Martin Rappeneau en interview

Il est une des valeurs les plus prometteuses de la « Nouvelle Chanson Française ». Après un premier album en 2003 unanimement salué par la critique, il semblerait que « L'âge d'or » le dernier en date, boosté par le succès du single « Julien », suive le même chemin ; agrémenté d'un public toujours de plus en plus grandissant. Mélodies romantiques ou énergiques, textes poétiques : et si Michel Berger avait désormais trouvé son successeur ? Rencontre.
Charts in France (Thierry Cadet, rédacteur) : Bonjour Martin, je ne te dérange pas ? (ndlr : Charts in France a directement appelé Martin Rappeneau chez lui, après plusieurs tentatives où seul son répondeur s'est manifesté.)
Martin Rappeneau : Non pas du tout, je viens à peine de rentrer. Tu sais, je suis en tournée tout l'été alors dés que j'ai un moment sur Paris, j'en profite pour y faire un maximum de choses !

CIF : Quelle est la différence fondamentale entre « La moitié des choses », ton premier album, et le dernier date « L'âge d'or » ?
MR : « L'âge d'or » est beaucoup plus cohérent dans l'énergie. Le premier avait été réalisé sur de longs mois, à des moments différentes de ma vie, donc forcément l'énergie que je pouvais déployer était fort différente d'une période à une autre. Pour « L'âge d'or », nous avons essayé d'avoir une vraie unité de groupe, et de poser à la fois les guitares, les cordes ou autres dans un moment très court. Ce qui a donné une belle dynamique et une énergie très communicative à l'écoute du disque aujourd'hui.

CIF : Pour la réalisation, tu as travaillé à Londres avec Clive Langer !
MR : Quel privilège ! Clive a bossé notamment avec Bowie, Elvis Costello ou Madness... C'était inespéré et j'ai eu cette chance grâce à mon directeur artistique Marc Thonon chez Atmosphériques qui m'a proposé de rencontrer Clive à Londres. Je connaissais déjà son travail et c'est exactement dans cette direction que je voulais aller pour ce deuxième album. Je rêvais d'Angleterre.

CIF : La collaboration avec Sinclair sur la réalisation de ton premier opus s'est donc arrêté...
MR : Oui mais simplement pour une question de temps ; nous sommes restés en contact sans aucun problème. Il faut dire qu'il est toujours par monts et par vaux, sur plusieurs projets à la fois, et c'est vrai que si j'avais réussi à le prendre en otage sur « La moitié des choses », je n'ai pas réussi pour « L'âge d'or » ! (rires)

CIF : Par contre tu as réitéré avec Jean-Claude Ghrenassia (ndlr : le fils d'Enrico Macias) sur le second ?
MR : Oui, il a composé avec moi « Comment font les autres ? » (ndlr : il était réalisateur avec Sinclair sur « La moitié des choses »). Dominique Blanc-Francard (ndlr : le papa de Sinclair) aussi, qui était là sur le premier album et a mixé et masterisé ce second. J'essaie d'être fidèle.

CIF : Et Camille est toujours fidèle aux chœurs...
MR : Camille c'est mon amie depuis des années ! Elle était effectivement déjà là sur le premier album, tout ça n'a rien d'un coup marketing ! (sourire) Je le souligne car depuis l'explosion de son album « Le fil », on pourrait le penser, mais il n'en est rien.

CIF : Elle assure d'ailleurs une espèce de duo sur ton dernier album avec « A demain » ?
MR : Oui, il ne s'agit effectivement pas de simples chœurs, mais pas d'un vrai duo non plus... je ne sais pas si je suis bien clair ! (rires) En fait on n'a pas de parties différentes sur le morceau, simplement sur les refrains nos voix sont exactement au même niveau. J'avais envie de ça, d'une espèce d'envolée avec nos deux voix liées. Je suis très fier du résultat.

CIF : Quels souvenirs gardes-tu de ton duo avec Marie Gillain sur « Les figures imposées » ?
MR : Très bons ! Ce fût un privilège pour la chanson surtout, car elle a pris une tout autre dimension. On a changé trois mots pour adapter le texte à la présence de Marie, tout en réussissant à faire naître un vrai dialogue entre elle et moi. Très heureux, d'autant plus que ce fût le dernier extrait de mon premier album et qu'il a permis à ce dernier de s'imposer encore un peu plus, car le clip a largement été diffusé.

