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Anggun en interview : "La liberté est quelque chose de terriblement sexy."

L'actualité est riche en ce début d'année pour Anggun. La chanteuse franco-indonésienne représentera la France pour le concours de l'Eurovision le 26 mai prochain, poursuivra la promotion de son nouvel album "Echos" avec une réédition incluant quelques bonus et prépare sa prochaine tournée européenne. L'artiste dit "stop" le temps de répondre à quelques questions, se livrant comme elle le fait dans les chansons de son nouvel album, intime. Libre, amusante et amusée, Anggun dévoile quelques pans de sa vraie personnalité.


La France n'a pas gagné depuis 1977. Et ce malgré la multiplication des registres. On a tout essayé, même la touche classique d'Amaury Vassili l'an dernier. Est-ce qu'il y a beaucoup de pression pour ce concours qui approche à grand pas ? Et si oui, comment la gérez-vous ? (Jonathan Hamard, journaliste)
Anggun : Oui. La pression est même palpable. Mais je vais vraiment la sentir une fois que l'on sera tous sur place. Parce que nous allons être là-bas pendant une dizaine de jours. Avant ça, je préfère me préparer physiquement et puis artistiquement en montant un joli tableau avec le chorégraphe au lieu de m'auto-flageller dès maintenant. Mais ce qui est le plus étrange pour moi, quand j'y pense, c'est que je n'arrive toujours pas à me mettre dans la tête que c'est une compétition. C'est un concours de chansons, non pas de chanteurs. Il faut que je me le mette dans la tête car pour moi, la musique est aux antipodes de la compétition. Qui peut dire que telle chanson est meilleure que telle chanson ?

Le public dans ce cas précis ! C'est lui qui va voter.
Ça reste très subjectif. C'est quelque chose de personnel. On dit que les pays scandinaves votent pour les pays scandinaves, les pays de l'Est votent pour les pays de l'Est. Qui va voter pour nous ? Pas les Anglais non plus. Peut-être les Espagnols…? Si je me fie à ça, jamais on ne gagnerait, peu importe la chanson. Donc je pars du principe que c'est une fête musicale. La compétition se situe entre les pays. Je sais qu'à ce moment-là, je serai responsable de ce qui se passera sur scène. Mais en dehors de la scène, je ne le serai pas.

En arrivant sur la scène de Baku, vous sentirez-vous ambassadrice des 65 millions de Français qui pourraient suivre l'Eurovision ?
Carrément ! Mais je ne sais pas s'ils seront 65 millions à nous regarder (rire). D'ailleurs, je sillonne l'Europe pour présenter ma chanson. Je suis allée un peu partout : on me présente comme Anggun de la France. J'occupe une place particulière et je dirais même qu'il y a une petite pointe de jalousie parce que nous sommes d'entrée en finale. Pour eux, je suis déjà l'une des finalistes alors qu'ils doivent avant affronter d'autres jurys pour avoir leur place. Je sais que représenter la France à l'Eurovision veut dire représenter tout le pays.

Je serai responsable de ce qui se passera sur scène.
Qu'est-ce qui peut faire la différence le 26 mai selon vous ?
La seule différence sera quoi qu'il en soit artistique. Il faut simplement espérer que ma performance plaira au public, à tous ceux qui vont voter. Encore une fois, je ne maîtrise pas toutes les clefs. Pourquoi tel pays a plus de sympathie pour tel autre pays, je ne suis pas en mesure de le dire. On est quand même dépendant du climat politique.

Peut-on avoir quelques indiscrétions au sujet de cette prestation ?
J'aimerais tellement vous dire oui, mais je n'ai même pas commencé les répétitions (rire). Tout le mois d'avril y sera consacré. Je suis ultra motivée. Je ne veux absolument pas que l'on joue petit-bras. Jamais. Il y a la participation de Jean-Paul Gaultier, qui va me créer une tenue. Le clip avec Roy Raz : honnêtement, qu'on aime ou pas, il est très beau.

Vous le dîtes vous-mêmes : "on aime, on n'aime pas". Il suscite le débat. Beaucoup se sont demandé en le regardant quel était le sens de cette vidéo ? Comment l'interpréter ?
Mais qu'est-ce que vous voulez comprendre ?

Il n'y aurait donc rien à comprendre ?
Eh bien non. Parce qu'on rentre dans l'imagination du mec que j'ai croisé dans l'ascenseur. Dans l'imaginaire, tout est libre. La chanson est déjà une histoire. Pourquoi raconter une histoire qui est autre que celle de la chanson ? Il faut juste regarder les images sans se prendre la tête. Parfois ça me fait rire de lire des commentaires de personnes qui se demandent pourquoi il y a un cochon dans la vidéo !

Oui. J'ai bien envie de vous la poser cette question : pourquoi le cochon ?
Il faut savoir que Roy Raz adore les animaux. Dans n'importe quel clip, il y a toujours un animal. Pour le clip "Lonely Lisa" Mylène Farmer, il y avait un chameau peint, pailleté. Est-ce qu'il y a une explication ? Est-ce qu'il faut expliquer ? Non, je ne crois pas. C'est l'imaginaire fou de Roy Raz.



