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dimanche 17 novembre 2013 17:29

Tinie Tempah en interview : "Ce sont les popstars féminines qui tirent les ficelles"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Trois ans après le vif succès de "Disc-Overy" outre-Manche, Tinie Tempah signe son grand retour dans les bacs avec son deuxième opus, "Demonstration", disponible depuis le 4 novembre. De passage en promo à Paris, le rappeur londonien s'est prêté au jeu de l'interview pour évoquer la genèse de ce disque, ses nombreuses collaborations, le girl power, la place de la pop dans l'industrie et ses activités de producteur.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Pourquoi avoir attendu trois ans avant de publier un deuxième album ?
En réalité, ça fait déjà deux ans que je travaille dessus. Le succès inattendu de "Disc-Overy" a fait que je me suis retrouvé à voyager partout, tout de suite. Je n'étais plus ce petit artiste anglais, indépendant et méconnu. Il m'a clairement fallu un certain temps pour digérer cette effervescence. Et la savourer aussi ! (sourire) A partir du moment où je me suis remis à composer, j'ai eu en tête cette grande vision et ce message, qui s'adresse à toute la jeunesse. Peu importent les obstacles qui se dressent devant toi, peu importent les épreuves traversées dans la vie, peu importe si tu es encore loin d'accomplir ton rêve : si tu restes concentré sur ton objectif, tout devient possible. Sois déterminé, travaille dur et crois en toi. C'est le concept de cet album. Et puis, j'ai réuni des artistes extrêmement talentueux, d'horizons très différents, comme Emeli Sandé, 2 Chainz, Big Sean...

C'était prévu à l'avance, ces collaborations ?
Oui, je savais très clairement dans quelle direction aller. J'ai aussi bossé avec toute une palette de producteurs : Diplo, Naughty Boy, Labrinth, et même Zane Lowe et Tom Rowlands des Chemical Brothers. Donc c'était un processus d'envergure, et je n'avais pas envie de me précipiter.

Je voulais démontrer mon évolution artistique
Pourquoi ce titre, "Demonstration" ?
Pour envoyer un message à ma génération. Je n'ai que 24 ans, mais j'ai eu la chance de voir les deux côtés du miroir. Je sais ce que c'est d'avoir la vie dure ! Et je sais ce que ça change de saisir les opportunités qui se présentent devant toi. L'idée, c'était aussi de démontrer mon évolution en tant qu'artiste. Entre les deux albums, j'ai consolidé mes acquis, j'ai appris de nouvelles techniques... Ce disque est beaucoup plus abouti, musicalement. Mon but, c'était de prouver que je suis capable de créer des morceaux qui resteront ancrés sur la durée.

Comment composes-tu tes chansons ?
C'est très naturel. La plupart de mes textes sont influencés par ma vie de tous les jours, et comme je suis dans une position assez chanceuse, je fourmille de sources d'inspiration. Mon truc, c'est de prendre constamment des notes, sur mon smartphone. Quand je change de pays, quand j'ai une journée longue et difficile, quand je passe un week-end 100% fun, j'écris. Je collecte. C'est un gros fourre-tout (rires). Ensuite, quand j'entends un beat qui me parle, je me replonge dans cette vaste base de données et j'assemble. C'est presque un jeu de construction.

Sur la pochette, tu apparais caché derrière un bandeau rouge. Pourquoi ?
Je voulais que ma musique parle d'elle même. L'artwork est volontairement minimaliste, j'ai banni tout effet superflu. C'est comme un retour aux sources. Plus de starification, plus de célébrité. La seule chose qui importe, c'est mon message et mes chansons.

C'est difficile pour toi de concilier tes racines underground, ce que tu faisais avec Aftershock Hooligans par exemple, et cette musique pop et populaire qui est très largement consommée par le grand public ?
Il faut trouver le juste équilibre, et je pense sincèrement que c'est un des points forts de ma musique. Je m'efforce toujours de toucher à cet héritage britannique, qui vient des tripes. On parle de culture alternative mais je pense qu'on y trouve aussi des éléments susceptibles de plaire au grand plus nombre. Et ça me convient parce que justement, je veux que ma musique plaise à tout le monde ! Tu sais, j'ai longtemps été cet artiste indépendant, donc il y a des habitudes qui sont instinctives. Sur "Mosh Pit" ou "Do Till I", tu retrouves par exemple ce son crasseux et urbain. Dans ma façon de parler, dans mon style de musique, je pense que ça se ressent.

