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jeudi 07 novembre 2013 18:05

Morcheeba en interview : "Le culte de la célébrité ne nous intéresse pas"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Trois ans après "Blood Like Lemonade", Morcheeba est de retour sur le devant de la scène avec "Head Up High", un huitième album studio disponible depuis le 14 octobre. De passage en France pour une série de concerts qui débuteront ce soir à Paris, dans la salle mythique de l'Olympia, le musicien Ross Godfrey et la chanteuse Skye Edwards se confient sur le star-system, leur collaboration avec James Petralli et les influences multiculturelles de leur musique.
Crédits photo : DR
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Pour ceux qui ne vous connaitraient pas encore, comment décririez-vous votre musique ?
Ross Godfrey : Tenter de définir un son, c'est toujours très abstrait. Je dirais que notre musique est très plaisante pour les oreilles, agréable à écouter. Même si elles ont chacune leur propre individualité, le point commun entre nos chansons est cet esprit relaxant et, bien sûr, la voix superbe de Skye.

Vous êtes très discrets dans les médias. C'est une façon de vous protéger ?
Ross : Oh, je pense qu'on est juste fainéants (rires). On a cette chance de pouvoir vivre en toute tranquillité, ce qui est plutôt sympa. Nous n'avons jamais été intéressés par le culte de la célébrité.

C'est aussi un moyen de conserver votre éthique musicale ?
Ross : Oui, en quelque sorte. C'est beaucoup plus valorisant de se rendre compte que le public connaît davantage vos chansons que le nom des boîtes de nuit que vous fréquentez ou les marques de fringues que vous portez. Même si, pour être honnête, on ne va pas très souvent en discothèque !

On voulait produire un album solaire
"Blood Like Lemonade" était une résurrection pour vous, après les retrouvailles qui ont suivi votre séparation, en 2003. Quel est le ton de cet album ?
Ross : L'idée, c'était de produire un disque plus optimiste et entraînant, moins...

Triste ?
Ross : Non... Plutôt au niveau des rythmiques, vous voyez ce que je veux dire ? Quelque chose de plus moderne et électronique que ce que nous avons l'habitude de faire. On voulait produire un album épicé, très solaire.
Skye Edwards : Ross et moi en avons longuement discuté pendant nos tournées. Paul n'était pas avec nous à ce moment-là, mais on a réussi à se capter lors de nos passages en France, où il vit maintenant, pour évoquer nos envies. On ne voulait pas réécrire un autre "Rome Wasn't Built in a Day", mais c'est vrai qu'on est partis dans l'optique de créer des morceaux plus radiophoniques, qui seraient fun à jouer en live.

Après huit albums, j'imagine qu'il est parfois difficile de stimuler sa créativité. Quelles ont été vos inspirations pour ces nouvelles chansons ?
Ross : En général, il se passe deux ou trois ans entre deux de nos albums. Durant ce laps de temps, tu écoutes toute une palette de chansons aux influences différentes, il se passe énormément d'événements dans ta vie... J'ai par exemple eu un petit garçon, ce qui remet, je vous l'assure, beaucoup de choses en perspective, et ça a inspiré certains de mes écrits. La musique est assez capricieuse. Parfois, tu t'installes au piano et ça vient tout seul, et tu ne sais pas trop d'où ça sort.

Il faut tomber amoureux d'une démo pour avoir envie de la finaliser
Donc l'écriture relève de l'instinctif ?
Ross : Oui mais en partie seulement, car chacun d'entre nous amène sa propre patte. Ça m'arrive fréquemment d'avoir des idées qui ne s'imbriquent pas forcément avec celles de Paul ou Skye, et puis d'autres fois, elle arrive avec cette mélodie fantastique et tout semble facile. Sur cet album, nous avons beaucoup commencé avec les rythmiques, les beats, parce qu'on voulait justement un son très organique, et puis on rajoutait une note de guitare, un bout de voix... On a continué et continué ce procédé jusqu'à tomber suffisamment amoureux d'une démo pour avoir envie de la finaliser. C'est vraiment le fruit d'une collaboration à trois.