CIF : La chanson « Ca m'est égal » est une de mes favorites, elle parle de l'adultère féminin ; c'est plutôt rare en chansons !
MR : Comme « Julien » d'ailleurs. C'est souvent la fatalité de la fin de la vie amoureuse ; en général les femmes ne se mentent pas, quand elles n'éprouvent plus de sentiments, elles sont plus courageuses que les mecs, elles s'en vont.

CIF : Pourquoi avoir appelé ton deuxième album « L'âge d'or » ?
MR : « L'âge d'or » c'est une espèce de pessimisme ; Quand on regarde en arrière, on est forcément nostalgique parce qu'on ne retient que le meilleur, musicalement parlant je veux dire. Alors que de la merde il y en avait déjà, il y en a toujours eu, comme aujourd'hui, en parallèle avec des choses bien aussi. Je voulais parler de cet âge d'or là, à tort ou à raison d'ailleurs... mais à ce qu'il reste de meilleur.

CIF : Comme quoi par exemple ?
MR : Elton John, Michel Berger, Cole Porter, Polnareff, Jonasz...

CIF : Et aujourd'hui ?
MR : Je crois que des gens comme Camille ou Vincent Delerm resteront par exemple. Mais dans l'ensemble je crois de toutes façons beaucoup plus à la vie d'une chanson, à sa vie intime même...

CIF : C'est-à-dire ?
MR : C'est-à-dire que parfois des chansons sont reprises et perdurent dans le temps alors qu'on en a oublié l'interprète... Sais-tu encore qui chantait « Il est libre Max » par exemple ?

CIF : Hervé Cristiani !
MR : Bravo ! (rires) Mais il est vrai qu'aujourd'hui sa chanson est devenue un classique et lui a malheureusement disparu...

CIF : Revenons à ton album et à son premier extrait, « Julien » existe-t-il ?
MR : A part être le prénom de mon frère, Julien n'existe pas ! (rires) Mais ce prénom a une musicalité et une sonorité que j'adore. Tu sais, mes chansons ne sont jamais totalement autobiographiques, elles sont juste une vision personnelle des choses qui m'entourent et qui me touchent de près ou de loin. Mais les deux sont possibles.

CIF : J'ai par contre été personnellement déçu par le clip que je trouve trop simple, trop consensuel... et je me permets de te dire ça parce que tu es quand même le fils d'un des plus grands réalisateurs français... (ndlr : Jean-Paul Rappeneau ; réalisateur de « Cyrano de Bergerac », « Le Hussard sur le toit » ou « Bon voyage »...) et forcément influencé, non ?
MR : Je ne trouve pas que le clip soit si simple que ça... il raconte la vie c'est tout. L'histoire de la chanson, celle de l'adultère.

CIF : Et les clichés ne te dérangent pas ?
MR : Tu veux dire les images de cette fille qui marche dans la rue, laisse son fiancé blessé tout seul à la maison etc. ? Non, ils racontent la chanson.

CIF : Si tu devais faire un premier bilan de l'accueil réservé à ce deuxième album, quel serait-il ?
MR : Plutôt positif. Alors bien sûr on n'a pas fait exploser les ventes (N°59 au Top Albums), mais il se vend crescendo... grâce notamment à la scène. Et puis aussi pour ce qu'il est réellement. Je veux dire par là qu'étant peu médiatisé, on ne peut pas dire que mon album se vend parce que je suis allé dans telle ou telle émission populaire raconter une blague par exemple ! (rires) Je peux être fier de ça, c'est ce qui m'importe le plus : que les gens achètent mon album uniquement pour le contenu.

CIF : Martin Rappeneau à la « Star Ac' » c'est mission impossible alors ?
MR : Non non... je crois que je pourrais y aller à condition de défendre ma musique. Certainement pas pour me fourvoyer au château ou dans un quelconque reportage par contre... Tu sais, dans les années 80, il y avait bien « Sacrée Soirée », avec autant de sponsors que pour la « Star Academy » aujourd'hui et on y voyait régulièrement Julien Clerc et autres... Ca n'était pas pire. « Star Ac' » reste avant tout une grande émission de variétés. Par contre j'aurai beaucoup trop d'ego pour y participer en tant qu'élève ! (rires)

