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Bob Sinclar en interview

Bob Sinclar est de retour avec un nouvel album dance bourré de titres profilés pour devenir des tubes. L'occasion pour le DJ de revenir sur sa carrière, les choix artistiques qui l'ont mené à produire cette nouvelle pièce ainsi que l'évolution du marché et celle de la perception du public de la musique dance. Un programme complet !


Tu reviens avec un nouvel album : "Disco Crash". On connait déjà beaucoup de titres de ce disque finalement. Beaucoup sont sortis en single. On serait presque déçu de ne découvrir que quatre ou cinq nouvelles pistes (Jonathan Hamard avec Sara Merlo).
Bob Sinclar : Aujourd'hui, on ne peut pas sortir un album et attendre un tube hypothétique. Faire un album coûte cher et c'est très difficile de vendre des disques. Au début des années 90, je sortais trois à quatre vinyles avant de produire l'album. Le public s'était familiarisé avec le son et connaissait l'univers du disque. Aujourd'hui, c'est pareil ! J'ai commencé avec "Tik Tok", puis "Far l'amore", le featuring avec Colonel Reyel est sorti à la rentrée, puis maintenant "Rock The Boat" avec Pitbull. Ça part dans tous les sens mais c'est l'esprit de "Disco Crash". J'essaie de puiser dans toutes mes influences, en me demandant si c'est adapté à mes sets de DJ. C'est important de pouvoir les jouer. Et pour ça, il faut forcement des titres différents.
La musique est une rencontre, une affinité artistique.


Parmi toutes les collaborations, un duo sort du lot : le featuring avec Pitbull, qui accompagne la sortie de l'album. Il a le profil d'un tube. Comment choisi-t-on les collaborations lorsqu'on est DJ ?
C'est compliqué. Il faut trouver des personnes que tu aimes et qui aiment ton univers musical. Il faut aussi des personnes raisonnables qui ne demandent pas trop d'argent pour faire des collaborations, en pensant que le duo pourrait être bénéfique pour eux. Pitbull en fait partie, tout comme Sophie Ellis-Bextor avec qui j'avais envie de faire quelque chose depuis longtemps. La musique est une rencontre, une affinité artistique.

Le choix ne tient pas compte des voix ?
Bien sûr, si ! Lorsque je fais mes albums, je fais une vingtaine de productions. J'essaie de cerner l'univers du disque pour ensuite penser à certains chanteurs.

Le choix est également fait en fonction de l'actualité des artistes peut-être...
Totalement ! Pitbull a un univers latino : entre sons de la Jamaïque et musique brésilienne. Un univers qui me correspond. C'est à dire totalement métissé.

Regardez le clip "Rock The Boat de Bob Sinclar :
Le player Dailymotion est en train de se charger...


Ta collaboration avec Colonel Reyel, "Me Not A Gangsta", n'est pas sur l'album, pourquoi ?
Colonel Reyel a sorti la réédition de son album à Noël avec le titre "Me Not A Gangsta". On ne voulait pas de double-emploi. Néanmoins, j'avais envie de faire du français, et ça depuis longtemps.

Pourquoi avoir choisi Colonel Reyel en particulier ?
C'est une rencontre ! Au mois de juin, on s'est retrouvé lors d'une séance de radio. Il m'a demandé de lui faire un remix. Il aimait beaucoup mon univers reggae alors j'ai accepté. Je ne connaissais pas vraiment son univers mais en studio, sa façon d'écrire était très forte. Bien sûr, le titre s'adresse à une clientèle jeune, mais ses grosses gimmicks m'ont plu !
Le son est devenu aussi important que la mélodie et le texte.


Actuellement, la musique dance et électro cartonnent dans les charts. C'est encore plus visible depuis 2010-2011. Est-ce que tu penses que ta musique va influencer d'autres artistes dont la carrière décolle ?
Le rap est mort, j'ai découvert Taylor The Creator, mais la tradition de rap comme je l'aime a disparu. Aujourd'hui, les rappeurs s'associent avec des artistes électro et c'est totalement différent. Le rock, ça devient dur ! Quant à la pop, les artistes veulent absolument s'associer aux DJ. Aujourd'hui, le son est devenu aussi important que la mélodie et le texte. Et ce sont les DJ qui le travaillent avec une maitrise parfaite de leurs outils.

Néanmoins, cette évolution va de pair avec de nombreuses critiques. L'utilisation des sons par ordinateur à outrance déplait autant qu'il plait.
Il n'existe plus de bande ou de son analogique. La musique est gérée par ordinateur. Dans "DJ Jamaica", par exemple, je produis un son acoustique avec les sonorités d'aujourd'hui. La pop music d'aujourd'hui est influencée par la dance. Et la dance est très électronique. Mais toutes les modes se font et se défont.

Découvrez la version française du clip "Me Not A Gangsta" de Bob Sinclar :


Est-ce que tu penses pouvoir rebondir lorsque cette tendance sera passée ?
J'ai commencé en 1994. J'ai débuté avec les Yellow Productions et je bidouillais des sons dans ma chambre en vendant 1.500 vinyles. Mais ce que je veux, c'est faire de la musique de club. Elle existera toujours car tout le monde voudra toujours danser. Même si le public ne s'intéresse plus à nos créations, on aura toujours un rôle de remixeur ou de dénicheurs de nouveaux talents. C'est à nous de créer les tendances de demain.