Et vous, Skye ? Avez-vous pris la plume pour "Head Up High" ?
Skye : J'ai surtout œuvré sur les accords et les mélodies, même si ça m'est arrivé de proposer des idées de thème ou de texte.

Pour le clip de "Gimme Your Love", le premier single, vous avez aussi exploré un autre de vos talents artistiques...
Skye : C'est exact, j'ai confectionné deux robes pour la vidéo. La première qu'on voit, celle qui est très ample, est de la main d'un styliste au talent dingue. On a voulu créer un univers très floral et féminin, en accord avec la vision de notre metteur en scène, qui était une femme. J'ai commencé au London College of Fashion. J'y ai étudié quelques années et à l'origine, je me destinais à une carrière de styliste. Même si je suis passée à autre chose, je continue d'aimer ça. J'aime porter mes propres créations, surtout en tournée. J'ai d'ailleurs confectionné une nouvelle collection pour le "Head Up High Tour".

Découvrez le clip "Gimme Your Love" de Morcheeba :



On est un groupe de reggae !
Ce qui frappe en écoutant le disque, c'est la multiplicité des genres abordés. Il y a cette vibe reggae sur "Make Believer", ces accents hip-hop sur "To Be"... C'était un moyen de surprendre votre public ?
Skye : Ce n'est pas quelque chose de nouveau, c'est un parti pris que nous avions déjà expérimenté auparavant. Sur l'album "Big Calm", il y a par exemple le morceau "Friction", qui sonnait très Jamaïque.
Ross : La vérité, c'est qu'on a dupé le monde pendant 15 ans : au fond, on est un groupe de reggae ! (sourire) Et parfois, c'est cette double personnalité qui se réveille, qui envahit le pays de Morcheeba et renverse le régime dictatorial en place.

Pour cet album, vous avez fait appel à plusieurs collaborateurs, dont James Petralli, le leader du groupe indie rock White Denim, qui pose sa voix sur trois morceaux...
Ross : Oui, c'est un chanteur fantastique et un excellent joueur de guitare, ce qui n'enlève rien à son charme. Je l'ai rencontré à un concert, à Los Angeles, dans une petite salle appelée Spaceland. Avec son groupe, il a fait grimper la température, c'était vraiment incroyable. Donc après la fin du show, je suis allé le voir en coulisses et je lui ai demandé, de but en blanc  : « Tu aimerais chanter sur notre prochain album ? ». Il m'a répondu « Oui », et je lui ai dit « Cool ». Et voilà, c'était lancé. Je lui ai fait parvenir par email quelques mélodies, et en retour, il nous a envoyé des idées de texte et des partitions vocales enregistrées dans son studio maison à Austin, au Texas. Il nous a suffi d'ajouter des effets par dessus, d'y mêler la voix de Skye, et le tour était joué. Du coup, on a l'impression qu'ils chantent un vrai duo sur "Finally Found You" mais la vérité, c'est qu'ils étaient dans deux pays différents, à des milliers de kilomètres. (sourire)

La piste "Under the Ice" est très dépouillée, presque acoustique. Pourquoi ce choix ?
Skye : On a commencé avec le charango, les percussions tribales, la guitare sèche, et puis ma voix, qui prend ici un reflet très spectral. Ross a eu ensuite l'idée d'y inclure ce beat si particulier, qui était à la base destiné à une autre chanson. On ne s'y attendait pas vraiment mais l'alchimie a fonctionné à merveille, entre ce tempo rapide et ce souffle mélodramatique. Je suis très fière de ce titre. Le mélange me plaît beaucoup.

Un autre groupe de trip-hop, Portishead, s'est récemment écharpé avec le chanteur R&B The Weeknd, à propos d'un sample non autorisé sur un de ses morceaux. Ce genre d'incident vous est-il déjà arrivé ?
Ross : Non, pour la simple et bonne raison qu'à notre connaissance, personne n'a jamais samplé une de nos compositions ! Mais si l'occasion se présentait, nous serions probablement d'accord. C'est plutôt gratifiant.
Skye : C'est curieux cette histoire, parce que Portishead a beaucoup mis en pratique ce procédé aussi, notamment sur "Glory Box", qui est à la base un morceau d'Isaac Hayes.
Ross : La chanson de The Weeknd était bonne, au moins ?
Skye : Je ne connais pas beaucoup, mais il a une voix très particulière, et puis cette vibe R&B très aérienne... Il est intriguant.