J'en profite de vous entendre prononcer le nom de Mylène Farmer. Depuis l'année dernière, je trouve beaucoup de similitudes entre vos deux univers, notamment les personnes avec lesquelles vous travaillez. Mylène Farmer a collaboré avec Roy Raz et Jean-Paul Gaultier, l'un de ses grands amis, et ses clips tournés dans les pays de l'Est, dans la neige, demeurent célèbres. Une comparaison probable ? Une artiste inspirante ?
Je ne rejette pas cette comparaison, mais je trouve ça étrange d'entendre ça alors qu'il n'y a aucune motivation de ressembler à qui que ce soit. Ce sont des coïncidences. Jean-Paul Gaultier est vite apparu comme une évidence pour moi. Il s'est d'autant plus avéré être une encyclopédie de l'Eurovision. Il a déjà habillé Dana International, l'année où elle a gagné. C'est un fan furieux de l'Eurovision. Il a rapidement fait part de son accord. Loin de moi l'idée de reprendre le même costumier que Mylène Farmer. Elle a déjà travaillé avec d'autres créateurs par le passé. En ce qui concerne Roy Raz et l'ambiance hivernale, avec la neige, il a voulu aller là-bas parce qu'il avait déjà voulu filmer ces paysages pour le clip "Mon meilleur amour" l'année dernière. Mais il ne les avait pas vus au mois de novembre. On n'était pas au bon endroit. Finalement, il a changé tout le scénario pour avoir des feuilles. Et quand la neige est arrivée, il a d'emblée voulu partir là-bas pour tourner le clip de "Echo (You And I)". J'avais déjà tourné une séquence du dernier film de Claude Lelouch, "Ces amours-là", dans ce pays. Le choix, c'est aussi pour des raisons de coût, parce ça coûte beaucoup moins cher. Et pour vous dire, Roy Raz ne connaissait pas le phénomène qu'est Mylène Farmer.

98% de mes amis sont gays !
Ce clip véhicule une image particulière où des hommes se baladent en sous-vêtement. J'ai envie de vous poser cette question de but en blanc : Anggun, icône gay ? Ça vous vexe ou vous enchante ? Vous restez indifférente ?
Ça ne me vexe pas du tout (rires) ! Vous savez, je vois bien évidemment le rapprochement que vous faîtes. Mais je trouve ça étrange qu'on le fasse seulement maintenant car j'ai déjà fait référence à tout ça dans plusieurs clips. Dans la vidéo "Etre une femme", il y a une silhouette qui danse dans le noir. A la fin de la chanson, on dévoile en fait que c'était un homme et non une femme. Et puis dans un autre clip, plus ancien, je montrais beaucoup de garçons. Ce n'est pas une volonté de plaire à tout prix au public gay, mais plutôt à mes amis. Car 98% de mes amis sont gays (rires) ! Et depuis toujours ! Depuis l'école. J'ai une espèce de facilité, d'affinité. Je n'ai pas de copines. C'est peut-être malheureux. Et d'ailleurs, je n'ai pas beaucoup d'amis, mais ils sont toujours là. Et quand je compare mes amis à ceux de mon mari qui sont bien hétéros et divorcés, on se chamaille parce que les miens sont ensemble depuis au moins dix-huit ans.

Regardez le clip "Echo (You And I)" d'Anggun :


J'aimerais que l'on parle de votre album, "Echos", et notamment de sa première réédition qui sort cette semaine. Ce que je retiens après écoute de ce disque, c'est que je perçois une artiste qui présente un nouvel univers visuel, textuel et musical. J'en viens même à penser que, d'album en album, le seul fil conducteur reste votre voix. Faut-il y voir une volonté de se renouveler sans cesse ou un besoin d'essayer de nouvelles choses ?
Oui. Je trouve qu'en France, on est très borné. On classe les artistes dans des prisons. Non pas dans des boîtes, mais dans des prisons. Si l'on se définit comme une chanteuse de variété, dans le sens péjoratif du terme, il ne faut surtout pas vouloir faire autre chose. Je viens d'un pays où j'étais chanteuse de rock. Je ne faisais pas du tout la même chose qu'ici. J'ai tout de même conservé les cheveux longs et un goût démesuré pour les squelettes à la maison. J'écoute vraiment du rock, voire du métal. Lorsque je suis arrivée en Europe, je me suis adoucie un peu. J'ai changé mon registre vocal. Je ne suis plus dans la technique. Je favorise plus l'émotion et la musique pop. Je suis une amoureuse de musique. Il faut savoir s'intéresser à tout. Je ne dirais pas que du jour au lendemain je ferais du reggae, mais j'ai une voix qui peut aller dans beaucoup de registres sans être ridicule. J'ai une voix qui s'adapte. Avec Zucchero, ça passe bien, avec Gérard Lenorman, ça passe bien… J'ai une voix qui se marie. Mon album "Elevation" a par exemple a été produit par des artistes rap. Quand ça avait été Nelly Furtado, une chanteuse folk, qui revenait avec "Loose", ou encore Mariah Carey qui se mettait à la musique urbaine alors qu'elle avait toujours chanté des ballades romantiques, ça ne choquait personne. On a même applaudi. Elles n'ont pas peur. Elles prennent des risques. Sauf qu'ici, on n'aime pas ça du tout. Et je trouve ça dommage. Mon album "Elevation" a été sept fois disque de platine en Asie. Après on dit qu'Anggun ne fait que des flops. Mais vous savez, la France n'est pour moi qu'un petit marché.

