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samedi 13 novembre 2021 11:43

Nolwenn Leroy en interview : "J'avais envie de sortir de ma zone de confort"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Nolwenn Leroy est de retour avec son nouvel album "La cavale", produit par Benjamin Biolay. En interview sur Pure Charts, la chanteuse se confie sur son besoin de renouveau, raconte son engagement contre le mal logement et revient sur sa tendre chanson pour son fils.
Crédits photo : Yann Rabanier
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Quelles envies avais-tu sur ce nouvel album "La cavale", après "Gemmes" et "Folk" ?
J'avais envie de sortir un peu de ma zone de confort. Et j'avais également l'envie de démarrer un nouveau cycle avec cet album-là, qui arrive à un moment important de mon parcours, au bout de vingt ans. J'avais envie de surprendre sans déstabiliser, mais de proposer quand même quelque chose de nouveau. Parce que, aussi, je me sentais forte de ces vingt années pour le faire, pour me sentir libérée. Je me sens bien en tant que femme, en tant qu'artiste. Je n'avais pas peur quoi ! Aussi, par rapport à mon parcours et après tout ce qu'on a vécu, ça m'a fait beaucoup réfléchir, comme tout le monde, sur moi, mes envies. D'où cette cavale...

Le titre vient de là donc !
Oui, de se dire : "Allez, faut y aller !". C'était le moment de réaliser mes envies, de collaborer avec les artistes avec qui j'avais envie de travailler.

J'avais envie de surprendre sans déstabiliser
Justement, ça a été l’évidence avec Benjamin Biolay, qui écrit une bonne partie de l'album, et qu'il produit ? Un peu comme tu l'avais fait avec Laurent Voulzy sur "Histoires naturelles" (2005) d'ailleurs...
Oui, même si c'était dans un autre contexte. A l'époque, il y avait un côté pygmalion et muse. Avec Laurent, je m'en suis remise à lui totalement à ce moment-là. Je me suis laissée porter. Il m'a guidée sur ce chemin à la sortie de ce premier album, enregistré dans la hâte et qui était prêt pour la gagnante de l'émission qui m'a révélée. Il avait une idée précise de la vision qu'il avait de moi, de la direction qu'on devait prendre ensemble. J'avais 20 ans, c'était quelque chose de se retrouver avec Laurent Voulzy en studio, de vivre un an à ses côtés en studio, de faire de la musique ensemble. C'était une chance énorme et j'étais très intimidée d'une certaine manière.

Forcément, l'expérience a dû très différente sur "La cavale".
Oui, à la fois, j'ai laissé les clés mais dans un échange qui a été très différent. Avec Benjamin, je me suis beaucoup racontée, livrée, mais c'est vraiment deux expériences différentes. Et ça ne tient pas qu'au fait que Laurent et Benjamin sont différents mais que moi je suis différente aujourd'hui. J'ai vécu plein de choses entre temps, je n'ai plus les mêmes envies, la même confiance en moi, tout quoi. C'est ça qui est intéressant, de l'avoir vécu au tout début et maintenant, après avoir fait mes chansons entre temps. Là, j'étais prête à ça, à me retrouver à nouveau dans cette situation-là, et je me disais que ça pouvait débloquer encore certaines choses en moi. Ouvrir certaines portes, dire des choses que je n'ai pas encore dites. Aller encore plus loin.




Il y a le titre "Brésil, Finistère", et aussi des sonorités celtiques comme sur "Loin", qui est sans doute la meilleure chanson du disque d'ailleurs...
Je pense, sans trahir de secret, que ce sera le prochain single. Je l'adore ! C'est génial d'enfoncer le clou avec une chanson où je lâche les chevaux. C'est pas forcément ce que j'ai pu faire auparavant à travers mes chansons personnelles, je crois que c'est bien de revenir avec un titre qui envoie, hyper fédérateur, avec un texte malin.

J'ai moins peur de ce que vont dire les autres
Et c'est facile de sortir de sa zone de confort ?
Avant, je me serais posé plein de questions mais aujourd'hui moins. Je suis quelqu'un de très réfléchie mais là j'étais vraiment conquérante. C'était ça aussi le mot sur cet album. D'aller au bout de mes idées, de mes envies, sans avoir peur de ce qu'on va penser. Quand on grandit et qu'on se sent plus en confiance, on a moins peur de ce que vont dire les autres, ce qui est un élément important dans le métier qu'on fait. Mais chez tout le monde d'ailleurs, dans tous les métiers. Au fil du temps, tu te détaches un peu de ça pour revenir à l'essentiel, la création. Tu ne peux pas penser comme ça. On ne peut pas créer dans la peur, il n'y a rien de grave dans l'absolu. Même si c'est pas forcément bien accueilli, à partir du moment où ça te ressemble, c'est le principal. Je me libère de toutes les angoisses que je pouvais avoir.

