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samedi 07 octobre 2017 12:30
Soprano en interview : "Chanter au stade Vélodrome, c'est un rêve de gosse"
Par
Yohann RUELLE
| Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Ce soir, Soprano va prendre d'assaut le stade Vélodrome de Marseille lors d'un concert retransmis en direct sur TMC. Avant de se jeter dans l'arène, le rappeur a accepté de se confier à Pure Charts sur son parcours, le succès de son dernier album "L'Everest", le rap d'aujourd'hui, son amitié avec Patrick Fiori, le retour de Mc Solaar et son prochain disque. Rencontre avec un artiste simple et bien dans ses baskets.
Crédits photo : Parlophone
Propos recueillis par Yohann Ruelle. 2017 marque les 10 ans de ta carrière solo. C'est une date importante pour un artiste. Quel regard portes-tu sur ton parcours ? Ah ça, on en a fait du chemin ! J'en parlais encore hier avec Alonzo (ndlr : membre du groupe PSY 4 de la rime). On a « grimpé » comme je le dis dans la chanson "Mon Everest". On n'a fait que monter en continuant à travailler et chaque fois que je regarde en arrière, je me dis qu'on est resté droit et qu'on a continué à avancer. Entre amis. C'est le plus important pour moi. Les personnes avec qui j'ai commencé sont les mêmes personnes avec qui je suis aujourd'hui. C'est ce dont je suis le plus fier dans ma carrière. Le travail c'est important, mais avec qui et comment ! Il y a des gens qui passent leur vie à travailler sans vraiment vivre. Il faut arriver à trouver un équilibre entre les deux. Moi je suis heureux car je suis avec mes amis, c'est ma passion, je gagne bien ma vie, j'ai l'opportunité de voyager, de rencontrer des gens... Je sais que j'ai cette chance. Dans ma tête le Vélodrome, c'était Madonna ! Tu te souviens de tes débuts dans le rap ?Comme si c'était hier ! Mais il y a eu beaucoup de débuts. Avant les PSY 4, on avait un groupe qui s'appelait KDB parce que Snoop Dogg venait d'arriver, donc on se fait appeler les Kids Dog Black. On était fan de Kris Kross et de Snoop, on s'habillait comme eux, avec des pantalons à l'envers... (Rires) Après il y a eu un début avec les PSY 4, puis un début quand on a commencé à signer avec Akhenaton pour pouvoir sortir des albums... Bien sûr que je m'en rappelle. Tu dirais quoi aujourd'hui au Soprano qui avait 14 piges ? "Le rêve que tu avais quand tu étais tout petit, et bien on est en plein dedans !". C'est un truc de fou. On va chanter au stade Vélodrome. Quand j'avais cet âge-là, même pas... Même pas... même pas j'y pensais ! Dans ma tête, c'était Madonna qui faisait des concerts au Vélodrome ! Jamais de la vie j'y ai pensé, ça ne m'a même pas traversé l'esprit. Donc je lui dirais : "Ben oui. Quand tu vas avoir 38 ans, tu vas le faire". Bon, de 14 à 38, il y a eu du chemin ! Mais tu vas le faire. C'est symboliquement très fort pour toi ? Oh que oui ! Quand j'étais petit, j'allais voir les matchs de l'OM. Mon premier clip solo, je l'ai fait dans le stade... Tout le monde connaît mon amour pour le club qui joue dans ce stade. Donc bien sûr, le Vélodrome, c'est un rêve de gosse qui se réalise. (Sourire) Regardez le clip "Mon Everest" avec MARINA Kaye : L'album "L'Everest" vient de franchir les 400.000 ventes. Ce sont des chiffres mais ça signifie forcément quelque chose... Oui. Déjà, ça veut dire qu'il y a beaucoup de gens qui aiment ce que je fais, qui me soutiennent et qui sont derrière moi. L'album d'avant c'était 500, l'album d'avant c'était 350, l'autre d'avant 200, l'autre c'était 100... Donc ça veut dire que petit