samedi 24 novembre 2018 13:33
Zaz en interview : "Le succès, je prends ça comme un privilège"
A l'occasion de la sortie de son nouvel album "Effet miroir", Zaz se confie en interview pour Pure Charts. La chanteuse revient sur son succès, les critiques, la place des femmes dans l'industrie musicale ou encore les Enfoirés. Rencontre avec une artiste en toute simplicité.
Crédits photo : Yann Orhan
Propos recueillis par Julien Gonçalves. Tu te savais très attendue avec ce nouvel album, "Effet miroir" ? Oui car ça fait quand même cinq ans que je n'avais pas sorti d'album de compos. Je sentais que les gens m'attendaient. Je ne m'étais jamais autant investie comme ça dans la production. Il y a des choses très intimes. C'était important pour moi. D'abord, pour me faire plaisir mais aussi pour le public. Si tu commences à faire les chansons pour les autres et pas pour toi, je trouve que ça perd son sens. Si je suis moi-même, c'est ça qui marche Tu es aussi très connue dans le monde entier, en Amérique latine notamment. Est-ce que tu as pensé à l'international en le créant ?Je sais qu'il va être écouté à l'international, en Russie, en Amérique Latine, au Japon ou en Allemagne. On remplit beaucoup beaucoup à l'étranger. Mais comme je te le dis, je le fais avant tout pour moi, pour me faire plaisir. J'ai voulu faire plein de choses différentes. Il n'y a pas du tout de swing sur l'album par exemple alors qu'à l'étranger ils aiment ça. Mais j'en ai déjà fait. Sur le disque, il y a de la pop et du rock même. Si je suis moi-même, c'est ça qui marche. C'est un album varié, plus pop, rock parfois, comme tu l'as dit. On dirait que, pour une fois, tu n'as pas eu envie de choisir. Oui, j'ai choisi de faire ça. J'avais envie de choses différentes, c'est aussi pour ça qu'il s'appelle "Effet miroir". J'ai plein de facettes. Il y a plein de choses qui me définissent. Je n'ai pas envie d'être bloquée dans une image, dans une case. J'ai toujours fait plein de styles différents, et peut-être que ça s'est moins entendu sur les deux premiers albums... Je fais les choses comme j'en ai envie en fait. Le succès, je prends ça comme un privilège Tu as eu peur de déstabiliser le public avec ces nouvelles sonorités ?Je me suis dit que les gens qui sont déjà venus me voir en concert, qui m'écoutent et qui me connaissent ne seraient pas si surpris. Ils savent que je pars un peu dans tous les sens, et c'est ce qu'ils aiment je pense. Pour les gens qui ne me connaissent pas plus que ça, oui ça peut être surprenant. (Rires) Ça été facile d'apprendre à vivre avec le succès et la notoriété ? Je prends ça vraiment comme un privilège. Il y a quand même peu d'artistes qui chantent en français et qui s'exportent à l'étranger. On a la chance d'aller dans plein de pays du monde, de chanter dans des salles énormes. C'est quand même fou ! Quand tu arrives en Bulgarie et qu'il y a 10.000 personnes qui t'attendent... J'ai même fait un festival en Russie avec que des métalleux devant 30.000 personnes, avec l'armée devant, Garbage avant toi... Pareil au Brésil ou en Argentine, ou en République Tchèque. Il y a un côté surréaliste. Ça te surprend toujours ? On ne s'habitue pas à ça. Je sais que les gens m'attendent car j'y retourne depuis plusieurs fois, et à chaque fois c'est de plus en plus gros. Là, il me tarde de partir en tournée. On commence en février jusqu'en décembre je pense. Je suis surexcitée de retrouver le public et de proposer les nouvelles chansons. La nouveauté, ça va me faire du bien. Regardez le clip "Qué vendrá" de Zaz : J'ai l'impression que tu fais tomber l'armure sur certains titres comme "Résigne-moi" ou "Demain c'est toi". Pourquoi maintenant ? Je sais pas. Je crois que j'ai fait le tour, je me sens prête. Je n'ai pas l'impression de m'être cachée non plus. C'était peut-être aussi une manière de prendre ma place. Dire que je ne suis pas que lumineuse, il y a aussi une partie sombre en moi. Si j'ose la regarder en y prenant soin, sans essayer de la rejeter... Je pense que c'est là qu'on trouve ses forces aussi. J'avais besoin d'exprimer toutes ces facettes en moi. Avec la notoriété, tu es jugée, critiquée C'est vrai que c'est une belle facette qu'on découvre sur les ballades.Je crois que plus tu es authentique avec toi plus ça va toucher les gens, car ils peuvent se retrouver dedans. C'est ma démarche de me reconnaître, d'être le plus authentique avec moi-même. Je suis plus apaisée, moins en guerre. Le succès ça aide ? Je pense que oui. Ça a été quelque chose de très intense. Tu te prends l'image en pleine gueule. La notoriété, tu es jugée, critiquée, adorée comme détestée. Le titre de l'album vient de là aussi. Et si les choses me touchent, c'est que j'ai des choses à regarder aussi. Ça a accéléré le processus. Le titre "Plume" aussi est assez réussi, tu y racontes ton ascension avec cette métaphore. Cette chanson, je la trouve géniale. Florian l'a écrite et je crois que je suis la première personne à qui il a offert une chanson. C'est vraiment chouette. J'aimais bien la métaphore. Je trouve qu'avec de la légèreté, on peut traverser plein plein de choses. Et