C'est vrai qu'il y a un très gros décalage entre votre succès en Asie et en Europe, et celui rencontré en France.
En France, il y a beaucoup de gens qui ne s'intéressent pas à ce qui se passe à l'extérieur. Et je trouve ça un tout petit peu dommage. Mais je ne veux pas non plus tuer mon envie artistique. Ni même les ambitions de ma carrière. Je prends là où c'est bon pour moi. L'important c'est d'être honnête.

Quelques titres m'ont plus particulièrement interpellé, comme "Je crois en tout" qui traite de notre société de consommation. Je ne vous attendais pas sur ce terrain-là. On vous connaissait romantique et là, vous êtes la femme indépendante, sûre d'elle, qui s'ennuie en amour.
Il y a cette phrase célèbre qui dit : "Lorsque vous êtes célèbre, des centaines de milliers de gens ont une mauvaise image de vous". Je la trouve très juste. C'est difficile de savoir qui l'on est en l'espace de trois minutes. On ne sait pas qui l'on est réellement dans le fond. D'autant que cette image-là qu'on donne à voir est contrôlée. Pour "Echos", j'ai décidé de me livrer. Je parle de mon intimité. J'ai l'âge que j'ai. Ce sont des choses qui me touchent. Je ne suis pas quelqu'un de romantique. Mon mari l'est beaucoup plus que moi. Je suis davantage terre à terre. Je suis loin d'être cette femme asiatique qu'on peut imaginer. Je le suis, sauf que je ne suis pas que ça. Il m'arrive de dire à mon mari : "Tu m'étouffes". C'est moi qui suis toujours partie. On ne me quitte pas.

Pour moi, "La neige au Sahara" n'a pas d'âge. Elle est intemporelle.
Ça me fait penser à la chanson "Juste avant toi", où l'on retrouvait déjà cette idée de liberté.
Je crois que la liberté chez une femme est quelque chose de terriblement sexy. Et pourtant je suis mariée. Je n'ai pas une image de mariage comme aux Etats-Unis. On se marie parce qu'on est adulte, parce qu'on sait qu'on peut toujours divorcer. Il y a des valeurs derrière tout ça.

Dans la chanson "Toi l'éternelle", de qui est-il question ?
De mon père, que j'ai perdu il y a huit ans. "Echos" est un album confession.

La chanson "Je partirai" évoque le voyage. Est-il nécessaire pour vous de voyager pour trouver de nouvelles inspirations, pour vous renouveler comme nous le disions tout à l'heure au sujet de vos différents albums ?
Physiquement, je voyage tout le temps. Je ne dois être à Paris que la moitié de mon temps. Grand maximum, je passe deux semaines par mois dans la capitale. Ma vie a toujours été faite de voyages. Ça a toujours été le cas et ça continue. Après, il y a aussi le sens du voyage dans la tête. C'est important de construire un ailleurs. J'incite à construire ça. C'est quelque chose qui va nous sauver. Surtout avec le contexte actuel. On est oppressé. Il faut se libérer. Il faut l'alimenter. Le voyage est vital dans ma vie. Ça ne se voit pas, mais je m'ennuie énormément lorsque je reste au même endroit. J'ai besoin de mouvement.

Sur la réédition de l'album "Echos", on retrouve une version dite "2012" de la chanson "La neige au Sahara". Est-ce que vous la chantez toujours avec la même émotion, même quinze ans après ?
Oui. J'ai entendu quelque chose de très joli : "On ne peut pas dire que c'est un vieux film. On dit c'est un film". Pour moi, "La neige au Sahara" n'a pas d'âge. Elle est intemporelle. Même si bien sûr, physiquement, elle a bel et bien été écrite au siècle dernier. C'est une chanson qui a été magique pour moi et qui le restera toujours. Après, en ce qui concerne la nouvelle version, on peut toujours la trouver moins bien, mais c'est autre chose. On ne peut pas recréer la même magie. En plus de ça, on ne peut pas comparer les deux. A chaque fois que l'on ajoute quelque chose dans l'album, ce n'est jamais qu'une proposition. La vraie version, c'est la scène. Pour moi, faire un album est vraiment un prétexte. On fait ça sérieusement, on prend du temps, car j'ai le luxe du temps. Mais ça ne s'arrête pas à ça. Je fais toujours le service après-vente.

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Ecoutez et/ou téléchargez l'album "Echos" d'Anggun.
Regardez le clip d'Anggun, "Je partirai" :

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