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dimanche 17 janvier 2016 14:57

Troye Sivan en interview : "J'ai peur de me perdre dans cette industrie"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
De passage à Paris, Troye Sivan a rencontré Pure Charts à l'occasion de la sortie de son premier album "Blue Neighbourhood". Le jeune artiste de 20 ans évoque ses premiers pas dans une industrie parfois effrayante, son amour pour l'écriture ou Amy Winehouse, le succès fou d'Adele, les attentats parisiens, et ses rêves, comme celui d'écrire pour Taylor Swift.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Au lendemain de son concert survolté aux Etoiles, une petite salle parisienne, Troye Sivan m'attend dans une salle de conférence au sein des locaux d'Universal Music France. Malgré mon retard à cause du trafic, le jeune homme m'aperçoit enfin et affiche un sourire franc, avant de me saluer. Très mince, arborant une chevelure indomptable et frisée, vêtu d'un pull en laine rose et du vernis sur les ongles, Troye Sivan dégage d'emblée une grande douceur et une aura déstabilisante pour son âge, me rappelant celle de Miley Cyrus. Son discours, lui, est à l'image de son album, impressionnant de maturité, malgré une certaine candeur.

Tu étais en concert à Paris le 23 novembre dernier, soit dix jours seulement après les attentats qui ont eu lieu dans la capitale. Qu'est-ce que tu t'es dit en venant jouer à ce moment-là ?
Tu sais, c'était un de ces moments où personne ne savait quoi faire, il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise manière de faire les choses. Je sais que plusieurs concerts devaient avoir lieu et que certains artistes ont préféré ne pas les faire. Pour moi, la chose la plus importante c'était la sécurité de mes fans, de mon équipe, de mes musiciens et de moi-même évidemment. Quand on a fait en sorte que ce soit le cas, qu'on se sentait en sécurité, il fallait le faire. Ça m'a vraiment fait chaud au coeur de voir que tout le monde est venu, que tout le monde était dans l'optique de passer un bon moment, de danser, de chanter... Je ne sais pas, c'était peut-être que dans ma tête mais j'ai senti qu'on était vraiment connectés. J'ai passé un très beau moment.

Paris, c'est la ville de tous les rêves
Et à aucun moment tu n'as eu peur ou ne serait-ce que pensé à la menace durant ton concert ?
Non non, vraiment, on s'est assuré qu'il y avait assez de sécurité. Il y avait la police dans le coin. Le seul truc, c'est qu'il n'y avait pas de toilettes dans les loges donc j'ai dû mettre un sweat à capuche et traverser la fosse à un moment ! (Rires)

Oui je t'ai reconnu !
Tu m'as vu ? (Rires) C'était vraiment drôle, j'ai adoré faire ça. En revenant dans les loges, des gens me disaient "Je te vois". J'ai essayé ! (Rires)

Que représente Paris pour toi ?
Pour moi, c'est la ville de tous les rêves. Je suis déjà venu plusieurs fois et je me pinçais sur scène lors du concert. Rien que de dire "Comment ça va Paris ?", c'est dingue ! C'est un truc dont tout le monde rêve. Donc faire un concert à guichets fermés ici, c'était incroyable.

Écrire, c'est comme guérir
Comment tu expliques toute cette frénésie autour de Paris pour les étrangers ? Il y a quelque chose de magique ?
Oui c'est ce que j'allais dire, il y a vraiment quelque chose de spécial, de magique ici. Ce sont peut-être les lumières, le fait que tout soit si magnifique, l'architecture est dingue, il y a les amoureux, il fait froid. Et les crêpes ! (Il le prononce en français). On le dit comme ça ?

Oui !
Bref, j'adore cette ville !

Tu seras de retour à la Cigale à Paris le 26 avril prochain. Sur scène, tu as l'air d'avoir tellement confiance en toi, alors que dans tes paroles, tu sembles très fragile. On découvre deux facettes de ta personnalité. Tu es conscient de ça ?
Oui, pour moi quand j'écris des chansons, c'est comme écrire dans un journal intime. Je dis tout, je ne retiens rien, donc il peut y avoir cette vulnérabilité et ce côté "confessions" parfois. Sur scène, je me connecte avec les gens pour passer un bon moment. Et souvent j'ai l'impression d'être en boîte. C'est drôle comme sensation. Mais écrire ça reste très personnel.

J'ai commencé à écrire grâce à Amy Winehouse
Tu as commencé par poster des reprises sur YouTube. Huit ans plus tard, tu publies ton premier album "Blue Neighbourhood". C'était ton but depuis le début ?
Mille fois oui. Quand j'ai commencé sur YouTube, je ne me suis pas dit "Tiens ça va te mener à enregistrer un album", mais depuis que je suis petit j'ai envie de faire la musique. Quand je me rends compte que mon album est sorti, c'est juste dingue. Je suis vraiment reconnaissant que ce rêve que j'avais étant petit se soit enfin réalisé.

