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MC Solaar en interview : "Attendre tout ce temps, ça m'a permis d'avoir du recul"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
MC Solaar est de retour. Il publiera vendredi "Géopoétique", dix ans après "Chapître 7". Pour Pure Charts, le rappeur se confie dans une première partie d'interview sur sa longue absence, la pression et pose son regard sur le rap français.
Crédits photo : Benjamin DECOIN
Absent depuis dix ans, MC Solaar reste une légende du rap français. L'attente autour de son nouvel album et de sa tournée à venir est palpable. Forcément, c'est impressionnant de se dire que l'on va pouvoir partager un moment avec lui. Pourtant, en rencontrant l'artiste, aucune barrière, aucune raison d'être impressionné. En toute simplicité, dans son monde mais connecté au réel, MC Solaar répond toujours avec le sourire, n'esquive aucune question.

Propos recueillis par Julien Gonçalves.

"Géopoétique"" sort 10 ans après ton précédent album. Pourquoi avoir attendu autant de temps ?
Au départ, je voulais faire une pause de trois-quatre ans jusqu'en 2011. Et puis je crois que je me suis laissé aller dans la vie de tous les jours. J'avais dit que je sortirais ça quand ce serait une année avec un "z". En 2016, j'ai accéléré pour tenir ma promesse… que je n'ai pas tenue puisqu'on est en 2017 ! (Rires)

J'avais peur de faire des choses datées
10 ans c'est long, surtout aujourd'hui dans l'industrie. Tu avais un peu d'appréhension ?
Oui, oui, il y avait un petit questionnement. J'avais peur de faire des choses... Je ne voulais pas faire de la musique de dix ans auparavant. Je me suis posé des questions. Il fallait faire des arrangements, des trucs actuels. Ça m'a ouvert le chakras et j'ai pu ensuite aller visiter différentes époques et différents styles. J'essaie généralement de faire de la musique qui n'entre pas dans la concurrence. Je suis entre chanson française, rap... Le slam c'est mon ton. Je suis entre tout ça. Est-ce que j’ai les bons sujets ? Attendre tout ce temps, ça m'a permis d'avoir du recul. J'ai quand même eu deux quinquennats d'attente quand même !

Tu as toujours été un artiste réservé alors qu'à une époque on t'a beaucoup vu dans la presse people, tu étais sur-médiatisé. C'est ça aussi qui t'a conforté dans l'idée de te mettre en retrait par la suite ?
Je suis quelqu'un de toujours discret. Je n'ai pas envie de montrer des médailles ou des trucs comme ça. Spontanément, je fais le retrait. Ce n'est pas une question de surexposition. Très régulièrement, j'aime bien me re-nourrir. Je l'ai fait très tôt, en 1993 déjà. Je me disais souvent : "Est-ce que je retourne faire des études ou je continue de faire de la musique ?". C'est bien de prendre du recul, de lire des livres, de voir les gens.

Et puis ce rythme avec la sortie d'un album, la promotion, la tournée, ça demande beaucoup d'investissement...
Oui... Les tournées, c'est ce qui prend le plus d'énergie et de temps mais ce sont elles qui donnent aussi le plus de plaisir.

Regardez le clip "Sonotone" de MC Solaar :



Ton retour était un secret bien gardé. Je t'avais approché aux Victoires de la Musique en début d'année, et tu avais esquivé. Il fallait absolument garder le secret ?
Ah mais je m'en rappelle ! Non mais il n'y avait pas d'information particulière. Si j'avais livré un mot... En plus, on avait bu une coupe de champagne. Ce serait sorti de nulle part. Je n'avais pas encore les titres. J'étais en plein dans le sous-marin.

Le rap français est très grand public
Le rap a beaucoup changé. Quel regard tu portes sur le rap aujourd'hui, toi qui a été l'un des premiers à faire le pont entre le rap et le grand public ?
Il est super diversifié, ce qui est très bien. C'est très très grand public. Tout le monde sait faire du rap. Il y a plusieurs genres : du rap dansant, pensant, avec des sonorités africaines... Ce sont des choses, pour lesquelles je ne me suis pas battu, mais j'ai toujours voulu que les gens ne se ressemblent pas. En 2017, on a un panel large où personne n'empiète sur l'autre.

