dimanche 31 mai 2020 13:00

Loïc Nottet en interview : "Je trouve ça chiant un artiste qui ne se réinvente pas"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Quatre ans après "Selfocracry", Loïc Nottet présente enfin son deuxième album "Sillygomania", un disque dansant et éclectique qui recèle des textes parfois sombres. Le chanteur belge lève le voile sur sa conception en interview pour Pure Charts.
Crédits photo : Pochette de l'album
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Quand ce deuxième album a-t-il commencé à naître dans ton esprit ?
J'ai commencé à composer juste des titres par plaisir il y a environ trois ans, pendant la tournée de "Selfocracy", et puis j'ai compris que j'avais vraiment très envie de me remettre en route. Dans toutes les chansons que j'avais composées, il y en avait 14 que j'aimais bien. Le nombre parfait pour un album. (Sourire) On a alors commencé à travailler sur les prods, la thématique, la narration, les visuels...

Je veux qu'il y ait le maximum de moi dans chaque chanson
Tu t'impliques personnellement dans tous les aspects ?
Oui ! C'est super important pour moi de participer à tout ce que je fais. Je n'aime pas beaucoup chanter de covers par exemple, parce que je ne me sens pas forcément connecté à elles. J'ai vraiment un besoin de composer, de trouver les toplines moi-même, de co-écrire les titres, d'être présent avec le producteur en studio pour expliquer exactement ce que je veux, montrer des références, faire écouter certaines sonorités... Pour qu'il y ait le maximum de moi dans chaque chanson.

Que signifie ce titre, "Sillygomania" ?
Très vite, je me suis rendu compte que l'album était éclectique et qu'il allait un peu dans tous les sens parce que c'était le désordre dans ma tête. Je me suis laissé envahir par des émotions très diverses. Je suis déjà comme ça de nature : un jour je peux être très triste et le lendemain euphorique. Aucune logique. (Rires) Comme je n'aime pas l'idée qu'un autre album dans le monde puisse avoir le même nom que le mien, je l'ai créé. Le terme syllogomane désigne des gens qui accumulent énormément d'objets au cours de leur vie, qui ont beaucoup de mal à s'en séparer. Et je suis un peu comme ça. J'ai beaucoup de mal à jeter des affaires, des choses qui sont complètement déshumanisées pour d'autres personnes mais qui, pour moi, en viennent presque à prendre vie. J'ai fait un parallèle avec les émotions. Je suis quelqu'un qui peut être très rancunier, avoir beaucoup de remords et de regrets. Ça peut parfois me pousser plus vers le bas que vers le haut. Je me suis dit que c'était bête de vivre en permanence dans son passé et de traîner derrière soi plein de poids qu'on porte sur les épaules. A un moment donné, il faut juste lâcher prise et ne pas se laisser hanter par les souvenirs de notre passé pour pouvoir s'épanouir et aller de l'avant. Comme je trouve ça personnellement stupide, j'ai changé le syllo en silly pour la petite touche anglophone. Ça me correspond bien !




Cette signification personnelle, c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de duo cette fois-ci ?
Je crois oui, mais ça tient aussi à ma personnalité. Je suis quelqu'un de très introverti, qui aime bien rester dans son cocon, je n'ose pas forcément faire le premier pas vers d'autres artistes. Il y a quelques semaines j'ai rencontré Yseult et Lous and the Yakuza, c'était simple et naturel, le courant est bien passé et je les aime beaucoup. On verra pour la suite !

C'est le ying et le yang
En quoi ce disque est-il différent de "Selfocracy" ?
Un peu comme le ying a son yang, j'avais envie de proposer un disque à l'opposé. D'où la pochette totalement blanche, là où ''Selfocracy'' présentait un visuel très sombre. J'avais vraiment envie d'offrir un son plus énergique. Quand j'étais en festival pour le premier album, je me suis rendu compte que j'arrivais à raconter une histoire mais que les gens ne dansaient pas forcément avec moi parce que les titres ne s'y prêtaient pas. Cette fois-ci, j'ai envie de les emporter avec moi sur scène ! J'ai exploré des univers que je n'avais pas côtoyés jusque-là, des sonorités groovy avec plus de punch et des touches funk. J'ai vraiment essayé d'élargir mes écoutes en me plongeant dans les disques d'Otis Redding, Aretha Franklin, Ray Charles... Évidemment, on retrouve aussi des ballades parce que j'aime ça mais je n'avais pas envie de refaire la même chose. Je trouve ça chiant un artiste qui ne se réinvente pas ! Qu'il se plante ou ne se plante pas c'est une chose, mais au moins il aura eu le mérite d'avoir osé proposer quelque chose de nouveau. Je n'avais pas envie de me dire qu'à 23 ans, on connaissait déjà Loic Nottet, un mec qui s'habille tout le temps en noir et chante des ballades. (Rires)