Pour revenir à "Loin", les sonorités celtiques, c'était une envie particulière, comme un clin d'oeil à tes origines bretonnes ?
Oui, ça fait quand même partie de mon ADN. Et Benjamin avait aussi envie d'exploser ces sonorités qu'il n'a jamais utilisées dans sa musique à lui. La question s'est posée, il m'a demandé si j'en avais envie. C'est vrai que cette musique a pris une place à part dans mon parcours, et ce sont des sonorités qui me réconfortent, me font du bien. C'était intéressant. On a choisi quelques chansons et on les a envoyées à mon pote Kevin Camus, qui est en Bretagne et qui a joué avec moi depuis "Bretonne". Kevin était super inspiré, il s'est éclaté. Benjamin m'a dit : "Ça marche, génial, il faut garder !". Sur "Loin", c'est très scénique, il y a une vraie modernité. C'est génial !

Je n'ai jamais eu un discours aseptisé
Benjamin Biolay et Adé (Thérapie Taxi) t'offrent des textes plus directs, comme sur "Tu me plais" où tu chantes "Les buissons, les baisers, les suçons". Tu voulais montrer une autre facette de toi au public ?
Ah oui complètement. Mais c'est paradoxal, car on me connait comme quelqu'un de cash, qui dit ce qu'elle pense, peu importe ce que ça me coûte. C'est vrai que je n'ai jamais eu un discours aseptisé. C'est comme ça, je me soigne mais je reviens toujours à ça car c'est ma nature. Mais dans mes textes, dans ma façon d'écrire, j'utilise beaucoup de métaphores, d'images. C'est une façon de dire les choses, pas sans les dire mais de façon à ce que les gens puissent voir ce qu'ils ont envie de voir. C'est moins direct, c'est clair ! (Rires) On est à une époque, peut-être avec l'explosion de la musique urbaine, où on a une façon plus directe de dire les choses... J'avais envie de trouver un bon équilibre, car au-delà de la façon de les exprimer, c'est aussi les thèmes. Je ne suis pas quelqu'un qui chante l'amour très facilement, mais cette chanson elle est sexy, assumée. Je me disais que c'était le moment de chanter certains mots. Je ne l'aurais pas forcément fait toute seule. En tout cas, j'ai adoré le faire !



Sur "Occident", tu évoques le mal logement, une cause qui te tient très à coeur étant marraine de la Fondation Abbé Pierre. C'était important pour toi d'en parler en musique ?
C'était un thème important ! Depuis ma rencontre avec l'Abbé, j'avais envie d'écrire une chanson sur la fondation. Mais c'est difficile, j'avais du mal à trouver les mots. C'est toujours délicat de traiter de sujets comme celui-ci, sans tomber dans quelque chose de trop dark, mais en même temps c'est un sujet difficile. Et à la fois, tu ne peux pas être trop dans la poésie... Je me suis confiée à Benjamin par rapport à cet engagement. Les sujets de société, c'est un exercice qu'il n'a pas trop eu l'occasion de faire sur ces titres. A l'issue de cet échange, il m'a dit qu'il allait y réfléchir. Finalement, il est revenu avec cette chanson. Le côté très cinématographique fait que t'es dans le film. Tu t'imagines dans ta voiture, l'hiver, le soir... Finalement, c'était la meilleure façon de traiter le sujet. L'angle était vraiment bien vu. De toute façon, dans n'importe quel art, c'est l'angle qui fait toute la différence.

On assiste tous les jours à cette misère en bas de chez nous
Sur ce titre, tu chantes "Mais je l'oublie sitôt rentré chez moi, je reprends le cours de ma vie, dans la tour aux miroirs qui brillent". On culpabilise d'être privilégié ?
C'est vraiment un truc que je ressens chez tout le monde lorsque je parle de la Fondation et de ce combat-là, face à cette situation : "Qu'est-ce qu'on peut faire ?". C'est en bas de chez nous, quoi. Il y a une sorte de fatalité. On assiste tous les jours à cette misère en bas de chez nous, dans les rues de nos villes. On s'y habituerait presque... A un moment, on s'en veut car on ne peut pas s'habituer à ça. Comment se construire un avenir quand on n'a pas accès au minimum ? Pour moi, l'accès au logement, c'est une grande cause nationale. Il y a tellement de problèmes qui seraient réglés si on réglait celui-ci, comme la délinquance par exemple. Quand tu démarres avec le minimum, tu as le droit de rêver, de te dire que tu vas faire des études. Ça donne un but. Sans ça, il n'y a rien.