La musique urbaine, ça existe encore pour toi ? Aujourd'hui, tout est mélangé, le rap se mêle à l'électro, la pop à la country...
Toute personne sensée te dira que la pop, c'est avant tout de la musique populaire. C'est un genre aux frontières très vastes, qui en épouse une multitude d'autres. Michael Jackson était appelé le "roi de la pop", mais peut-on vraiment définir sa musique ainsi ? Il y a des chansons très rock'n'roll qui sont tombées sous cette catégorie, comme "Sex on Fire" de Kings of Leon, et il y a des morceaux comme "Empire State of Mind" de JAY-Z et Alicia Keys qu'on peut aussi classer comme ça. En fait, la définition du mot a évolué pour être synonyme de succès. Dès que tes compositions commencent à gagner en popularité, il y toujours quelqu'un pour te confronter à cette question. Mais pour moi, c'est de là que vient l'art : la capacité à séduire l'autre.

Les femmes ont pris le pouvoir en musique
Comment analyses-tu le succès d'artistes féminines comme Katy Perry, Miley Cyrus ou Lady Gaga ?
Les femmes ont pris le pouvoir, définitivement ! Ce sont elles qui tirent les ficelles, et je trouve ça carrément top. Tous les deux-trois ans, j'ai l'impression qu'il y a un artiste ou un groupe qui domine le marché et donne le la. Je trouve ça très bénéfique cette attention autour des popstars féminines car chacun essaye du coup de placer la barre plus haut. C'est de la bonne compétition.

Kendrick Lamar a relancé cet été une guerre du hip-hop avec son morceau "Control", dans lequel il affirme être le "roi de New York" et s'en prend aux autres rappeurs américains. Ça pourrait arriver en Angleterre, selon toi ?
Oui, je ne vois pas pourquoi ça n'arriverait pas, mais si la situation est, en effet, assez différente. La culture hip-hop a pris une telle importance aux Etats-Unis qu'un simple featuring, sur un morceau qui n'est même pas le sien, prend autant de proportions. En Grande-Bretagne, je pense que nous devons d'abord nous consolider et nous crédibiliser en tant qu'artistes hip-hop avant de lancer ce genre de querelle. Pour moi, la scène urbaine anglaise n'est jamais aussi bonne que lorsqu'elle se serre les coudes et forme une vraie unité.

Pourquoi avoir choisi "Trampoline" comme premier single ?
Comme je m'étais montré discret depuis un certain temps, je voulais sortir un morceau qui sonnait complètement nouveau. Si tu écoutes attentivement les paroles, tu verras que je me présente, comme si c'était ma première chanson. On a clairement ciblé les clubbeurs avec un son bouncy, très fun et frais. On ne m'attendait pas sur ce créneau-là. C'était ça, l'ambition.

Découvrez le clip "Trampoline" de Tinie Tempah feat. 2 Chainz :



Si c'était aussi facile, tout le monde le ferait
"Children of the Sun", en revanche, sonne beaucoup plus introspectif...
Tout à fait. C'est une des raisons qui m'a poussé à sortir "Trampoline" en premier : les autres titres de l'album sont plus personnels, plus mélodieux aussi. "Children of the Sun" rejoint tout ce que "Demonstration" signifie pour moi. Il y a eu tant d'obstacles pour m'empêcher d'atteindre mes buts. Rien que d'écouter les critiques est une distraction qui t'empêche de te focaliser sur l'essentiel. Heureusement, je suis robuste et je n'y ai pas trop accordé d'attention. Parfois, quand tes fans regardent tes vidéos, tes photos Instagram ou lisent des interviews de toi, comme celle-ci, ils se disent « Celui-là vit dans un autre monde, il a la belle vie ». C'est à toi de leur rappeler que ce n'est pas facile d'en arriver là, parce que si c'était aussi facile, tout le monde le ferait ! C'est la vérité. Chaque matin, quand je me réveille, j'ai l'impression de recommencer à zéro, car je dois sans cesse inventer des choses inédites pour continuer d'exister en tant qu'artiste. Et "Children of the Sun" parle exactement de ça. Quoi que tu fasses, que tu décides d'être un rappeur, un journaliste ou un astronaute, rien n'est facile. Si tu bosses dur et que tu crois en tes rêves, alors ça peut arriver.

