Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
M A Y se lance enfin dans la chanson. Mais cela n'a pas été toujours aussi facile à assumer pour la petite soeur d'Amel Bent. En interview pour Pure Charts, elle se confie sur ses doutes, sa relation avec sa grande soeur, ses conseils qui ont été cruciaux, son premier EP "Face A", sa rencontre avec Patrick Bruel et la suite de ses projets.
Comment as-tu démarré la musique ?
Dès le départ, forcément, je baigne dedans. C'est une histoire de famille. Ma mère voulait devenir chanteuse, alors qu'elle chante très très mal. (Rires) C'était son rêve et c'est marrant que ses deux filles le fassent aujourd'hui. Elle écoutait de la musique orientale, Dalida, Charles Aznavour... Vers mes 10-11 ans, Amel fait la "Nouvelle Star" et la musique devient une constante dans ma vie. Mais en même temps, je n'ai pas pu vivre ma passion parce que c'était un peu un tabou pour moi. Je ne me sentais pas à la hauteur, j'avais peur de faire du mimétisme, et je me suis moi-même posé la question. J'avais peur de ne pas être à la hauteur, on n'a pas du tout le même organe avec Amel, on n'écoute pas du tout la même chose. Je suis très folk, elle est très R&B... Et pour moi, une chanteuse, c'était les divas comme Mariah Carey, Whitney Houston et donc Amel. Moi, j'ai une voix plus fluette... Ça a été un grand cheminement pour me dire que j'avais une voix et des choses à dire.
Je ne me sentais pas à la hauteur
Quand as-tu senti que tu avais besoin de t'exprimer à travers la musique, de faire ce métier ?
Je ne me suis pas vraiment posé la question, c'était normal. Après, peut-être parce que c'était la vie d'Amel et que c'était ma passion, le chemin à suivre. J'ai toujours eu ça dans le sang. Je savais que je ne serais jamais heureuse si ça ne faisait pas partie de ma vie. Malgré les études, ça m'a toujours rattrapée. Quand j'ai commencé à apprendre la guitare et à faire mes chansons, c'est devenu ma manière de m'exprimer. Ça m'a suffi pendant un temps, j'écrivais beaucoup dans ma chambre, et après on commence à déprimer car personne ne les entend. Alors, les amis nous poussent et un jour on se lance...
Tu disais qu'Amel et toi n'écoutez pas du tout la même chose. Qu'est-ce que tu écoutes, toi ?
J'adore la folk, j'écoute Ed Sheeran, James Bay, je suis une grande fan de Lana Del Rey. J'ai d'ailleurs initié Amel à Lana Del Rey, et elle aime beaucoup. A l'inverse, Amel va me faire écouter du Brandy, des choses très soul, du R&B. J'adore la pop aussi comme Dua Lipa. Amel ne s'écoutera pas un album de Dua Lipa, même si elle adore. En français, j'aime beaucoup Zazie ou Pomme !
Amel m'a vachement secouée
Suivre la carrière d'Amel au plus près ça a été formateur, j'imagine ?
Totalement. Je suis bien plus préparée qu'un artiste qui va débarquer avec plein de rêves, plein d'idées faussées. Effectivement, j'ai vu l'envers du décor, j'ai vu des artistes qu'on voit au top et qui ont des difficultés avec leurs maisons de disques etc. Je suis beaucoup plus terre à terre, je sais que c'est un métier à risques, que tout peut s'arrêter un jour et qu'on peut se retrouver sans savoir comment on va se payer à manger. C'est arrivé à plein d'artistes, donc je prends cette décision en mon âme et conscience. Et puis si ça ne fonctionne pas pour moi, je n'arrêterai pas, et je peux reprendre un métier lambda. Je commence un peu tard, j'ai fait un milliard de petits jobs, donc je prends la chose avec un autre regard. C'est une grande chance pour moi.
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Et donc, comment tu as annoncé à Amel que tu voulais faire ce métier ?
De nature, je suis très discrète. Dans notre fratrie, je suis la cadette du milieu, j'ai tendance à faire tampon, de régler les problèmes. Les deux autres sont beaucoup plus rebelles, on va dire. Forcément, j'étais dans la case "intellectuelle", j'étais celle qui ferait de grandes études. J'en ai fait tout un drame, je l'ai annoncé en pleurant, j'avais peur de décevoir. Je voulais faire une école de musique, on m'a mis un gros stop ! (Rires) Ma mère et Amel avaient peur que je ne trouve pas de travail. Je suis allée vers la communication. Après, j'ai voulu faire des télé-crochets. Amel m'a soutenue mais elle voulait s'assurer que je savais ce que je voulais. Est-ce que je voulais juste être une star ou être une artiste ? Elle m'a vachement secouée.