à petit, on monte, on monte ! C'est génial. Le public a grandi avec moi Comment expliques-tu que tu plais à toutes les générations ? Je t'ai vu aux Francofolies de la Rochelle cet été et il y avait dans le public autant de jeunes que de familles et d'enfants. C'est assez rare, surtout pour un artiste issu du milieu hip-hop.Je pense vraiment que le fait que je sois là depuis longtemps, ça y fait. Les gens qui m'écoutaient adolescents, même petits, ont grandi avec moi. Et comme moi mon discours il était accordé à mon évolution aussi, ils sont restés et ils ont transmis ma musique à leurs enfants. Moi dans mes textes, si aujourd'hui je fais plus attention à ce que je dis, c'est parce que j'ai des enfants. Ce n'est pas pour vendre plus de disques ! Je fais leur éducation donc je ne vais pas dire n'importe quoi dans mes morceaux. C'est important que je sois cohérent. Et je pense que les parents qui ont grandi avec moi se sont dit la même chose. Donc les enfants ont commencé à m'écouter, et petit à petit, il y a eu deux ou trois générations qui se sont mis à me suivre. C'est énorme. Je le vois en concert, il y a de tout ! C'est très rigolo quand je fais fais une vieille chanson de voir les "anciens" s'ambiancer et crier aux jeunes "Eh, c'est ma chanson !!!" (Rires) C'est une émotion spéciale quand même. Après le carton de "Cosmopolitanie", tu t'es mis la pression en studio ? Normalement j'aurais dû, mais au contraire : je me suis senti lâché. Quand j'ai fait "Cosmo", j'avais déjà sorti trois albums qui avait bien marché. Cette fois, je me suis dit qu'il fallait prendre des risques, amener quelque chose de nouveau et aller dans d'autres terrains ou sinon j'allais m'ennuyer et ne plus prendre de plaisir à faire de la musique. Donc j'ai fait cet album en faisant des morceaux totalement différents. Je me méfiais de la réaction du public car en France, les gens aiment nous mettre dans des cases et ont la critique facile ! Mais le succès de l'album m'a mis en confiance. Ça m'a encouragé à tenter des choses nouvelles. Donc avec "L'Everest", je me suis amusé. J'ai mélangé du trap, de l'opéra, de l'électro... On a créé sans se mettre de barrière, sans pression. Et je me suis régalé. Ça s'entend dans le titre "En feu" que j'ai le smile ! On a tous besoin de positivité Tu revendiques cette image de rappeur positif. C'est une forme de réponse à l'état du monde actuel ?Positif, je l'ai toujours été mais là je l'affirme car on en a besoin. Tous. Tout ce qu'il se passe dans le monde, c'est la somme de négativité du passé. Je pense qu'aujourd'hui on a besoin de cultiver la positivité pour pouvoir le transmettre autour de nous. A chaque fois qu'il t'arrive un coup dur dans la vie, il faut être capable de voir le beau pour se relever. Dans "Mon Everest", je dis : "Offrez-moi des sourires plutôt que des fleurs". Parce que juste un sourire, ça peut égayer une journée ! Plus on est dans cet état d'esprit, plus on peut changer les choses. Quelles sont les valeurs les plus importantes que tu souhaites défendre ? La famille. Ca peut faire bisounours mais dans tous les cas, tu touches pas à la famille. C'est ce qu'il y a de plus essentiel. Regardez le clip "En feu" de Soprano : Dans ''50min inside'', tu as évoqué pour la première fois la dépression que tu as faite il y a quelques années. On n'a pas l'habitude d'entendre des rappeurs montrer leurs failles, briser l'armure... Qu'est-ce qui t'a poussé à en parler ? En fait j'avais déjà commencé à aborder le sujet dans mon premier album solo, "Puisqu'il faut vivre". J'avais