puis ne pas trop se prendre au sérieux aussi. Dans le monde dans lequel on vit, c'est important de garder de la légèreté. Au début, ça a été dur parce que je n'étais pas préparée à ça Et il y a cette phrase "Comme les critiques glissent sur mon plumage" aussi. C'est ce que tu ressens aujourd'hui ?Oui après c'est jamais agréable quand quelqu'un t'envoie un truc dégueulasse à la gueule. (Rires) Ce que j'ai appris, c'est que les gens ce n'est pas vraiment toi qu'ils jugent, c'est l'image qu'ils ont de toi. Ils ne te connaissent pas, ils ont juste un à priori. Et cet album va peut-être aussi permettre de faire découvrir une autre facette de toi. Après, ça ne m'appartient pas trop ce que ressentent les gens. Il y a des gens qui n'aimeront pas, d'autres qui seront surpris, d'autres qui vont se reconnaître, d'autres qui ne vont même pas écouter parce qu'ils ne m'aiment pas. C'est difficile aussi de changer les croyances qu'on a. Il y a des gens qui restent bloqués sur des stéréotypes et qui n'arrivent pas à passer à autre chose. Mais tant pis, ce n'est pas grave. Regardez Zaz chanter "Demain c'est toi" : Sur le titre "Toute ma vie", tu dis vouloir "juste vivre à cent à l'heure". Tu n'es pas épuisée parfois par ce rythme intense ? Le truc c'est que je n'ai vraiment pas vu le temps passer depuis 2010. Ça a été la folie. Au début, ça a été dur parce que je n'étais pas préparée à ça. Tout le monde te veut, tout le monde te demande. Très vite, on a mis des trucs en place pour que je puisse me reposer. Mais j'ai tellement voyagé, c'est passé très vite. En 2018, j'ai fait une pause là-dessus. J'avais envie de faire un nouvel album et de me nourrir d'autres choses. Quand tu es trop plein, tu ne peux pas remplir plus. J'ai arrêté la scène mais j'ai fait de la production. J'en suis très fière. J'ai continué le festival qu'on a créé et que je produis, en Ardèche. J'ai voyagé, j'ai écrit. C'est passé vite cette année. J'ai du mal à ne rien faire, sinon je me fais chier. (Rires) Il faut que j'apprenne... Toute forme de discrimination est insupportable Tu t'es majoritairement entourée de d'hommes sur l'album, comme Raphaël, Gaël Faye, Ben Mazué, Matthieu Boogaerts, Tibz, Triggerfinger. Où sont les femmes dans l'industrie musicale ?Il y a moi ! (Rires) C'est vrai que je suis toujours surprise, même quand il y a un taxi femme, une régisseuse ou une ingé son femme. A chaque fois, je suis contente, ça me fait plaisir. A part moi et Manon, il n'y a pas de femmes sur l'album, c'est vrai. Je m'en suis rendue compte après en regardant les crédits. Je me suis dit : "Mais il n'y a que des mecs !" (Rires) Mais j'ai choisi des chansons, je n'ai pas sélectionner en fonction du sexe. Je ne sais pas trop quoi te dire. C'est peut-être plus compliqué de s'imposer... C'est un sentiment que tu as ressenti toi au début ? Quand des gens pouvaient mal me parler ou être désagréable avant, je n'ai jamais pris ça pour de la misogynie. Je me disais juste qu'on me parlait mal, qu'on ne me respectait pas moi. Mais il y a des injustices dans ce monde, je le sais, et ça ne date pas d'aujourd'hui. J'espère que c'est en train de changer. C'est bien qu'il y ait des gens qui prennent la parole et qui se lèvent pour dire stop. Pas que pour les femmes d'ailleurs. Je pense aussi à l'homophobie, au racisme... Toute forme de discrimination est insupportable. On devrait être dans un monde d'égalité. Je ne pourrais pas être aux Enfoirés cette année Tu es une artiste engagée et c'est une facette qu'on connaît bien de toi. Est-ce que tu seras aux Enfoirés en 2019 ?Je ne pourrais pas être aux Enfoirés cette année parce que ma résidence pour ma tournée tombe au même moment. Il faut absolument que je travaille bien mon spectacle. Je n'ai pas d'autre moment de libre, mon planning est blindé. C'est le moment pile poil où je fais ma résidence, je ne peux pas m'éparpiller dans tous les sens et j'en suis désolée. En plus, je suis dégoûtée car c'est à Bordeaux, ma famille est là-bas, et mes petits neveux se faisaient une joie de me voir. Ils sont déçus. Ton engagement, il est ailleurs aussi... Oui, mon engagement se fait au quotidien, je suis très impliquée, c'est mon tempérament. J'ai envie de faire ça, je me sers des outils que j'ai comme la notoriété pour mettre en lumière certaines choses, pour aider. Ça me fait du bien, ça me fait rencontrer des tas de gens partout dans le monde et c'est plutôt encourageant. Quand tu regardes les médias, tu as l'impression que c'est la fin du monde et que tout est pourri, que c'est horrible. Je ne regarde plus la télé depuis quinze ans. J'essaie de regarder quelques trucs mais ça tourne en rond et ça me déprime. Au quotidien, quand tu vas dans les associations locales, tu te rends comptes qu'il y a plein de gens qui font plein de choses dans le monde. On n'est pas tout seul, on se soutient, on se fait du bien. C'est vraiment enrichissant.
Pour en savoir plus, visitez le site internet officiel de Zaz et sa page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez le nouvel album de Zaz sur Pure Charts. Podcast
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