Le cinéma est une façon totalement différente d'aborder la musique
Composer pour le cinéma, vous y pensez ?
Ross : Je me suis déjà frotté à ça, pour les besoins du film "The Girlfriend Experience" de Steven Soderbergh. C'était vraiment... bizarre.

Pourquoi ?
Ross : C'est une façon totalement différente d'aborder la musique. (Il réfléchit) Au cinéma, elle n'existe pas dans son individualité, elle doit se calquer sur des images pour raconter une histoire, transmettre des émotions. Mais en même temps, j'ai adoré cette façon de travailler. J'ai toujours été friand de bandes originales, et celles-ci ont toujours eu une grande influence sur Morcheeba. Donc, à l'avenir, si l'occasion se présente, pourquoi pas ?

Vous serez ce soir sur la scène de l'Olympia. Impatient de retrouver votre public français ?
Ross : C'est toujours un plaisir de jouer en France. La plupart des pays sont horribles, mais la France... (grand sourire) Promis, je dis ça à chaque fois, y compris lorsqu'on est à l'étranger ! « On adore la France, c'est le meilleur pays au monde ». C'est la stricte vérité. (rires)

Y aura-t-il des surprises ?
Ross : Nous sommes encore en rodage sur cette tournée. On a fait quelques dates auparavant mais on tâtonne encore sur des petits détails, donc il n'y a pour le moment pas beaucoup de place à l’improvisation, ce qui est un peu... frustrant. Visuellement en revanche, nous avons concocté un vrai univers. Et puis, le public est toujours très cool à Paris. Comme on jouera beaucoup de chansons du nouvel album, ce sera sans doute une très bonne soirée.

Après toutes ces années d'aventure, quel sera votre prochain défi ?
Ross : (Long silence) Je ne sais pas...

Vous n'avez plus de rêves à accomplir ?
Skye : Mais on vit déjà un rêve ! (rires)
Ross : J'ai toujours voulu devenir un astronaute, pour ma part. Mais c'est un peu dangereux. Et je n'aime pas vraiment la sensation de voler.

Vous pourriez chanter dans l'espace, à l'instar de Lady Gaga...
Skye : Dans ce cas, j'espère que quelqu'un d'autre paiera le voyage parce que les tickets coûtent une fortune ! Ce doit être grisant, vraiment unique.

Un disque de reprises ? On a ce qu'il faut dans les cartons
Et musicalement, vous avez des envies ?
Ross : Oh, je voudrais apprendre à jouer de la guitare de la main gauche. Pour paraître plus arrogant !
Skye : Moi j'aimerais beaucoup enregistrer un album de country. L'autre jour, j'étais en train d'utiliser une application mobile, qui permet d'écouter des radios dans le monde entier, quand je suis tombé sur un groupe de bluegrass. Ils étaient en train de reprendre un titre de Coldplay... Mais maintenant que j'y repense, ça ne collait pas vraiment !

Pourquoi pas un album de reprises ?
Skye : J'ai déjà fait plusieurs covers par le passé comme "Call Me" de Blondie ou "A View to Kill" de Duran Duran. Il y a quelques temps, j'ai par exemple travaillé sur un album de reprises de Queens of the Stone Age. Avec Morcheeba, on a aussi fait nos propres versions de "Don't Let It Bring You Down" de Neil Young, "Where Do the Children Play" de Cat Stevens... On a suffisamment de stock dans les cartons pour faire un disque entier. C'est une idée !
Pour en savoir plus, visitez morcheeba.co.uk ou la page Facebook.
Ecoutez et/ou téléchargez la discographie de Morcheeba sur Pure Charts !

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