vécu tellement de choses qu'il fallait que je sorte tout ce que j'avais à l'intérieur. Disons que ce que je dis dedans, et dans la chanson-titre, j'ai peut-être réussi à le soigner. Et aujourd'hui, avec le succès de "Cosmo" et "L'Everest", plus de personnes peuvent entendre ce que j'ai à dire. C'est vrai que peu de rappeurs en parlent, mais moi ça m'a sauvé de le faire. Et ça a peut-être sauvé d'autres personnes d'entendre mes chansons. C'est pour cette raison que je le mets en avant et que j'en parle : parce que je sais qu'un jeune qui a des difficultés et qui voit où j'en suis aujourd'hui va se dire "C'est possible, on peut sortir de cette galère-là". La musique, tu la vois comme une thérapie ? Bien sûr ! Alors y'a des morceaux festifs comme "En Feu" parce qu'on est là avec les potos, on a envie de s'amuser, mais oui, à la base, c'est une vraie thérapie. Comme je le dis dans une chanson, la musique c'est un divan et après moi je lâche, je lâche, je lâche... En général, ce sont les chansons qui restent car ce sont les plus sincères et les plus vraies. Y'a une chanson de Zazie qui dit : « Si j'étais moi, ni la montagne à gravir, au bord du vide, la neige à venir, ne me feraient peur ». Être sincère, c'est la plus belle façon de vivre. Personne ne peut te remettre en question. Les jeunes ne veulent plus de rap conscient Tu assumes aujourd'hui d'être davantage assimilé à un chanteur qu'un rappeur ?C'est vrai que là, c'est la période de ma carrière où j'ai mis le plus ma voix en valeur. Après tout, je m'appelle pas Soprano pour rien ! Je suis rappeur-chanteur et d'ailleurs sur la réédition de "L'Everest", il y a un peu plus de rap. Mais il faut dire qu'aujourd'hui, et c'est très important de le préciser, le rap ne rappe plus. Je suis dans les temps ! Simplement j'ai des thèmes un peu plus ouverts et pacifiques, donc on va plus entendre mon côté chanteur que les mots violents que d'autres rappeurs peuvent employer. Mais je l'accepte parce que ça fait partie de mon style. Je l'assumais un peu moins avant mais pourtant, j'en ai fait des titres où je chante ! "Le monde est stone", "Inaya", "Jeunesse france"... Disons qu'aujourd'hui il y a un peu plus de lumière sur moi donc on le voit davantage. (Sourire) A ton avis, est-ce que le rap engagé est mort ? Ça dépend des artistes. Moi par exemple, quand j'ai envie de dire des choses et que je commence à vouloir le faire en rappant, j'ai l'impression d'être un vieux qui veut faire la morale. (Rires) Alors que si je chante, j'entends une chanson. On écoute ce que je dis. Les jeunes n'ont plus envie d'entendre quelque chose de conscient. Quand il s'agit de rap, ils veulent s'amuser. Moi je viens de la vieille génération donc j'ai besoin d'entendre des textes. Par exemple, ma nouvelle chanson s'appelle "Mon précieux" et parle de notre addiction aux nouvelles technologies. C'est un sujet triste ! Mais je l'ai fait en dansant. Mais c'est un sujet triste. Je l'aurais fait en rappant, le message ne serait pas passé. Heureusement, il y a encore des gens comme Kery James ou Nekfeu - j'aime beaucoup Nekfeu - qui ont des choses à dire. Ou même Bigflo & Oli. Quand tu grattes un peu, ils prennent de vrais sujets de société et en parlent à leur manière. Regardez le clip "Mon précieux" de Soprano : Justement, que penses-tu du retour de MC Solaar sur le devant de la scène ? Figure-toi que la première chanson que j'ai apprise à l'école et qui m'a donné envie de faire du rap, c'était du Mc Solaar. "Je suis l'as de trèfle qui pique ton coeur". Caroline ! Dans le quartier