Tu es optimiste pour l'avenir ?
Chaque année, on avance un peu plus mais on n'y est pas encore. Et puis, je ne veux pas être trop pessimiste, là on est en plein dans la COP, le climat, mais le problème ne peut que s'accentuer de part le phénomène migratoire. Les vidéos que tu vois sur notre pays et les autres, qui seront sous les eaux dans un futur plus ou moins proche. Par la force des choses... Quand tu commences à penser à ça, c'est flippant. L'accès au logement, c'est une vraie cause, il faut vraiment que ce soit une priorité.

Tu crois encore au pouvoir de la politique sur ce sujet là ?
Bien sûr ! Pour l'accès au logement, c'est certain qu'ils ont la main, le pouvoir. Pour le climat aussi. Il faut avoir le courage de ne pas planquer ça sous le tapis pour le laisser au prochain. Trop tard ce sera trop tard. Pour l'accès au logement aussi. Il faut régler le problème dès maintenant pour ne pas se laisser submerger, dans tous les sens du terme. C'est essentiel. Le fait de devenir maman, tu vois le futur différemment, tu es dans une projection d'un coup. C'est cliché mais qu'est-ce que l'on va laisser aux futures générations ?

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Avec mon fils, je n'ai jamais connu un tel amour
Justement, sans trop de transition, parlons de ton nouveau single "Mon beau corsaire", une chanson pour ton fils Marin. Comment est-elle née ?
Je ne suis pas quelqu'un qui se livre facilement sur ma vie, ma famille, les miens, mais c'est tellement ce qui m'a construit. L'arrivée de mon fils dans ma vie qui tourne autour de lui, de l'amour fou... On ne peut pas le décrire. C'est le début du reste de ta vie en fait. On n'a jamais connu un tel amour, une telle peur et angoisse à la fois. C'est tellement fort et intense. J'avais besoin d'en faire une chanson. Benjamin m'a demandé de quoi je voulais parler, et quand je fermais les yeux je voyais mon fils. J'avais envie de parler de lui. C'était une évidence, je ne pouvais pas passer à côté.

Tu lui as fait écouter ?
Oui bien sûr, même s'il est petit. Mais il est déjà très sensible à la musique, aux sonorités, aux arrangements. Dès qu'il écoute un piano-voix ou une chanson plus lente, il est tout de suite dans cette émotion. Ça le submerge un peu et j'ai l'impression que ça le dérange un peu même. Tout de suite, il veut envoyer des chansons plus up tempo. Ça me fait sourire parce que justement la chanson elle atteint son but quand elle va chercher quelque chose comme ça. J'espère qu'elle ira chercher ça chez tout le monde. (Sourire)

Tu co-écris "La cavale", qui est un hommage à la fois à Brest et à Christophe. Je ne savais pas que vous vous connaissiez bien...
La chanson clôture l'album, comme elle a clôturé l'enregistrement. Il n'y avait pas de piano-voix et Benjamin m'a demandé si je n'avais pas un texte. J'étais un peu anxieuse à l'idée de lui montrer mais il l'a trouvé magnifique, et ça l'a beaucoup inspiré pour créer la musique. Quelques jours après, on s'est retrouvé, il a remanié le texte avec moi pour que ça concorde bien avec sa mélodie magnifique. C'était bouleversant. Cette chanson était une chanson sur Brest au départ, et elle s'est transformée après la disparition de Christophe. Il est parti à Brest, et je me remémorais les moments où on allait manger, on parlait beaucoup de l'Auvergne qui nous lie aussi, et je lui parlais beaucoup de la Bretagne. Par extension, c'est devenu le titre de l'album pour tout ce que ce mot symbolise. La cavale, c'est aussi un quartier de Brest, il y avait un bagne et c'est là qu'on arrêtait les prisonniers. C'est ça aussi l'histoire. Lorsque la chanson est arrivée, ça a été évident. Comme avec Benjamin, c'était le bon moment, l'alignement des planètes.
Plus d'informations sur nolwennleroy.com et sur la page Facebook de Nolwenn Leroy.
Écoutez et/ou téléchargez l'album "La cavale" de Nolwenn Leroy.

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