par contre, dans les majors, c'est une manière de récupérer des sous. Si on veut faire un clip un peu cher, on va chercher à faire du placement de produits. Il n'y a pas de honte à ça. On sait que les maisons de disques ont un budget extrêmement réduit pour tourner un clip. Parce que ça coûte cher et que ça ne passe pas énormément. Quand ils se remboursent, c'est déjà bien. Un clip, c'est comme une carte de visite un peu chère. Aucun de mes clips ne comporte de placement de produits aujourd'hui, à part celui de Mademoiselle K. Et puis il y a des agences qui demandent l'autorisation de reprendre des paroles d'une chanson pour un slogan publicitaire. On m'a déjà proposé "Les couettes Dodo" : "Eh, dodo, ma nuit c'est le paradis". J'ai eu aussi "Tout le linge il est beau" (rire) ! Je ne voyais pas l'intérêt. Je ne suis pas menée par l'argent. J'ai la chance de faire un métier où on en gagne vraiment beaucoup mais ce n'est pas le résultat escompté. Je ne vais pas aller chercher ça en plus. Par contre, si on me propose de reprendre un extrait d'un de mes titres pour un film, je dis oui et c'est gratuit. Je donne les droits. Mais la pub, c'est pas mon truc !

Hormis votre tournée à l'automne, vous avez d'autres projets, d'autres collaborations en perspective ? Vous allez travailler sur le prochain album de Christophe Willem ?
On s'est vu dans ce sens. Je ne sais pas si je vais travailler pour lui. C'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup. J'ai de la tendresse pour lui. Je l'ai vu sur scène, y compris à des moments où je n'avais pas autant apprécié sa musique, mais je trouvais qu'il était plus fort que la machine qui est autour de lui. C'est un artiste intéressant, futé comme une buse. J'aimerais bien éventuellement écouter ce qu'il a commencé à faire. Je pense qu'il lui reste une carte qu'il n'a pas encore joué. Il pourrait avoir encore un peu plus confiance dans sa partie créative, dans la composition. Et à partir de cette matière-là, voir si on ne peut pas aller quelque part.
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