on était comme des fous à se dire "Eh, regarde le jeu de mot !". J'étais un grand fan. Et depuis deux ans que je le côtoie dans les Restos du coeur, je ne l'ai pas lâché. J'ai pas arrêté de lui dire : "Quand est-ce que tu reviens ?". Il m'a dit : "J'y pense. Tous les jours je me dis que je dois aller au studio, mais ça fait 10 ans que ça dure". (Rires) Donc là ça y est, c'est bon, c'est sorti. Et ce que j'aime bien avec "Sonotone", c'est qu'il ne s'est dit "Bon le rap d'aujourd'hui c'est comme ça alors je dois faire ça". Il est venu avec sa poésie et a fait un morceau à la Mc Solaar. J'étais obligé de dire oui à Jean-Jacques Goldman En matière de chanson française au sens large, qui sont tes idoles ?En texte, je vais te dire Zazie. Balavoine il m'a rendu fou dans ma vie. Cabrel, Brel et Jean-Jacques Goldman, ce sont des gens qui sont au dessus du lot. Après en voix, j'aime beaucoup Amel Bent. Quand elle chante... Elle peut te dire "Je suis en train de manger du sucre", tu vas te mettre à pleurer ! Elle déchire. Patrick Fiori aussi quand il monte, tu ne peux pas nier qu'il sait chanter. Et Maître Gims, il a une musicalité dans la voix... Il me scotche. En parlant de Patrick Fiori, tu partages un duo avec lui sur son nouvel album. Comment est née cette collaboration étonnante ? Déjà, il faut savoir que Patrick Fiori c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup sur le plan humain. Il a un coeur comme ça, il est incroyable ! Et surtout, il a grandi dans les quartiers de Marseille. Plan d'Aou, Air Bel... L'affinité c'est fait direct car quand je parle de mon enfance, il sait très bien de qui ou quoi je parle. Et un jour, il m'appelle et me dit : "Y'a Jean-Jacques Goldman qui m'a écrit une chanson, il faut que je te la fasse écouter absolument. Tu sais, il n'a plus écrit depuis longtemps, il n'écrit plus beaucoup... et m'a dit 'fais-la écouter à Soprano, vois s'il veut peut-être la partager avec toi'". Tu imagines ma surprise ! Et quand j'ai écouté la chanson, je suis resté bloqué : on aurait dit que Jean-Jacques avait grandi dans les quartiers avec moi ! Il a su trouver les mots justes. Patrick Fiori, Jean-Jacques Goldman... A un moment donné, faut pas réfléchir trop longtemps ! Je pense que je fais partie des artistes très chanceux qui ont pu chanter un titre écrit par Jean-Jacques Goldman. On est parti au studio, il était là à côté de nous... Je vais te dire : Jean-Jacques Goldman est respecté chez n'importe quel rappeur. J'étais obligé de dire oui ! Mon prochain album ? Il sortira en 2018 Pour finir, tu évoques ton prochain album sur la toute dernière chanson de la réédition de "L'Everest", qui s'appelle "Prélude du Phoenix". A quoi peut-on s'attendre ?Et bien ce morceau pourrait justement être l'intro de mon prochain album, qui portera le nom de "Phoenix". Quand tu dis ça, les gens pensent à "renaissance". Ils vont se dire "retour aux sources", "il revient dans le rap"... mais je ne vais pas parler de ça. Phénix c'est plus au sens spirituel. Dans la vie, on n'a pas de seconde chance : on a des milliards de chances. Tant que tu as envie, tu as des opportunités. Dans le morceau je dis : "A chaque lever du soleil, nous sommes des phénix". On renaît de nos cendres. Ça sera un album où je vais développer ce thème-là. Ça sortira quand ? L'année prochaine. On y va tranquille, hein ! Là, y'a la réédition, la tournée, y'a eu les deux Bercy... On va aussi essayer de sortir un DVD du concert au Vélodrome. Donc il faudra patienter un peu ! .
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