Le single "Heartbreaker" est un vrai hit en puissance. C'est une façon de crier ton amour pour la pop ?
Exactement ! Je sais qu'on est dans une très grosse vague urbaine – et j'adore – mais c'est un peu trop pour moi en ce moment, on en entend partout. Là je voulais m'écouter moi et moi ce que j'aime c'est la pop et la danse. On a choisi "Heartbreaker" et de faire ce clip chorégraphié parce que ça correspondait exactement à mon état d'esprit.

Le chant et la danse, ça fait partie du même moule ? Tu ne vois pas l'un sans l'autre ?
Pour le moment, je ne les dissocie pas. Après j'ai déjà fait des clips sans danse ! "29" par exemple. Mais c'est sûr que par rapport à mon profil et à ce que je veux proposer sur scène, je trouve ça important de rester cohérent. On verra où j'en serai dans 10 ans mais aujourd'hui, c'est un besoin.




On t'a aussi vu jouer la comédie dans le court-métrage "Candy", sorti pour célébrer Halloween. A quand remonte cette envie de devenir un artiste complet à l'américaine ?
Depuis que je suis petit, ça a toujours été les États-Unis et là-bas, pour être un artiste reconnu, il faut savoir jouer, danser et chanter – dans la pop du moins. Si on suit l'évolution de Dua Lipa par exemple, qui est Britannique mais a réussi à percer en Amérique, c'est assez intéressant. On voit qu'il y a eu un vrai travail sur l'image et ses mouvements. Elle était beaucoup plus gauche avant et maintenant, wow ! Cette culture-là est donc toujours entretenue au niveau international et ça me paraît logique. Des artistes qui chantent bien, il y en a tellement ! Des artistes qui chantent et dansent, oui peut-être... Des artistes qui arrivent à conjuguer les trois, c'est plus rare. Il faut se battre, il n'y a pas de place pour tout le monde. Aux Etats-Unis, c'est comme si on devait "prouver" qu'on est un artiste. Et ça je m'en suis rendu compte très jeune. Mes modèles ont très vite été Michael Jackson, Freddie Mercury pour le charisme et la présence... Cette culture anglo-saxonne m'a toujours nourri en fin de compte.

J'aimerais beaucoup jouer la comédie
Être acteur dans un film, ça te tenterait ?
Oui, je kifferais. J'aimerais vraiment beaucoup. Ça se voit dans mes court-métrages que j'adore ça. J'ai une idée qui me trotte dans un coin de la tête, une histoire que j'aimerais beaucoup proposer à des producteurs. C'est un projet qui me tient à coeur et que j'aimerais voir se concrétiser. Si un jour je pouvais avoir cette chance pour mettre un pied dans le cinéma, ce serait super. Même si j'ai conscience qu'il est très difficile d'être un bon acteur.

Un projet sur lequel tu aurais encore le contrôle, donc !
C'est vrai. Disons que... Je sais tellement ce que je veux et comment je le veux. C'est une chance et une malchance. Créativement parlant, j'ai l'impression que j'aurais toujours suffisamment de ressources pour trouver les réponses en moi.

Revenons à l'album. Il y a un thème qui le traverse d'un bout à l'autre c'est celui de la différence. Tu te livres de manière complètement bouleversante dans le titre "Mr/Mme", où tu expliques t'être toujours senti à part et ne pas trouver ta place dans le monde. Ce sont des confessions très fortes... Comment est né ce texte ?
J'étais très triste et en colère ce soir-là. Alors j'ai fait quelque chose que je n'avais jamais fait : j'ai pris une feuille de papier et j'ai commencé à écrire ce que j'avais dans la tête. Cette chanson est comme une complainte, c'est la raison pour laquelle elle est très longue. Je voulais absolument pas gommer une phrase. Quand j'ai terminé le texte et que j'ai commencé à le dire, je me suis mis à le fredonner.