Ça a été un déclic ?
Oui, là j'ai acheté ma première guitare. Amel m'a challengée. Elle m'a dit que ce n'était pas ça être une artiste, faire des karaokés sur YouTube et faire "The Voice" ou "Popstars". Ça a fait de moi l'auteure et compositrice que je suis. Pour Amel, chanter ne suffit pas. Pour elle, et elle a raison totalement, être artiste c'est avoir un message, une patte, un monde à offrir. J'étais jeune, je voulais m'exprimer mais je n'avais rien à dire. Tout doucement, j'ai fait mûrir ce monde artistique avec la guitare et en écrivant mes premiers textes. J'ai mis du temps à lui faire écouter mes premières chansons. Elle a toujours apprécié ma voix mais là, à ce moment-là, j'ai vu une fierté chez elle, que je cherchais.
Ma rencontre avec Patrick Bruel a été un électrochoc
Qu'avais-tu besoin d'exprimer justement en écrivant tes chansons ?
Mes premières chansons parlent beaucoup de nature. J'étais une petite écolo dans l'âme, des questions sociétales, d'un monde meilleur, plus sain, plus humain... Des questions qui me touchaient. Plus j'ai vieilli, plus ça s'est recentré sur moi. Mon EP "Face A" parle beaucoup d'amour parce que j'ai vécu des histoires, je me suis recentrée sur ces émotions-là, que l'on partage tous.
Tu as écrit pour Patrick Bruel aussi. Ça donne confiance ?
Il y a eu tout ce cheminement, de vouloir faire ce projet, sans que j'aie les cojones de le faire. Ma rencontre avec Patrick Bruel a été un électrochoc. Quand c'est ta mère ou tes amis, tu n'y crois pas mais quand Patrick Bruel insiste pour avoir une de tes chansons, là tu te dis : "Mais pourquoi tu n'as pas confiance en toi ?". C'est là que je me suis vraiment lancée.
Vous vous êtes rencontrés sur les Enfoirés, c'est ça ?
Exactement. Après chaque concert, dans l'hôtel, les artistes font des boeufs. Un soir, Amel m'a poussée à chanter une chanson à moi. J'y suis allée, j'ai chanté "La tête à l'envers". C'était un moment magique, au début j'étais seule en guitare-voix, après les musiciens et certains artistes m'ont rejoint. Il y a eu un vrai moment de communion. A la fin, Patrick Bruel est venu me voir car il avait adoré la chanson et il la voulait. Sur le coup, je n'y croyais pas du tout, je pensais que c'était des paroles en l'air. Le lendemain, il me demande mon e-mail mais je n'ai pas trop prêté attention. Des mois après, j'étais en échange scolaire à Séoul et je reçois un email de Monsieur Bruel qui me dit : "J'ai encore ta chanson dans la tête, il faut qu'on s'appelle". Là, c'était plus qu'une validation !
Regardez le clip "Crocodile Again" de M A Y :
Il t'a donné des conseils pour ta carrière ?
C'est marrant parce que ça fait des semaines que je me dis qu'il faut que je l'appelle ou que je lui envoie un message parce que je ne lui ai pas encore dit que je me lançais. A l'époque où je lui ai donné ma chanson, pour lui j'écrivais juste des chansons, je n'assumais pas encore l'envie de me lancer. Je lui avais envoyé un petit catalogue et il m'avait dit qu'on se recontacterait quand il partirait sur un nouvel album. Mais il faudrait que je lui dise car c'est un peu grâce à lui que je me suis lancée. Peut-être que je le ferais juste après cette interview ! J'ai hâte d'avoir son avis sur ce que je fais. En tout cas, il a été super encourageant, il me disait qu'on avait la même sensibilité. Il m'a regonflée en confiance. C'était génial !
Tu aimerais écrire pour d'autres ou te focaliser sur ton projet ?
Quand j'écris, parfois, je me dis : "Tiens celle-ci je la sens pour untel". Je les mets de côté, c'est un exercice qui me plaît. Parfois, je sens que certaines chansons ne sont pas destinées pour moi et j'aimerais bien les faire écouter à d'autres. Mon envie c'est vraiment de faire vivre mes chansons, par ma bouche ou celle d'une autre personne.