CIF : Comment s'est passée la tournée cet été avec Patxi justement ?
MR : Oh la la... c'est une longue et très agréable histoire... La tournée s'est passée à merveille, Patxi est un garçon attachant et fort talentueux. Mais c'est vrai que quand Marc mon DA a évoqué son nom pour assurer mes premières parties, j'ai eu un instant d'hésitation. Patxi était élève de la troisième promo de « Star Academy » et c'est vrai que je n'avais pas envie d'un coup fumant, ni d'une blague. C'est la qualité artistique de son album sur laquelle je mettais un point d'honneur. C'est parce que Marc Thonon m'a donc fait écouter les morceaux de Patxi (ndlr : qui a signé dans le même label que Martin, ceci expliquant cela) et que j'ai été agréablement surpris, que j'ai dit « banco ! ». Il est auteur et compositeur et a un véritable univers. L'étiquette de la « Star Ac' » est, quoiqu'on en dise, très lourde à porter. Ils sont peu à avoir réussi à s'en détacher. Je ne vois d'ailleurs qu'Olivia Ruiz pour le moment (ndlr : N°2 des meilleures ventes d'albums cet été !) ; et je le souhaite à Patxi (ndlr : son album sort en bacs le 28 août et Patxi sera prochainement en interview sur Charts In France...).

CIF : Parlons de la scène, pourquoi avoir retiré « Les poupées russes » de ton répertoire ?
MR : (rires) Tu n'es pas le premier à m'en parler, cela a créé un mini-scandale chez mon public ! (rires) C'est une de leur chanson favorite et je ne la chante pas parce qu'elle était très dure à faire tourner comme je l'entendais, à seulement trois musiciens. C'était soit je cassais le morceau, soit je ne la jouais pas. J'ai préféré opter pour la deuxième solution parce que je ne voulais pas la dénaturer. Ne t'inquiète pas, je vais y remédier ! (rires)

CIF : Tu seras justement sur la scène du Café de la Danse à Paris les 19 et 20 septembre...
MR : Oui. Et j'y chanterai « Les poupées russes » ! (rires)

CIF : Et toujours « Baby One More Time » de Britney Spears ? Surprenant choix, non ?
MR : Mais tu es au courant de tout ! (rires) Je reprends effectivement ce morceau pour sa qualité, pas pour rendre hommage à la carrière de la chanteuse ! « Baby One More Time » est un très bon morceau ; on parlait tout à l'heure de la vie intime des chansons... c'est un exemple frappant. Ce titre est très souvent repris par des groupes rock et autres. Un peu comme « I Will Survive » qu'avait repris le groupe Cake. Quand une chanson est bonne structuralement, elle le reste.

CIF : Envisages-tu d'écrire ou de composer pour les autres ?
MR : J'ai refusé quelques propositions parce que je n'accrochais pas à leurs univers, mais je tairais les noms. Maintenant il est vrai que je devrais lâcher du lest parce que j'ai tendance à beaucoup composer, mais à tout garder... (rires)

CIF : Avec un papa réal', Martin au cinéma c'est envisageable ?
MR : Je suis le plus mauvais acteur au monde ! (rires) Alors certainement pas ; je ne vais pas vous faire cette offense ! Par contre en tant que compositeur de la bande originale pourquoi pas...

CIF : Du prochain film de papa ?
MR : Certainement pas ! J'adore mon père mais je crois que ça serait trop difficile de travailler avec lui ; justement parce que je suis son fils. J'ai besoin d'un terrain neutre.

CIF : Si tu devais te projeter dans dix ans, où serais-tu ?
MR : Rue Debussy (ndlr : Claude Debussy (1862-1918), compositeur français), à gauche, sous le lampadaire N°4 ! (rires) Je ne sais pas. J'espère que je composerai encore, sans avoir fait la chanson de trop...

CIF : Aujourd'hui l'adulescent que tu étais est devenu un homme avec les pieds sur terre ?
MR : Comme la chanson oui. Qui, elle, est autobiographique par exemple. L'expérience brutale de la vie te remets face aux choses, tu ne peux pas faire autrement. Mais le pragmatisme m'agace aussi profondément. Je trouve la vie parfois rigide et j'essaie toujours de conserver un regard d'enfant sur les choses, c'est très important.

CIF : Pour finir, toi qui chante l'amour, quel genre d'amoureux es-tu ?
MR : Je suis un romantique lucide. Il y a bien plus souvent des idéaux d'amour très forts et des vrais murs qui se dressent que des histoires parfaites. J'en ai conscience et je fais avec, comme la plupart d'entre nous...

CIF : Merci Martin pour ta gentillesse et ta franchise.
MR : Merci à Charts in France !

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