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Isabelle Boulay en interview

Trois ans après "Nos lendemains", Isabelle Boulay est de retour avec un (excellent) nouvel album "Les Grands Espaces". Elle a sorti entre-temps - au Québec seulement - "Chansons pour les mois d'hiver". Ce nouvel opus mélange subtilement six nouvelles chansons à neuf reprises, le tout sous la houlette de Benjamin Biolay. Un disque où Isabelle Boulay apparait métamorphosée. La voix est plus discrète, les arrangements country-folk. L'occasion d'aborder cette nouvelle tonalité, sa collaboration avec Benjamin Biolay, son amour pour Montréal, son désintérêt de l'été... Rencontre.
Crédits photo : Maxyme G. Delisle
Pour ce nouvel album "Les Grands Espaces", vous avez "embauché" Benjamin Biolay. Ça n'est pas la première fois que vous travaillez ensemble. Vous êtes même l'une des premières artistes à avoir fait appel à ses talents d'auteur-compositeur. Cette fois, Benjamin Biolay est directeur musical, réalisateur, arrangeur. Pourquoi lui ? (Steven Bellery, journaliste)
Isabelle Boulay : J'ai travaillé dans le passé avec Benjamin sur deux disques où il a été co-réalisateur ("Mieux qu'ici-bas" et "Tout un jour"). Et, sur l'album "Nos lendemains", il m'a offert une chanson originale pour la première fois. Mais, là j'avais envie d'un album où allaient se côtoyer la grande variété, la variété grand luxe et à la fois la musique – à laquelle je suis très attachée – qu'est la musique country-folk. C'est la musique de mes racines, une musique dans laquelle j'ai passé une bonne partie de mon enfance. Je voulais allier mes racines nord-américaines à la culture de la grande chanson française. Comme je sais que Benjamin est un grand admirateur et un grand connaisseur de la folk américaine, il m'apparaissait que c'était l'alchimiste idéal pour faire ce disque-là.

Comment vous lui avez proposé cette collaboration ?
J'aime la chanson de variété. Mais je tiens à faire de la belle variété

C'était au mois de mai 2010, dans les coulisses du Casino de Paris. J'étais venue spécialement de Montréal pour venir le voir sur scène. Je lui ai parlé de mes envies après son concert. Je croisais les doigts pour qu'il accepte. Il m'a dit : « Je suis ton homme, je veux le faire, la country ça me plait ». A partir de là, on a commencé à faire des allers retours. On est entré en studio en mars dernier.

Benjamin Biolay évolue tout de même dans un univers assez lointain de la pure variété. Vous vouliez prendre vos distances par rapport à vos précédents disques ?
J'aime la chanson de variété. Mais je tiens à faire de la belle variété. Je voulais faire de la chanson réaliste française et arriver à quelque chose de fin.

"Les grands espaces". On pense évidemment à l'Amérique du Nord et pourtant, musicalement, c'est probablement votre album le moins "québécois", vous êtes beaucoup plus posée. Vous utilisez moins votre voix.
C'est un album que j'ai fait dans un état d'abandon dans le sens où je me sentais totalement libre. Je voulais le faire dans cette ambiance-là. Je connaissais les dons de Benjamin, son goût et son élégance. Je me suis laissée faire. C'est un album proche de ma nature profonde. Les Français me connaissent surtout comme une chanteuse à voix. Alors que je me considère plus comme une diseuse qu'une chanteuse. Je suis capable de donner de la voix, mais je n'ai pas un très grand registre vocal ! C'est vrai, j'ai suivi une mode. Mais là, on est plus près de ma vraie nature. Des chanteuses phénoménales comme Adele ou Amy Winehouse ont trouvé de suite leur "genre". Moi ça m'a pris plus d'années pour affiner mon travail.

Aviez-vous envie de changements ? De faire différent de vos précédents albums ?
Je n'ai pas eu l'impression de faire une volte-face. Tout s'est fait naturellement, subtilement et sur la longueur du temps. J'ai fait deux albums qui ne sont pas sortis en France et qui amorçaient cette évolution. C'est peut-être pour cela que vous entendez plus la différence !



Vous dîtes dans le livret de cet album : « Je suis une femme qui chante. A la fois avec son cœur d'ouvrière et de conquérante ». C'est une bataille la musique ?
La musique m'a aidé à tenir debout. Ça n'est pas une bataille, c'est un cheval de bataille.

Dans cet album, vous avez mélangé des titres inédits (six dans l'album) avec des reprises (neuf). Vous n'aviez pas assez de nouvelles chansons ?
Ah non non ! On n'a jamais voulu faire un disque en se disant "On va faire comme-ci ou comme ça". On voulait juste faire un album cohérent. On a traité les reprises comme s'il s'agissait de chansons originales. Même si les reprises sont d'une autre époque, qu'elles ont été chantées par d'autres, elles font partie de l'histoire de l'album. Je produis mes disques alors si je n'ai pas le courage de ma liberté, ça n'est pas la peine !

