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Berry en interview : "Parfois, fuck, c'est tellement plus clair qu'une phrase alambiquée."

Il aura fallu quatre ans à la chanteuse Berry pour donner une suite à son premier essai, "Mademoiselle". En bacs cette semaine, le nouvel album de l'artiste, "Les passagers", s'inscrit dans sa pleine continuité, faisant voyager l'auditeur entre des sentiments de douceur et une spontanéité presque déconcertante. C'est ce paradoxe que donne à voir et à entendre une chanteuse tout en retenue qui peut devenir parfois une femme osée. L'artiste s'exprime au sujet de cette dualité qui nourrit son univers cours d'un entretien réalisé à l'occasion de la sortie de ce nouvel opus.


Quatre ans pour ce nouvel album. Vous vous êtes fait attendre... (Jonathan Hamard, journaliste)
Berry : On m'avait dit que c'était dur un deuxième album. Et c'est vrai, c'était plutôt difficile pour moi.

En quoi cet album a-t-il été si difficile à écrire et réaliser ?
J'ai beaucoup tourné. C'était difficile parce qu'il me faut du temps pour me concentrer. Pour le premier album, j'étais plus contemplative. Il a bien marché et je suis beaucoup allée à l'étranger. On a pas mal tourné. Je ne m'y attendais pas du tout. C'est différent de se retrouver sur scène, de partager les chansons et ensuite de retrouver un temps pour soi, une petite lumière intérieure. Il a fallu le temps de laisser venir des choses nouvelles. Ce n'était pas si évident.

Ne serait-ce pas aussi une peur ? N'y-a-t-il pas eu aussi une certaine pression ? Le premier album ayant été disque d'or, vous êtes en quelque sorte attendue au tournant.
Si. Complètement. Et c'est quand on arrête de se poser des questions que la musique revient. Tout le temps de mise en route, c'est ce temps qui ne sert à rien et pendant lequel on se met dans ces problèmes-là. Et ce ne sont pas des questions que l'on devrait se poser. Et le plaisir de composer et d'écrire de la musique revient après. J'avais si l'on peut dire manqué le timing de la maison de disques. Une fois que c'était raté, que j'étais en retard, c'était un soulagement. J'avais à peine commencé à travailler sur cet album en fait. Et les musiques qui s'y trouvent ne sont apparues que bien après. Une fois le délai qu'on nous avait dans un premier temps donné dépassé, on s'est remis à travailler avec Manou. C'était ça le plus important : prendre du temps avec Manou. Chercher ensemble. Se perdre ensemble. Laisser des mélodies venir pendant des heures. Se pencher sur des thèmes...

Les sentiments avant la raison.
C'était indispensable pour vous de continuer de travailler avec la même équipe ?
C'était indispensable dans la mesure où j'aime travailler sur les mélodies de Manou. Ça m'inspire. Ce sont elles qui inspirent les textes que j'écris. Il me propose des mélodies qui amènent les mots. C'est quasiment toujours la forme qui apporte le fond de mes chansons. Après, je réécris beaucoup mes textes. Je travaille beaucoup dans les bistrots. Ce qui me donne envie de chanter, c'est cette musique. C'est la musique avant tout que j'affectionne.

