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Alain Souchon en interview

Alain Souchon est de retour. Ou pas. Enfin, il ne veut pas entendre parler de "retour". Il publie cette semaine "A cause d'elles", un disque de reprises de chansons d'enfance. Celles que sa maman lui chantait petit. Une partie des bénéfices sera reversée à la Ligue contre le cancer, pour les enfants malades. Pure Charts a rencontré Alain Souchon autour d'un thé dans un hôtel parisien. Il nous parle de son enfance, de ses souvenirs de sortie des classes, de son projet de disque avec son ami Laurent Voulzy et aussi de sa "peur" d'écrire de nouveaux morceaux.
Crédits photo : ABACA

Votre nouvel album "A cause d'elles" est sorti cette semaine. C'est un disque de reprises des chansons qui ont bercées votre enfance. Vous aussi vous faîtes un disque de reprises ! C'est par manque d'inspiration ? (Steven Bellery, journaliste)

Alain Souchon : Non. Ça n'a rien à voir. Peut-être que le prochain album, que je suis en train de faire, ne sera pas inspiré. Mais là, j'ai fait un disque pour la Ligue contre le cancer, je ne cherchais pas l'inspiration. Ce sont les chansons que l'on me chantait quand j'étais enfant. Quand j'étais tout petit, ma mère me chantait ces chansons. Ce sont des chansons qui m'ont marquées parce qu'elles racontaient des histoires. J'adorais les musiques de ces titres, mais surtout le fait qu'elles racontaient des histoires, pas forcément drôles d'ailleurs ! Et quand j'ai fait des chansons plus tard, pour moi les paroles étaient aussi importantes que la musique. Et c'est sûrement à cause de ces chansons-là que celles que j'ai écrites plus tard étaient faites comme elles le sont.

"A cause d'elles" n'est donc pas le successeur d' "Écoutez d'où ma peine vient" sorti en décembre 2008 ?
Ce n'est pas un retour puisque je n'ai rien écrit. Ce disque, c'est une parenthèse, une récréation. Donc c'est pas un album "de moi". Je fais ça pour les enfants qui ont le cancer. C'est à part. Ce n'est même pas un trait d'union... C'est comme si Ribery allait aider les aveugles, c'est pas pour ça qu'il va être infirmier toute sa vie.

Justement pourquoi donner une partie des bénéfices à la lutte contre le cancer ? Comment l'idée vous est venue ?
Je suis terrorisé par le cancer. Je trouve que c'est un truc qui rode dans la société. La première fois que j'y ai pensé, je regardais une émission à la télé. Je voyais des gosses de trois ans – qui avaient le cancer – et qui se retrouvaient dans des chambres stériles ! Ça m'a impressionné ! Comme je voyais tous mes collègues Marc Lavoine avec les autistes, Zazie avec Sol-en-si, Jean-Jacques Goldman avec "Les Enfoirés", je me suis dit que je pouvais aussi faire une bonne action. (rires) Il n'y a pas de raison qu'il n'y ait que eux qui fassent des bonnes actions. Il fallait que pour le jugement dernier, j'arrive en règle aussi.

L'idée vous est donc venue en un clin d'œil, elle ne vous trottait pas dans la tête depuis des années ?
Oui c'est venu comme ça ! A Noël dernier, je faisais du ski, je pensais à ces petits-enfants. Et je me suis dit "tiens je vais leur chanter les chansons qu'on me chantait quand j'étais petit!".

Votre Maman avait un sacré répertoire !
Oui ! Enfin, j'avoue, j'ai ajouté trois chansons au disque qu'elle ne me chantait pas : "Les enfants sages", "La mort de l'ours" et "Memphis Tennessee" que j'ai découvert après. Je trouvais qu'elles parlaient très très bien du monde de l'enfance.



Finalement, vous avez toujours gardé un pied dans l'enfance, vous qui chantiez "Allo, Maman bobo".
Non ! Au début j'ai emprunté un langage pour enfants comme dans "Jamais content" ou "Allo, Maman bobo" mais je ne me suis jamais pris pour un enfant. Quand on fait ce métier, on a la chance de garder une âme un peu adolescente. Mais, je ne suis pas resté un gamin.

Il n'y a qu'un seul inédit dans votre album, la chanson "Le jour et la nuit". Vous en signez les paroles, votre fils Pierre la musique. C'est un titre assez dur sur l'école...
Ah bon ? Vous le prenez comme ça ? Ah ben j'ai du mal me faire comprendre. C'est la réalité ! Je dis qu'il faut aller à l'école, qu'il n'y a que l'école qui peut vous sortir de la mouise. Mais c'est pas toujours marrant : faut se lever le matin à un moment où on n'a pas envie de se lever pour aller faire des choses qu'on n'a pas forcément envie de faire.

Le jour, c'est la contrainte. La nuit, la liberté c'est ça ?
La nuit vous êtes Steven Spielberg, vous faîte ce que vous voulez. Vous volez à cheval sur des poissons. La nuit c'est génial !! La vie est séparée en deux. Le monde réel et celui qu'on développe dans les rêves comme l'a très bien illustré Jean-Jacques Sempé qui a fait les dessins magnifiques de mon album. J'ai été extrêmement touché qu'il accepte car c'est un génie.