Je me suis livré comme un enfant
C'est facile de se mettre à nu dans une chanson ?
C'était un vrai lâcher prise. Je sais qu'il y a des phrases très difficiles. J'aborde la question du suicide, des thématiques assez fortes. J'ai l'impression de m'être vraiment livré comme un enfant qui parle sans filtre. Je m'en fichais de mettre des insultes ou d'utiliser des mots un peu crus. Mes parents n'ont jamais entendu cette chanson, par exemple. Je ne sais absolument pas comment ils vont réagir en l'écoutant, parce que moi si mon enfant racontait des choses aussi sensibles, je me poserais des questions. Après, c'est à eux de prendre du recul sur ce qui est écrit et comprendre que le travail d'un artiste est de parler de soi mais aussi au nom d'une génération. Les artistes sont connus pour être assez à fleur de peau et laisser leurs émotions parler. Ça peut donner quelque chose de très soudain. Et en même temps, "Mr/Mme" est la chanson qui me correspond encore le mieux aujourd'hui. Il n'y a peut-être la colère ou l'immense tristesse que je ressentais ce soir-là mais le fond est pensé et je me suis dit "Si moi je le pense, peut-être que d'autres aussi". Certains paragraphes de cette chanson leur parleront et leur donneront peut-être un peu d'espoir ou des réponses. Quand on est ado, on démarre dans la vie, on se pose beaucoup de questions et ça fait du bien de trouver des gens qui ont les mêmes questionnements. Avant, sans les réseaux sociaux, on mettait un peu les artistes sur un piédestal, comme si c'étaient des personnes invincibles. On m'a déjà croisé dans un magasin et les gens sont étonnés parce que je fais mes courses ! Il n'y a rien d'étonnant pourtant, je mange et je cuisine mes propres plats comme tout le monde. (Rires) Nous aussi on est triste et nous aussi on a des pensées noires. Montrer ce genre de vulnérabilité, c'est rappeler qu'on traverse tous les mêmes épreuves

Et en plus, c'est ta première chanson en français ! Qu'est-ce qui t'a poussé à passer le cap ?
On m'a souvent demandé "Est-ce que tu chanteras un jour en français ?" et je répondais "Il faut jamais dire jamais mais pour le moment, je n'ai pas encore trouvé quelque chose à raconter". Je n'avais pas envie de démarrer des compositions en français par un single radio. J'avais envie de proposer une chanson conceptuelle qui signifie réellement quelque chose, une chanson qui marque, pas juste une chanson d'amour sous les tropiques ! (Sourire) J'espère qu'elle parlera aux gens. C'est un peu notre rôle en tant qu'artiste et personnalité publique de dire tout haut ce qu'on pense tout bas pour essayer de faire avancer les choses.

Quand on chante en français, il n'y a plus de barrière
Ça veut dire qu'il pourrait y avoir d'autres chansons en français à l'avenir ?
Je ne sais pas. Je vais me répéter mais il ne faut jamais dire jamais. J'en ai envie en tout cas, parce que c'est un exercice qui m'a plu. Mais ça reste... particulier. Quand on chante en français, il n'y a plus de barrière comme on peut en mettre avec un texte en anglais. Dans les concerts, les gens comprendront tout de suite ce que je dis, mon cerveau va assimiler directement ce que je raconte alors on verra ce que je ressens à ce moment-là. (Sourire)

Comment l'album va se transposer sur scène ?
Avec des danseurs. Ça, c'est obligé ! Beaucoup de costumes, des chorégraphies, des visuels projetés sur grand écran et une narration, comme sur l'album, avec une introduction et une conclusion.

En tant qu'artiste, comment as-tu vécu l'impact de la crise sanitaire du Covid-19 sur les concerts ?
Je sors d'une blessure faite au ski donc mes shows n'étaient de toute façon prévus qu'aux mois de novembre et décembre. A titre personnel, j'essaie de ne pas me prendre la tête par rapport à ça et de prendre les choses comme elles viennent. Les concerts ont été annulés au nom de la sécurité des gens, pour le bien de la société et de l'humanité. On croise les doigts !
Toute l'actualité de Loïc Nottet sur son site internet et sa page Facebook.

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