Regardez la vidéo live de "Youth" de Troye Sivan :



Et pourquoi as-tu commencé à écrire ? Pour t'échapper de certaines choses ? Guérir des blessures ?
Je crois que ça devait arriver à un moment car j'aime tellement la musique, j'aime chanter. Et puis j'ai découvert Amy Winehouse et je l'ai entendue dire dans une interview qu'écrire était comme une thérapie pour elle. Je me suis dit "Il faut que j'essaie ça". J'ai commencé et je suis tombé amoureux de l'écriture. C'est un peu devenu le premier amour de ma vie. Je l'ai fait de plus en plus... Écrire, c'est comme guérir. Mais c'est aussi beaucoup de plaisir. C'est comme un jeu un peu bizarre. C'est un procédé que j'adore.

C'est drôle que tu me parles d'Amy Winehouse. Adele aussi a dit récemment qu'elle avait démarré grâce à ses chansons. Ça vous fait un point commun !
(Rires) Mais je ne suis pas le nouvel Adele !

Parfois, tu as besoin de prendre un peu de recul
En même temps, avoir le succès d'Adele c'est un peu effrayant, non ?
Déjà, je ne sais pas si quelqu'un peut atteindre le succès d'Adele ! Adele c'est Adele... Moi j'ai envie d'avoir le plus de succès possible. Après, je ne me suis jamais posé cette question. Je ne sais pas, je veux que les choses se passent en douceur, je veux profiter de chaque instant, pouvoir encore tout contrôler à peu près. Ça peut être écrasant quand les gens autour de toi te font ton planning, d'aller de Londres à Paris, en passant par Berlin, et ça en deux jours seulement. Ça peut devenir un peu dingue. Parfois, tu as besoin de prendre un peu de recul et apprécier les choses. Je retourne souvent à Perth, en Australie, où je vis. A peu près tous les deux mois. Et alors là, je me dis que tout ce que je vis est un peu fou. Mais c'est dans ces moments-là aussi que tu te dis à quel point c'est génial.

Ça t'aide à rester un mec normal...
Oui et puis j'emmène ma famille sur la tournée. Les avoir autour de moi, ça me fait réaliser à quel point tout ça est cool.

Oui je me suis rendu compte que j'étais assis à côté de ta maman au concert... Elle était totalement fan de toi !
Ah vraiment ? (Rires) Mais oui elle était là. Elle s'est levée pour aller au premier rang à la fin du concert. Il y avait ma soeur aussi.

Trop de personnes dans cette industrie sont en surmenage
Pour revenir à ce tourbillon, ton premier single s'appelait "Happy Little Pill", sur une jeunesse désenchantée. Tu parlais de pilules, de drogues, de solitude... Tu as peur de te perdre dans cette industrie ?
Je pense, oui. Parfois, je fais de la promo de façon très intense ou quelque chose comme ça... C'est un peu bizarre. Quand tu fais de la musique et que tu es signé en maison de disques, tu ne peux plus faire les choses par toi-même ! Les gens t'ouvrent les portes, te disent "Tu as besoin de quelque chose ?" ou alors quand je me parle à moi-même et je dis "Oh j'ai un peu soif", tout le monde se presse pour me donner un verre d'eau. Tu vois ce que je veux dire ? En fait, je peux porter ma propre valise. Donc je comprends comment les gens peuvent commencer à se dire qu'ils méritent tout ça, que c'est normal. Mais ça ne l'est pas. Je me dis que tant que j'essaie de me souvenir de ce genre de trucs... Je pense que trop de personnes dans cette industrie sont en surmenage et qu'ils ont besoin de quelque chose pour évacuer, donc ils se tournent vers les drogues ou l'alcool. Donc j'essaie de rester heureux dans tous les aspects de ma vie et de me souvenir que je suis juste une personne tout à fait normale, et que les gens autour de moi le comprennent. Si je continue de faire ça, j'espère que les choses devraient rester sous contrôle. Mais bien sûr, ça fait peur.

Ça se comprend. D'autant plus que tu viens de YouTube, et beaucoup de Youtubeurs ont essayé de se lancer dans la musique après leurs reprises et ça n'a pas forcément marché. Tu ressentais une certaine pression en faisant l'album ?
Euh, non pas vraiment. YouTube c'est quand même récent donc il n'y a pas tant de personnes qui ont fait ça. Donc il n'y avait pas tellement d'attentes ou de règles. J'essaie juste de faire mon propre truc, de faire mon propre chemin.

Regardez le clip "Wild" (Part 1) :



"Je voulais aussi savoir si j'étais capable de faire un album"
Justement, tu as 20 ans seulement. Tu es en plein dans la "génération streaming". En tant que jeune artiste, tu penses quoi du format "album" ? C'est un concept qui est mort selon toi ?
(Rires) Je pense que l'album est mort dans tous ses aspects sauf au niveau de la créativité. Maintenant les ventes ne sont plus ce qu'elles étaient, et tu n'as plus besoin d'avoir une chanson à la radio pour vendre par exemple. Mais en tant qu'artiste ça te donne une longue plateforme d'expression pour envoyer ton message et raconter ton histoire. Si tu peux le faire en quatre titres, c'est génial. Mais parfois tu as besoin de plus. Moi, je voulais le faire car je voulais montrer un autre aspect de moi que sur mes EPs, avec un son plus lumineux, plus pop. Et je voulais aussi savoir si j'étais capable de faire un album !