Visionnez Alain Souchon en studio sur "Le jour et la nuit" :



Il y a douze reprises dans cet album. Ce sont toutes des souvenirs ?
Oui j'avais quatre ou cinq ans, je rejoignais mes parents dans leur lit. Ma mère chantait. Mon père aussi parfois, "Malbrouck s'en va en guerre"...

Mais c'est très triste cette chanson. Vous ne la reprenez pas celle-là, mais il y a beaucoup de chansons tristes dans cet album.
Ça me plaisait que ce soit triste. Toutes les chansons de ce disque le sont. J'aimais ça. Quand j'étais
gosse, j'attendais la fin des chansons pour que ça me fasse des frissons d'émotion...

Vous aimez vous faire du mal ?
Non ! Mais pourquoi les films tristes vous font quand même plaisir ?

On retrouve aussi dans cet album trois chansons "scoutes". On vous imagine mal le foulard autour du cou !
Eh bien si ! J'ai été "Cœur vaillant", c'est un peu comme les scouts mais c'est catholique. Mais ces chansons c'est ma mère qui les chantaient, elle n'avait pas été scout. Je ne sais pas comment elle les connaissait par contre...

Et alors que faisiez-vous "En sortant de l'école", pour paraphraser le titre d'une de vos reprises, poème de Jacques Prévert.
C'était la bonne qui venait nous chercher à la sortie de l'école... Et j'avais vis-à-vis de mes camarades pas envie que on me voit en train de donner la main à la bonne. Je voulais faire comme si j'étais libre. J'avais 6 ans ! Alors je marchais tout seul, à côté un peu loin... Je voulais faire grand !

Et vous faisiez partie des "Enfants sages" ? (autre reprise, de Guy Béart)
Je crois que j'étais sage pendant 7 ans puis après ça c'est gâté ! J'étais même premier de la classe je crois. J'étais gentil et sage, puis après non !

Vous êtes nostalgique de cette époque, cette écriture à la Prévert ou la Béart ?
Je les trouve très jolies ces chansons, elles ont rempli ma vie... Après, j'étais content de découvrir le rock, la pop-music, les Rolling Stones ! Mais ces chansons à la française sont restées dans ma tête. Guy Béart a écrit des chansons magnifiques...

Ce qui est étonnant, c'est qu'on se rend compte à quel point ces reprises sont toujours d'actualité alors que certaines ont été écrites au 19ème !
Dans les chansons, on dit toujours la même chose : que les filles sont jolies et que la vie est courte ! (rires) mais on le dit de manières différents !

Vous avez glissé "J'ai dix ans" dans cet album de reprises, vous l'avez réenregistrée. Pourquoi ?
Simplement pour me faire plaisir ! Elle est toujours actuelle même si je n'ai plus la même voix qu'il y a trente ans. Je la chante toujours sur scène alors je voulais qu'elle sonne plus 2011.

"J'ai dix ans" était sorti en 1974. Un titre qui marquait le début de votre collaboration avec Laurent Voulzy. Où en est votre projet d'album à quatre mains et deux voix ? C'est votre prochain disque ou vous en ferez un en solo avant ?
Non non ça sera mon prochain disque. Promis. C'est assez compliqué à faire. Ça n'est pas évident d'écrire des chansons qu'on chantera à deux, au point de vue texte.

Donc il n'avance pas très vite ?
Comme Laurent faisait son album ("Lys and Love" à sortir la semaine prochaine), j'ai fait ce disque de reprises... Donc on a pris du retard... Puis j'ai écrit des chansons pour l'album de Laurent aussi... Ça m'a pris du temps... Vous savez les chansons, ça s'écrit pas à la demande. C'est comme un roman. On n'a pas de dead-line.

Vous partirez en tournée tous les deux ?
Oui bien sûr ! Pour nous, ça sera agréable. J'aime chanter à deux, j'aime bien être avec Laurent. Nos voix s'accordent bien ensemble.

Et avec "A cause d'elles", il n'y a aura pas de petite tournée ?
Non ! Je fais le tour des Fnacs c'est tout ! Je chanterai 5-6 chansons et c'est tout. Il n'y aura pas d'événement.

Et vous avez déjà des idées pour votre prochain album solo ?
Je ne sais même pas si j'en ferai ! Mon prochain, c'est avec Laurent. Après on verra, j'aurai 97 ans ! Je ne sais pas...

Carpe Diem, Alain Souchon ?
Exactement. Je me méfie de moi... Les chansons des gens que j'ai admiré énormément étaient beaucoup moins intéressantes quand ils étaient en fin de carrière. Donc j'ai peur que les miennes, ça soit pareil. Ça me fait peur d'écrire des chansons maintenant... Je trouve que les gens se laissent aller à la facilité du fait qu'ils ont eu du succès.

Vous avez peur de vous décevoir ?
Oui mais je fais attention ! Je ne trouve pas que mes dernières chansons étaient ratées. "8m²" (morceau de son dernier album "Écoutez d'où ma peine vient"), je trouve ça bien, ça va !
Pour en savoir plus, visitez alainsouchon.net et la page Facebook d'Alain Souchon.

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