Vous reprenez par exemple "Souffrir par toi n'est pas souffrir". Un sublime texte d'Etienne Roda-Gil mis en musique et interprété par Julien Clerc. Pourquoi ?
C'est apparu comme une évidence. Ça fait des années que je veux la reprendre mais je ne trouvais pas le contexte. Un soir, Benjamin me l'a fait réécouter. Etienne Roda-Gil avait ce talent de faire sonner les mots, c'est comme s'il y avait déjà de la musique dans ses mots. C'est la déclaration d'amour ultime : "Souffrir par toi n'est pas souffrir"... Elle me fait beaucoup penser à "Tu ne me dois rien", une chanson de Philippe Dijan pour Stéphane Eicher. C'est une chanson de maturité amoureuse, elle n'est pas triste, elle est juste très très vraie, c'est une chanson réaliste où on ne se raconte pas d'histoires...

Julien Clerc va partir en tournée symphonique au début de l'année... Vous aimeriez la chanter en duo avec lui ?
Je ne sais pas s'il a prévu de la chanter ! Mais je suis toujours partante pour chanter avec Julien ! (rires). C'est quelqu'un avec qui c'est tellement agréable de partager une chanson. Il a beaucoup de goût. Il est comme le bon vin, il mûrit tellement bien...

Autre reprise : "Jolie Louise" de Daniel Lanois. Un titre où vous chantez en anglais ! Une première !
Je suis une francophone qui chante en anglais ! Mais je ne pouvais pas me passer – sur cet album – de chanter en anglais ! Ça m'amène à chanter différemment : c’est un autre phrasé, une autre musicalité que j'apprécie beaucoup. J'aime beaucoup chanter en anglais. Il y a d'ailleurs "All I Want Is Love", une chanson originale totalement en anglais sur ce disque...

Vous aimeriez faire un disque intégralement en anglais ?
Oui ! Si j'en fais un, je voudrais le faire avec T-Bone Burnett (producteur et musicien américain, il a joué avec Bob Dylan et réalisé de nombreux disques dont le dernier album d'Elton John – The Union, NDLR). C'est une grande ambition...

Mon titre préféré "Voulez-vous l'amour" est une chanson de Benjamin Biolay, il en signe les paroles et la musique. Joli cadeau non ?
C'est un cadeau inattendu ! Je savais qu'il allait avoir beaucoup de travail alors je n'avais pas osé lui demander une chanson en plus... Un soir, il m'a demandé s'il pouvait m'emprunter une guitare. Je n'avais qu'une petite guitare rose que je garde pour ma nièce ! Il est rentré avec. Le lendemain il est revenu avec la maquette de ce titre. Imaginez ma joie !

L'album s'ouvre par "Fin octobre, début novembre". Ce titre c'est une déclaration d'amour à Montréal ?
C'est un hymne à l'amour à Montréal. J'y suis arrivé à 19 ans. Je vivais une histoire d'amour à distance au même moment. Je marchais dans cette ville tous les jours et je me suis mis à l'aimer et à la connaître. Montréal c'est devenu chez moi, même si je n'y ai pas grandi. Je pourrais peut-être envisager de vivre en France un jour mais mon fils a eu trois ans, il va à l'école. Il a besoin de bases solides et d'équilibre. Donc pas tout de suite !

Vous reprenez "Mille après Mille". Elle vous tenez à cœur cette reprise je crois ?
Oui c'est une grande fierté. C'est une chanson qui a été écrite par un québécois, Gérald Joly, interprété par Willy Lamothe, le chanteur québécois country le plus illustre. C'est une chanson sur l'exil, la solitude, le manque amoureux. C'est la chanson des gens qui partent sur la route et qui parfois s'ennuient des leurs. Je connais très bien la teneur évidemment. J'ai grandi dans un bar-restaurant. J'ai vu beaucoup de chanteurs country en tournée, des routiers qui étaient en manque des leurs. "Mille après mille, je suis triste et je m'ennuie..." (elle chante)

Je pense que je serai une chanteuse toute ma vie
Dans la même chanson vous dîtes « La vie est long chemin sans fin. Un jour quand mes voyages auront pris fin, à ce moment je pourrai m'arrêter ». Vous avez déjà pensé à ce jour où vous déciderez de vous arrêter ?
Je pense que je vais voyager jusqu'à mon dernier souffle. C'est en tout cas ce que j'espère. Je pense que je serai une chanteuse toute ma vie. A moins qu'un jour ma voix me quitte. Ou que l'envie me quitte. Je pense que la flamme est toujours vive alors c'est difficile à imaginer pour moi. Je ne sais pas si on finit par trouver la paix ? Peut-être qu'un jour je n'aurai plus besoin de chanter non plus. Mais pour l'instant j'ai encore envie et besoin de le faire.

Vous parlez de voyages... Pour reprendre le titre d'une des chansons de cet album, savez-vous "Voyager léger" ?
Seulement quand c'est un voyage personnel ! "Voyager léger", c'est un état d'être. Donc je voyage déjà léger... Je ne veux être prisonnière de rien, ni personne. Il n'y a que mon fils (Marcus, 3 ans, NDLR) dont je me sens responsable. Je m'engage à être là pour lui. Mais sinon je suis capable de m'échapper quand je sens que je n'ai plus ma place...

