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Stromae vise juste avec "Multitude", un nouvel album plus intime et ouvert sur le monde

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Stromae signe son grand retour sous le feu des projecteurs, qu'il a fui pendant quelques années, avec son troisième album "Multitude". Que vaut ce nouveau disque emmené par les singles "Santé" et "L'enfer" ? Notre critique !
Crédits photo : Polydor
« Gauche, droite, droite, gauche, front kick, balayette et penalty ». Clairement, Stromae n'est pas venu pour faire de la pâle figuration avec son nouvel album, comme il le clame, le poing levé, « en vie » donc « invaincu », sur la percutante première chanson de "Multitude", où sa voix se décuple pour prendre des airs de cri de guerre. « Affaibli » par toute une cascade d'événements - le carton phénoménal de "Racine carrée", sa vie privée qui vole en éclats sous la pression du succès, trop d'efforts, un burn-out puis les effets secondaires terribles d'un médicament anti-paludisme, une « putain d'maladie » comme il le dit - mais déterminé à transformer ces épreuves en moteurs, l'artiste belge revient sur le devant de la scène après s'être refait une "santé". Et Stromae l'a bien compris, c'est en parlant de soi qu'on parle à tous. "L'enfer" des « pensées suicidaires » qui lui ont parasité l'esprit durant un temps donne lieu, sur cet album moins immédiat à appréhender mais plus introspectif, à une formidable confession face caméra - celle du JT du 20 heures de TF1 où tout le génie de son interprétation a sauté au visage de millions de téléspectateurs cloués par l'émotion.

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Dans "C'est que du bonheur", qui suit immédiatement, le dandy espiègle refait son apparition pour parler de la paternité avec une ironie mordante. Les mains dans le cambouis, ou plutôt dans « les couches, les vomis et les cacas », Stromae adresse une amusante déclaration d'amour à son fils de trois ans : « Je t'ai donné la vie, tu as sauvé la mienne ». Des anecdotes personnelles dans lesquelles tout le monde pourra se reconnaître, comme c'est aussi le cas sur "Mauvaise journée", l'un des titres les plus accessibles et accrocheurs, où le musicien revendique sur un petit air de ukulélé et un gros barnum électro son « droit à déprimer dans [son] fauteuil » face aux désenchantements de la vie. La phrase « encore une bonne journée de merde, comme une journée de confinement » est la plus criante de vérité que vous entendrez sur un album cette année !

Super-erhu du quotidien


Sur ce troisième effort, la grande réussite de Stromae est de réussir à faire de l'intime un sujet universel. En fin de compte, "Multitude" parle moins de lui que des autres. "Fils de joie" est, par exemple, inspiré par un numéro de l'émission quotidienne "Ça commence aujourd'hui" avec Faustine Bollaert consacré à la prostitution. Très pertinent dans ce qu'il dénonce, "Déclaration" est un vibrant pamphlet où le chanteur de 36 ans, qui s'est toujours évertué à brouiller les frontières entre masculin et féminin (notamment dans son tube "Tous les mêmes") scande « on ne naît pas misogyne, on le devient » en lâchant quelques uppercuts envers la société patriarcale : « Faudrait surtout pas que madame porte la culotte, même si la charge mentale on sait bien qui la porte ». Et cette ouverture sur le monde se ressent également dans les sonorités. Animée par une soif de grandeur, la chanson "Riez" est traversée par une magnifique complainte à l'erhu, un instrument ancestral chinois à deux cordes qui habille aussi la dernière moitié de "La solassitude", variation sur la dépression amoureuse. Sur "Fils de joie", un clavecin s'entrechoque à du baile funk brésilien. Ça et là, des choeurs africains viennent réchauffer et galvaniser le coeur. On salue donc le minutieux travail de recherche et cette insatiable curiosité pour d'autres cultures, que Stromae, d'origine rwandaise par son père, dit avoir hérité de sa mère baroudeuse.

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Alors on danse ?


Plus libre, plus cash aussi, le musicien fleurit davantage son langage au fil de ces 12 morceaux remplis de bons mots et de gros mots. Les « salopes » se répondent aux « salauds » mais ce trait est, semble-t-il, assumé : quand il veut aller à l'essentiel, Stromae ne s'embarrasse plus du style. Le grand public - rappelons que le chanteur est adulé par petits et grands - pourrait toutefois s'offusquer de cette simplification (la thématique du popo revient beaucoup...) mais aussi déplorer un certain manque de punch dans les mélodies. Dans "Multitude", les tubes évidents ne sont pas légion, là où "Racine carrée" en comptait à la pelle. Est-ce dommageable ? Non car la sincérité du projet emporte tout et à travers ce disque habité, Stromae s'affirme encore et toujours comme un maestro de l'interprétation.



L'impossible défi d'être à la hauteur des espérances a poussé Stromae à changer d'approche. Moins calibré, plus personnel et désinvolte, "Multitude" n'est pas aussi intuitif qu'on l'aurait voulu mais gagne progressivement en richesse. Ses influences cosmopolites méritent une attention particulière et ses textes ciselés, qu'ils soient musclés, cyniques ou drôles, visent toujours justes. Santé !
Pour en savoir plus, visitez stromae.net, ou sa page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "Multitude" de Stromae sur Pure Charts.

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