On retrouve toutes ces influences d'ailleurs sur ton nouvel album...
Oui, j'ai cafouillé dans mes cahiers. Des morceaux africains j'en ai toujours fait, il y a un morceau jazz... J'ai la culture de différentes époques. Comme je ne veux pas faire une seule chose. Et puis, il y a peut-être des choses qui seront futuristes... (Sourire)

Les paroles s'en vont, les écrits restent
Est-ce que c'est lourd à porter parfois ton répertoire un peu sacré, avec des titres cultes comme "Caroline". Ça t'a mis une pression quand tu as écrit ce nouvel album ?
Non, ce n'est pas lourd car je me suis fixé les standards. Je ne voulais pas que ce soit "caricaturable". Quand j'avais 19-20 ans, je me suis dit : "On va faire les choses bien, des trucs un peu écrits et cohérents". Et puis comme ça, ça laisse de la place aux autres. Les paroles s'en vont, les écrits restent. Quand on le lit sans musique, ça a un sens. J'aime les excentricités spontanées, l'écriture automatique. Je me fixe un truc, je me bats contre moi-même... J'essaie d'avoir la moyenne, pour moi. (Sourire)

Tu écoutes quoi en rap français ?
J'écoute de tout même si je n'écoute pas beaucoup de musique... Mais j'écoute la radio comme ça je sais ce qu'il y a eu cette année. Soprano, exceptionnel. Sofiane, il a fait des belles choses. Vald, un jeune excentrique, il est malin, il propose un univers. PNL aussi... Tous les dérivés de la Sexion d'Assaut. Georgio qui écrit bien. Damso, Romeo Elvis, Caballero... Tout le monde fait du rap, l'essentiel est de trouver son chemin.

Dans "L'attrape nigaud", tu chantes "Maintenant pour être trop, je dois plutôt leur parler de pin-ups et d’alcool". On peut noter le jeu de mots avec la musique trap qui est très à la mode. C'est un rap que tu n'écoutes pas ?
Ah si j'en écoute ! Quand même... C'est l'histoire d'un jeune garçon qui a envie de changer de style pour ressembler à ce qui se fait à Atlanta. C'est une chanson sur le conformisme. La trap, je la connais, je l'aime bien. Le rap américain, c'est mon bain. Quelque soit l'évolution, j'aime.

Le rap ce n'est pas une compétition
Est-ce que tu es fier d'avoir ouvert la voie à de nombreux rappeurs ?
Je suis fier qu'ils aient tous leur liberté, qu'ils ne se ressemblent pas. A une période, tout le monde aimait se ressembler. Là, je vois de la liberté. Mais ce n'est pas moi, c'est Afrika Bambaataa, Dynasty, NTM, IAM...

Avec "Sonotone", tu te mets dans la peau d’un personnage un peu dépassé par le temps qui passe. Est-ce que tu as pu ressentir un décalage entre toi et la nouvelle génération ?
Non je ne me suis pas dit ça car je les croise les rappeurs, je vois qu'il y a une autre filiation. Je suis étonné qu'ils connaissent autant de choses. Ce sont des grands travailleurs. Je ne pense pas qu'il y ait de décalage, il y a souvent un phénomène d'osmose incroyable. Parfois, ils sont étonnés de voir que je comprends ce qu'ils ont voulu dire, faire, leurs influences. (Rires) Ils sentent aussi que je n'ai jamais regardé le rap comme une concurrence. Ce n'est pas une compétition, c'est une émulation.

Dans la deuxième partie de l'interview à paraître, MC Solaar évoquera les influences de ce nouvel album, ses retrouvailles avec Bambi Cruz, la nostalgie, son rapport à Serge Gainsbourg et son duo passé avec Missy Elliott.

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