Berry, c'est donc un duo, et même un trio, avant d'être une chanteuse.
C'est un duo, un trio, parce qu'il y a Lionel qui entre dans la boucle. On travaille la production chez lui. On s'enferme chez lui pour trouver les arrangements des chansons. Est-ce qu'il faut de la guitare ou des batteries sur tel ou tel titre ? C'est avec lui que l'on se pose toutes ces questions-là. On ne part de chez lui que lorsque l'on a une base guitare-voix ou piano-voix. Ensuite, on part avec nos pistes pour aller chercher ce dont on a besoin. On va trouver des basses/batteries à Paris. On est allé dans un petit studio mythique de la capitale où l'on enregistrait les chansons de Nino Ferrer et Françoise Hardy dans les années 70. Et ce qui est assez drôle dans ce studio, c'est que rien n'a bougé. Tout est resté tel quel : les moquettes, la console… Il ressort de ce studio un son particulier. C'est ce qu'on cherchait quand on s'y est rendu avec Manou. On a notamment enregistré l'orgue. On voulait plus d'orgue sur cet album. Après, nous sommes allés à Bruxelles. On s'est enfermé pendant huit jours pour écrire les parties de cordes. Je n'aurais jamais imaginé travailler comme ça. J'en ai rêvé. Après, on est parti pour New-York. On a retrouvé Mark Plati pour la réalisation du disque. C'est nous qui avions en partie mixé le premier album. On s'est dit que c'était un point qui était perfectible. On avait envie de rencontrer quelqu'un qui puisse nous apprendre des choses à ce niveau-là : mieux placer les basses, les batteries… On avait aimé ce qu'il avait fait sur le dernier Bashung, notamment l'intro de la chanson "Sur un trapèze". J'avais une idée très précise de ce que je voulais en partant pour New-York. Mark Plati a été très gentil. Il a compris qu'on venait à sa rencontrer parce que nous étions avides d'apprendre. Il nous a montré plein de choses. Ça l'a amusé de voir qu'on voulait apprendre des techniques de son.



Je ressens beaucoup d'euphorie en vous écoutant parler de tout ce travail…
… Peut-être parce qu'il a été si dur. Le travail sur cet album a été tellement dur. Je dirais d'ailleurs que les moments durs l'ont été beaucoup plus que pour le premier. Et à contrario, les moments de joie ont également été plus forts. On a vécu des moments d'euphorie. On a réalisé un disque encore meilleur que ce que l'on voulait faire. Il y a eu plein de cadeaux auxquels on ne s'attendait pas comme le titre "Les passagers". Mark est venu sur Paris pour mixer ce titre. Manou avait composé au piano "Les passagers". Et moi, sur cette partie de piano, j'avais une phrase de Barbara qui me restait en tête. J'avais ça qui tournait en boucle. Je la chantais sur "Les passagers". Et ça me bloquait d'entrée de jeu pour écrire quelque chose. Je ne me sentais pas capable d'écrire quelque chose d'aussi beau. J'ai fait appel à Daniel Darc pour m'aider à écrire un texte. Je lui ai présenté la situation en expliquant que l'album était bouclé, qu'on attaquait les mix le lendemain. Il est venu, il a écrit : « nous sommes des passagers, il faut nous dépêcher ». C'était la phrase que j'avais envie d'écrire et il y est arrivé.

Daniel Darc, c'est un ami de longue date il me semble.
Daniel, j'avais commencé en jouant ses premières parties. On était en guitare-voix avec Lionel. Ça fait cinq ans maintenant. C'était juste avant que l'album sorte. On a ensuite chanté ensemble sur scène. Du coup, je l'ai invité à son tour dans mon spectacle. On a enregistré un duo ensemble pour la réédition de mon premier album "Mademoiselle". Et l'on s'était dit qu'un jour il faudrait co-écrire quelque chose ensemble. Là, en l'occurrence, nous n'avons pas vraiment co-écrit puisque c'est lui qui a signé le texte en entier. Il a une fulgurance, une aisance pour écrire un texte comme celui-là en l'espace d'une heure... C'est un vrai cadeau. J'ai appelé la maison de disques dans l'urgence en leur expliquant qu'il fallait repasser en studio pour enregistrer cette chanson. Je leur ai fait écouter et ils ont tout de suite été d'accord. Et c'est là que je trouve que Mark Plati a été très fort. Parce que nous n'avons pas fait revenir de musiciens. C'est lui qui a assuré toutes les parties : la basse, l'orgue… Il ne s'y attendait pas en arrivant à Paris (rires). Ça, ça fait partie des moments de joie. Je n'oublierais jamais ce moment.