Comment s'est passée ta collaboration avec Dizzee Rascal sur "Mosh Pit" ? Il paraît que c'est une de tes idoles...
C'est vrai ! J'ai commencé à écouter Dizzee quand j'avais 12 ans. C'est un des moments les plus fous de l'album, je meurs d'envie de voir ce que ça va donner sur scène car j'y parle quand même du plus gros pogo de toute la Terre ! (rires) Ce qui a été super pour moi, c'est de voir la façon dont Dizzee a abordé le morceau, un peu comme ce que j'écoutais de lui à l'époque : un freestyle lourd, très underground. C'est clairement l'une de mes chansons favorites.

A 24 ans, tu possèdes déjà ton propre label, Disturbing London. Quelle était l'idée derrière ce projet ?
C'est mon cousin et manager Dumi Oburota qui l'a fondé en 2007, et j'en ai ensuite pris les rênes. Notre vision était de construire une plate-forme indépendante avec les ambitions d'un grand label comme Def Jam ou Roc-A-Fella. C'était un moyen de contrôler tous les aspects de ma vie d'artiste : le son produit, les apparitions live, la police d'écriture sur la pochette de tel ou tel single, le retour du public... On a redoublé d'efforts pour faire des vidéos de qualité, produire nos propres mixtapes, jusqu'à avoir suffisamment de bagages pour signer un deal avec une maison de disques. Depuis, on a donc pu accueillir dans l'écurie quatre ou cinq artistes supplémentaires : l'un d'entre eux a signé chez Polydor et l'autre chez Atlantic Records ! Disturbing London, c'est un mouvement, un mode de vie. J'espère que nous continuerons longtemps.

En quoi ça affecte ta propre musique ?
S'il y a bien quelque chose d'inspirant, c'est de produire d'autres artistes. De les accompagner aux prémices de leur carrière, les voir chercher leur identité et atteindre ce moment où ils sortent une bonne chanson, puis deux, ça m'oblige à porter un regard objectif sur mon travail et à définir la direction que je vais emprunter.

Je me considère comme quelqu'un de très créatif
Tu es producteur, tu as écrit un livre, tu as lancé ta ligne de vêtements... C'est important d'exprimer toutes les facettes de ta personnalité ?
Je me considère comme quelqu'un de très créatif. Je suis jeune, plein d'énergie et d'idées, donc pourquoi ne pas prendre toutes les opportunités qui s'offrent à moi ? J'ai écrit une autobiographie, j'ai conçu ma collection, à l'avenir, ça sera peut-être le cinéma, la production... Et je ne serai pas forcément bon ! Mais si j'ai la chance de pouvoir essayer, alors je saisirai l'occasion. J'ai déjà accompli beaucoup de choses qui me tenaient à cœur, mais je veux en faire plus.

Avec qui aimerais-tu collaborer à l'avenir ?
J'adorerais travailler avec les Arctic Monkeys. Sérieusement, leur nouvel album est génial ! Crystal Castles aussi, c'est un duo canadien plutôt dans l'électronique instrumentale, vraiment très bon. Il y a cette jeune chanteuse R&B appelée Banks, dont l'univers me plaît beaucoup. Et puis Adele, Kanye West, Drake... Ça fait déjà pas mal de monde !

Et des artistes français, tu en connais ?
Oui, j'étais en train d'écouter du Kaaris dans le trajet pour Paris. Son morceau "Zoo"... Oh man, c'est tout ce que j'adore dans le hip-hop. Même si je ne comprends pas toutes les paroles, je ressens la colère, la passion. C'est dément !
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