Les DJ sont très médiatisés et certains sont même en tête des ventes d'albums. C'est le cas de David Guetta qui a en quelque sorte pris la place que tu occupais il y a quelques années. Comment cohabite-t-on ? Penses-tu que le succès de "Disco Crash" pourrait égaler celui de David Guetta ?
Ça ne peut pas aussi bien marcher que David Guetta. Il est arrivé avec la musique du moment. Il est arrivé avec la musique que les gens attendaient. Mais est-ce que tu lui as demandé, lui qui sortait l'album "One Love", ce qu'il pensait du dernier disque de Bob Sinclar qui s'était écoulé à plus d'un million d'exemplaires ? Il faut être intelligent en tant qu'artiste et se dire que dans la vie on a un moment. Tous. Toi aussi. Mon moment : c'est "Love Generation" ! C'est 2005, 2006, 2007, 2008. C'est quatre ans de Top Singles avec quasiment aucune concurrence. Ça créé des émules. Ces émules-là, je les retrouve aujourd'hui sur mon terrain. Ça a lancé David, Martin, qui a cartonné l'année dernière avec son single "Hello", les Suédois... Tous ces gens-là s'inspirent de ce qui s'est fait avant. Maintenant, ce serait une erreur de me dire que c'est dans la poche. Parce que si je fonctionne comme ça, je refais ce que j'ai fait avant. Ce qui serait une erreur artistique totale. Comme j'ai fait "Love Generation", c'est à dire avec sincérité et en toute innocence, je continue à faire mes albums et mes sons aujourd'hui. Quand tu sors "Far l'amore" l'été dernier, qui n'a rien à voir avec ce qui se faisait sur le marché, où j'enregistre avec Raffaella Carrà alors que tout le monde m'attend avec Snoop Dogg, je trouve ça culotté.

En tant qu'artiste on est un peu égocentrique.
Etre là ou l'on ne t'attend pas...
Ça a toujours été ma politique : être là où on ne m'attend pas. "Far l'amore" : près de 300.000 singles vendus, une image forte, et quelque chose de crédible et sincère. Donc, je félicite David Guetta et Martin Solveig pour leur succès parce que ça aide tout le monde. Quand il y en a un qui marche, les autres suivent. Mais tout ça c'est déjà derrière ! Maintenant on attend le prochain. Là, il y a Avicii qui cartonne. Demain ce sera autre chose. On attend la nouvelle génération. Je produis un artiste qui s'appelle Michael Calfan et j'espère que ça pourrait être lui.

L'image tient donc un part importante dans ton univers musical.
C'est très important. C'est 75% de l'aura d'un artiste, de ce qu'il donne au public. Communiquer, sourire, s'habiller ou encore jouer aux platines sont des éléments qui doivent être pensés. Mais j'essaie toujours de le faire avec humour. Par exemple, j'ai fait une campagne de sous-vêtements de "Yamamay" en Italie. Prendre un DJ d'une quarantaine d'années pour ce genre de publicité : c'est drôle ! Mais il ne faut pas se voiler la face. En tant qu'artiste on est un peu égocentrique, narcissique. Ce n'est pas forcément mauvais de vouloir se donner une bonne image. Je n'oublie pas d'où je viens. Je suis resté les pieds sur terre.

En parlant de Raffaella Carrà, que tu décrivais comme icône gay, penses-tu que la musique de club touche toujours autant le public gay ?
La dance et le disco ont surtout touché une clientèle beaucoup plus mature. Les jeunes au début des années 90 n'écoutaient pas de dance, mais plus de la pop très ringarde. Je dirais en revanche qu'aujourd'hui cette musique s'est démocratisée. Mais le public gay a une culture et une sensibilité très féminine et se trouve souvent au-devant des tendances. C'est un public à suivre contrairement à moi. Ça fait 40 ans que je suis dans le quartier, je n'ai pas bougé donc forcément j'ai été influencé.

L'argent n'a jamais été une locomotive.
On te voit tous les jours dans le métro, grâce à la publicité...
...Oui, le phénomène est nouveau ! On devient bankable si des marques s'associent à des DJ. Néanmoins, si j'avais eu une image de drogué, d'alcoolique ou de dépravé, jamais Sennheiser aurait associé sa marque à une image aussi négative. C'est pourquoi je ne travaille jamais avec des marques d'alcool, même pour de l'argent... L'argent n'a jamais été une locomotive. Quand j'ai commencé en 1994, il n'y avait pas de business. De 1994 à 1998, je n'ai pas gagné un centime. Il y avait bien quelques concerts dans des bars et dans des boites comme au Queen ou au Palace, histoire de survivre. Mais j'étais le plus heureux du monde. Tout avait été fait avec sincérité et cœur. Le label était mon bébé, je l'ai construit de mes propres mains. Je suis content d'être toujours présent. De la période french touch, il n'y a plus personne. Je suis le seul !

Que représente "Disco Crash" pour toi ?
Si je devais le symboliser en trois mots, je dirai DJ culture, club sandwich et talons aiguilles...

Pour en savoir plus, visitez bobsinclar.com, ou son Facebook officiel.
Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album de Bob Sinclar sur Pure Charts.
Visionnez le clip de Bob Sinclar et Raffaella Carrà, "Far l'amore" :

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