Ecoutez un extrait du nouveau single de Berry, "Les passagers" :


Vous parlez de toutes les collaborations qui ont rendu possible la réalisation de cet album. Mais, entre temps, il y a aussi eu un duo avec un autre artiste. C'est Vincent Liben. Vous avez chanté "Mademoiselle liberté". Quelle est l'histoire de cette rencontre ?
C'est un ami commun qui avait offert mon disque à Vincent. Il a beaucoup aimé. Il m'avait à son tour offert son disque. Parce qu'auparavant il avait déjà publié un disque en Belgique. J'ai tout de suite aimé son univers : ses références, ses sonorités. C'est un disque que j'ai beaucoup écouté le soir. Il m'a beaucoup apaisée. Et donc il m'a contacté pour savoir si je voulais chanter "Mademoiselle liberté". J'ai dit oui tout de suite parce qu'il y avait quelque chose qui m'attirait chez lui. Je n'ai pas regretté. Je ne le connaissais pas et j'ai adoré cet artiste.

"Mademoiselle liberté", c'est aussi un écho au titre de votre premier album et à la chanson "Mademoiselle". Est-ce une simple coïncidence ? "Mademoiselle liberté'", c'est vous ?
Surement. C'est aussi pour ça que les choses se sont faites aussi facilement. Quand l'inconscient nous suggère de prendre part à des projets comme ça, aussi vite et quand se poser de questions, il y a forcément une ou plusieurs raisons indéterminées. Quand il m'a proposé ce titre-là, ça a été oui tout de suite. Il y a eu une immédiateté.

Regardez le clip "Mademoiselle liberté" de Vincent Liben et Berry :



Si l'on se penche sur ce nouvel album "Les passagers", on le conçoit d'emblée dans la continuité du premier. Peut-être plus masculin cependant sur certains aspects. On retrouve cette douceur et ce côté spontané. A l'exemple de la chanson "For Ever" où vous êtes plus directe. Y-a-t-il deux Berry ?
C'est ce que j'ai déjà essayé de montrer sur le premier album avec notamment la chanson "Enfant de salaud". C'est une continuité. Je peux être crue. J'ai du mal à exprimer ma colère et quand elle sort, ça surprend tout le monde (rires). C'est la vérité. C'est ce que je suis dans la vie. Je pense à la pudeur ou à des choses de ce genre. Je ne balance pas les trucs qui me passent par la tête… C'est tellement compliqué d'expliquer les choses que l'on veut faire. Et parfois "fuck" c'est tellement plus clair qu'une phrase alambiquée. Et aussi, ce qui me plait dans "fuck", c'est que ça sonne très bien sur cette mélodie. C'est agréable. Il y a aussi le facteur jouissif de la sonorité d'un mot. Il y a plein d'insultes ou d'injures qui je trouve produisent un son particulier et agréable à entendre. C'est même libérateur à prononcer. "Fils de putain", je trouvais que c'était agréable à dire. Ça évacue une partie de la pensée qui est liée à l'injure (rires). C'est ça qui me plait dans la vie : cette cassure dans le rythme entre ce que vous dîtes être de la douceur et ces passages plus libérateurs…

Parfois, fuck, c'est tellement plus clair qu'une phrase alambiquée.
Je vous découvre véritablement. Car, si l'on réfléchit, on ne sait pas qui est Berry. On connaissait un album. Un deuxième arrive. On peut vous percevoir comme quelqu'un de discret, presque mystérieuse j'ai envie de dire. On ne sait pas d'où vous venez, ni qui vous êtes. Et là, vous m'expliquez que vous êtes sur cet album comme vous êtes dans la vie.
Ça m'intéresse plus de parler de mon intimité à travers mes chansons. Il n'y a pas plus intime que de parler des émotions par lesquelles je suis traversée. Le reste est quand même moins important et moins intéressant.

Cet album, c'est aussi un voyage. Faut-il le comprendre comme le récit de vos aventures ?
Effectivement. En enregistrant cet album, on a fait le tri et laissé de côté tous les titres qui ne faisaient pas référence au voyage. Et pas seulement dans le sens de la rupture. Il y a aussi le départ vers autre chose de mieux. Il y a le départ vers l'au-delà. Il y a tous les départs. Et puis il y a le départ en voyage parce que j'ai été pendant deux ans passagère sur des vols et dans les trains. Et du coup, cette cohérence-là s'est faite presque toute seule. D'un coup, les chansons qui n'étaient pas dans cette ligne-là s'en allaient naturellement et ne restaient que ces petits ressentis sur ces départs-là. Tout s'est assemblé comme un puzzle pour faire cet album.