Vous reprenez "Summer Wine" (Lee Hazelwood/ Nancy Sinatra) en duo avec Benjamin Biolay. De quoi est fait votre été ? Vous aimez cette saison ?
(rires) Je n'aime ni la chaleur, ni l'humidité ! C'est contre ma nature. Cette chanson est presque lubrique... Elle a quelque chose de très espiègle. Pour moi, l'été idéal c'est quand il y a du vent. Je suis quelqu'un qui aime beaucoup travailler. La chaleur m'accable. Je n'aime pas l'été. C'est rare que quelqu'un dise cela mais c'est pas du tout ma saison préférée.



Autre duo. Cette fois-ci avec Dolly Parton. Je crois que c'était un rêve de chanter avec elle, non ?
J'avais l'impression d'être avec quelqu'un de ma famille. C'est le triomphe de la dignité humaine. Elle a grandi dans la pauvreté. Elle a embrassé ses rêves. A force de travail, elle est arrivée à être l'une des plus grandes "songwriter" américaines.

Alors "Où va la chance ?" (un des titres de l'album, reprise de Françoise Hardy) ? Vous considérez-vous comme chanceuse ?
C'est une très bonne question. (gros blanc). Je me considère plus comme privilégiée que comme chanceuse. La chance c'est quelque chose qu'on n'attend pas. Tout ceux à quoi j'ai travaillé, j'ai fini par le rencontrer un jour. Je me trouve privilégiée mais je travaille fort ! Chanceuse c'est la loterie. C'est avoir quelque chose qu'on n'a même pas demandé. Je préfère désirer quelque chose et l'obtenir que d'avoir quelque chose que je n'ai pas souhaité !

Est-ce qu'après l'enregistrement d'un disque, la promo, les tournées, vous avez besoin de "Partir au loin" (un des titres de l'album), de vous mettre au vert ?
C'est au bord de la mer où je retrouve de l'énergie

Tout à fait ! Ce que j'aime par-dessus tout, c'est marcher très longtemps. Sur les plages, avec la mer et le vent... Ça me vient de l'enfance. J'ai l'impression que ça me lave de tout, que le vent remet les compteurs à zéro, que je peux repartir... C'est au bord de la mer où je retrouve de l'énergie et de la force vitale. Marquer des pauses entre les projets, c'est important pour se donner à fond ensuite.

Votre album se referme par la reprise d'"At Last" d'Etta James, reprise environ mille fois. Qu'aviez-vous envie de lui apporter ?
(rires). C'est donc la 1001ème fois ! C'est très drôle. C'est sous l'insistance de Benjamin (Biolay, NDLR) que j'ai accepté qu'elle soit sur l'album. On était en studio. Et parfois, le soir on jouait des chansons avec les musiciens, simplement pour se détendre. On a repris un soir "At Last" et Benjamin a demandé à l'ingénieur du son de nous enregistrer pendant qu'on la faisait. Et il a gardé la piste ! Et quand il a fait le tracklisting de l'album, il a gardé cette chanson-là. Je lui ai dit : « Pourquoi ? On n'avait pas prévu de la mettre ". Il m'a répondu : « Il faut la mettre, fais-moi confiance ». Il est rentré en France en faisant écouter l'album à Pascal Nègre, le PDG d'Universal France et à son ex-belle-mère Catherine Deneuve. Puis, il m'a dit : « Maintenant, les gens connaissent ton album comme ça, tu ne peux plus rien changer ». Benjamin était très attaché à ce que l'on garde "At Last" sur l'album. Comme je ne fais pas de disques pour moi-même, j'ai cédé à la demande générale (rires).

On vous avait-vu il y a quelques années dans "Le cœur a ses raisons" au Québec (feuilleton télé parodique). Est-ce qu'on vous reverra à la télé ou au cinéma un jour ?
Ça ne fait pas partie de mes inspirations profondes mais bon pourquoi pas ! J'avais très envie de faire ce feuilleton pour plusieurs raisons. C'est mon beau-frère qui réalisait la série. Maintenant, pourquoi pas le refaire. Mais j'ai besoin d'être dirigée ! Les acteurs sont des gens très patients, ils peuvent attendre des heures avant de tourner une scène. J'ai plus une nature qui a besoin de faire les choses dans l'immédiat. Si, par exemple, Jean-Marc Vallée, Pedro Almodóvar ou Lars Von Trier me le demandait (elle éclate de rire). Je pense qu'il me faudrait une grande pointure pour me diriger.

A quoi va ressembler votre prochaine tournée ?
On a déjà monté le spectacle. C'est Jacques Rouveyrollis a fait la conception des éclairages. Ce sera un spectacle de proximité, simple, qui raconte une histoire. Ça ne sera pas un enchaînement de chansons. J’interpréterai évidemment "Parle-moi", "Mieux qu'ici-bas", "Je t'oublierai". Ce sont des chansons qui m'ont fait connaître. Mes nouvelles reprises seront aussi connues du public.

Vous inviterez Benjamin sur scène ?
Avec plaisir !
Pour en savoir plus, visitez la page Facebook d'Isabelle Boulay ou son site officiel.

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