Être la petite soeur d'Amel Bent, ce n'est plus du tout un problème
Vous aviez enregistré un duo avec Amel Bent, "Tu fermes les yeux" en 2011 sur l'album "Délit mineur". Tu chantais sous le pseudo Melissa Moon. C'était un petit coup de pouce de sa part ?
A l'époque, Amel se préparait à quitter la maison. Elle a vécu jusqu'à 25-26 ans avec nous. On est très en mode "meute" comme on dit, et Amel a une figure maternelle voire paternelle parfois avec moi, avec nous. C'était une figure très importante dans ma vie et dans cette maison. Son départ, on savait que ça allait être un gros choc. Quand elle allait partir, elle a dû en parler avec le compositeur avec qui elle travaillait, et ils sont partis sur ce titre. Ça vient d'elle, elle s'est dit qu'il fallait qu'elle le partage avec sa soeur. Ça a été très fort en émotions, ça a été aussi une métamorphose de notre relation. Après cette chanson, on est vraiment devenues des soeurs. Avant ça, je la voyais comme une deuxième maman, j'étais un bébé. Se séparer ça a fortifié notre relation.
Tu chantais sous le nom de Melissa Moon et pas ton vrai nom Bent. Tu n'assumais pas ?
Oui... Quand j'étais plus jeune, quand Amel faisait la "Nouvelle Star", on m'appelait "la petite soeur d'Amel". J'étais dans une sorte d'ombre, alors j'ai voulu fuir ça, cacher ça par mon nom. Aujourd'hui c'est quelque chose qui me dépasse. Quand on se construit c'est compliqué mais aujourd'hui ce n'est plus du tout un problème, je suis fière. Oui je suis la soeur d'Amel Bent, je peux le crier sur les toits ! Mais au début, j'avais besoin de me dissocier.
Sortir ton premier EP "Face A", c'était une étape importante j'imagine !
Ah oui ! C'est la concrétisation de tellement d'années de travail, toute une construction artistique. C'est une fierté aussi parce que je l'ai fait toute seule, sans attendre d'être signée par qui que ce soit, sans demander l'autorisation. Cet EP signe mon identité, mon individualité.
Ton nouveau single s'intitule "Crocodile Again". Que représente-t-il pour toi ?
Pour moi, ce titre c'est montrer un peu de colère, c'est mon côté sanguin, rebelle, qui existe en moi. C'est aussi le pont avec ce qui va arriver par la suite, qui montre une partie de moi plus électrique, électro-pop. On commence à sentir une nouvelle ère. J'ai deux parts en moi : la Face A avec ce côté plus organique, plus naturelle et la Face B, plus électronique, plus moderne.
Parler d'amour ce n'est pas tant mon habitude
Donc un autre EP arrive...
Oui, la Face B ! Les compositions sont terminées, il ne manque plus que la partie studio. J'ai vraiment hâte même si je suis terrorisée. C'est limite l'antithèse de la Face A, c'est un autre monde. Je ne parlerai plus du tout d'amour. La Face A c'était tourné vers moi, la Face B c'est tourné vers l'extérieur. J'aborde des thèmes sociétaux, mon regard est un peu plus mature, je dénonce, je parle de thèmes un peu plus violents, qui me touchent. Parler d'amour ce n'est pas tant mon habitude. J'ai plus tendance à parler du monde qui m'entoure que de parler de moi.
Tu attends quoi de ta carrière, en termes de succès par exemple ?
Pour moi, réussir c'est quand je reçois un message pour me dire "Ta chanson m'a fait du bien, tu as mis des mots sur ce que je ressens". Là, j'ai tout gagné. C'est ce que je recherchais, que mes chansons ne restent pas dans mon téléphone et qu'elles se jouent dans ma chambre mais qu'elles aillent à la rencontre des gens. Que ce soit 10, 100, 1.000 ou 100.000 personnes, peu importe. Forcément, si un jour c'est 1 million ce sera génial, je ne vais pas mentir. Mais je suis super heureuse, c'est déjà une grande victoire, je reviens tellement de loin psychologiquement. C'était impossible dans ma tête ! Là, je suis épanouie. Il y a un an j'écrivais mes clips sur un calepin et au final, je les vois prendre forme. Après, ce n'est qu'une question de masse. Là, je suis en petit comité, avec des gens super bienveillants. Je sais que ma soeur il y a une partie dark, des gens qui sont méchants Pour le moment, je n'ai pas à me plaindre, je suis bien.