"Les passagers", est-ce le récit d'une introspection ?
Si. Complètement. Tout est lié à ce que j'ai vécu durant ces quatre dernières années.

Donc beaucoup d'histoires d'amour...
Oui (rires). Parce que c'est principalement ce qui m'intéresse. Enfin, il n'y a pas que ça qui m'intéresse… J'ai l'impression que depuis l'enfance, mon seul rêve et un rêve de rencontre, d'histoires d'amour passionnées. Les sentiments avant la raison.

Elles finissent souvent mal ces histoires d'amour.
Oui. Mais ça finit toujours mal de toute façon. Nous allons tous au même endroit.

Il est vrai qu'on a une certaine dose de spiritualité dans cet album. J'ai davantage remarqué entre les lignes cette idée d'impuissance de l'homme face aux aléas de la vie. Cette idée est très présente sur plusieurs titres. J'ai eu cette impression de votre part dans vos chansons que l'homme n'est pas toujours libre de ses choix.
D'où la chanson "Les passagers". Je lisais quelques lignes d'un philosophe dont j'ai perdu le nom. Il disait que nous prenons trois ou quatre grandes décisions dans notre vie. Je parle de décisions qui changent notre vie. Le reste du temps, on s'adapte à des circonstances. Certaines nous obligent à grandir et d'autres nous laissent à terre. C'est ça la vie. Certains deuils nous touchent plus que d'autres. Et puis on retrouve d'autres gens à aimer qui nous permettent de nous remonter. J'ai l'impression qu'au milieu de tout ça, il n'y a que de l'amour dont on se souvient. On ne gardera en mémoire que les gens qu'on a appris à aimer. Il n'y a pas que l'amour amoureux. Il y a autour de nous des gens qui nous sont indispensables et sans lesquelles on ne serait rien. Il y en a quelques-unes, et heureusement.
On ne gardera en mémoire que les gens qu'on a appris à aimer.


Autre point qui inscrit cet album dans la continuité du premier, cet intérêt que vous portez aux grandes plaines américaines, aux grands espaces. On le retrouve visuellement et musicalement. Qu'est-ce qui vous attire dans cette culture ?
Ça fait partie des choses que j'aime. Comme les films des frères Cohen. Pour vous donner un exemple, il y a ces films où il ne se passe rien. Il y a juste un plan fixe de plusieurs secondes focalisé sur une personne ou une action lente. Je peux bloquer sur un passage qui n'apporte rien à l'intrigue mais que je trouve incroyable. Les grands espaces, c'est vrai que ça me fait rêver. J'aime bien le contraste de cette vie citadine parisienne, et d'un coup, je pars au Brésil où je ne sais où. Ce contraste, c'est un beau cadeau.

Enfin, je voulais terminer sur votre pseudonyme. Berry serait en quelque sorte un hommage à la région d'où est originaire Georges Sand. Est-ce vrai ?
C'est un peu vrai. Mais pas totalement. Une partie de ma famille vient du Berry. Donc, j'y suis souvent allée en vacances. C'est un personnage mythique dans ma famille. On a été élevé au fantasme de Georges Sand, à sa culture incroyable, à sa curiosité sans nom, à son audace, à sa masculinité, à sa rébellion contre tout et contre tous… A plein de choses qui étaient incroyables à l'époque. Il y avait tout pour faire rêver une petite fille. Et le jour où l'on cherchait un pseudo, j'étais avec ma famille. J'avais envie d'un truc cours, plus terrien. Et l'on se dit que Berry incarnait ce fantasme d'une certaine femme. Elle-aussi avait pris un autre nom. C'était une évidence.
Pour en savoir plus, visitez casadeberry.artistes.universalmusic.fr.
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Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album de Berry, "Les passagers".
Regardez la vidéo "Si c'est la vie" (studio) :

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