Quand tu vois que le magazine Time t'a nommé parmi les 25 adolescents les plus influents de l'année. Ou que Taylor Swift, Sam Smith ou Adele t'ont acclamé sur Twitter. Tu te dis quoi ?
C'est vrai que c'est un peu impressionnant quand tu as 20 ans ! (Rires) Mais ce n'est pas comme si tout ça m'était arrivé d'un coup, en un jour, ça a mis un peu de temps. Là j'aurais eu peur et j'aurais pété un câble. Là, tout se passe bien depuis le début, ça va à un bon rythme, donc je garde la tête froide.

Il y a un manque de représentation de la communauté LGBTQ dans les médias
Tu as mis en ligne une trilogie de clips, racontant une histoire d'amour impossible entre deux garçons. Tu avais envie d'être un porte-parole de la communauté LGBT ?
Je crois qu'en étant juste honnête et ouvert, je suis vu comme une "voix" par défaut mais ce n'est pas forcément mon but. Je n'essaie pas de parler pour tout le monde. Je trouve juste qu'il y a un vrai manque de représentation de la communauté LGBTQ dans les médias. Je fais partie de cette communauté et je fais de la musique. Pour moi, c'est simple, je regarde autour de moi et je me dis "Ok, que font les popstars hétéros ? Pourquoi je ne pourrais pas faire pareil et mettre une histoire d'amour dans mes clips ?".

D'ailleurs, j'ai lu que tu voulais enregistrer une "ballade gay". C'est un projet sérieux ?
Mais oui, j'adorerais le faire ! Avec un autre artiste masculin, je trouverais ça mignon.

Pourquoi pas... Sam Smith ?
Pourquoi pas, oui !

Regardez le clip "Fools" (Part 2)



Amy Winehouse m'a fait découvrir le jazz
Et quel message tu voulais faire passer avec ce premier album ?
Pour ce premier album... (Il réfléchit) Je voulais juste chanter ce que j'avais dans la tête. Je voulais que les gens me connaissent un peu plus. J'ai mis beaucoup de moi-même dans ce disque, je me dis que les gens se reconnaitront aussi sans doute avec leur propre vie. Ils se sépareront peut-être en écoutant mes chansons, ou se réconcilieront. Ils se créeront peut-être des souvenirs.

On dit souvent que les influences musicales sont importantes quand on fait un album. Qu'est-ce que tu écoutes toi ?
Quand j'étais plus petit j'écoutais beaucoup de pop comme les Backstreet Boys, Michael Jackson, les Spice Girls, Madonna, Janet... Et ensuite j'ai commencé à développer ma propre culture musicale, j'ai découvert Robyn à 13 ans. J'adorais Donkeyboy.

Je suis fan de ce groupe !
Ah cool, tu connais ! Enfin voilà, j'étais très scandipop. Après Amy Winehouse m'a fait découvrir le jazz, Nina Simone, Ella Fitzgerald, Billie Holiday... Doucement mais sûrement, je me suis bâti une bonne culture musicale. Evidemment, j'aime la pop, depuis toujours. J'adore quand il y a un vrai truc intéressant, quand les paroles ou la production ou la mélodie me saisit. Comme Frank Ocean par exemple.

Je veux écrire pour Taylor Swift
J'ai remarqué que tes chansons sont très désabusées sur l'amour ou sur la vie en général. Tu n'as que 20 ans. Pourquoi cet univers assez sombre ? C'est le reflet de ta génération, un peu désenchantée ?
(Rires) Je ne sais pas... Ma soeur, par exemple, adore écouter tous les jours de la musique qui la rend heureuse, comme de la dance. Alors que mon but à moi ça a toujours été de faire pleurer les gens. (Rires) La musique est fortement liée à mes émotions. La musique peut me faire pleurer si c'est une chanson triste. La musique triste ça m'a toujours fasciné, ça me fait ressentir des tas de choses. Et ça transparait forcément dans mes textes.

Tu as d'ailleurs collaboré sur ce premier album avec Broods, Emile Haynie... C'est un bon début ! Avec quel artiste tu aimerais travailler ou enregistrer un duo ?
J'adorerais écrire pour d'autres artistes en fait. Je veux le faire pour des popstars, comme Taylor Swift. J'écris des passages rap parfois dans mon lit juste pour rigoler ! (Rires) J'ai déjà participé à des sessions d'écriture et j'ai adoré ça. Donc j'aimerais en faire d'autres. Mais rien n'est prévu pour le moment.

Où tu te vois dans dix ans ?
Dans dix ans, je me vois toujours en train d'écrire, de faire des albums pour moi et pour d'autres. Juste faire de la musique, être créatif, j'espère dans une belle maison, peut-être dans le sud de la France. (Rires)

Retrouvez l'actualité de Troye Sivan sur son site officiel et sa page Facebook.

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