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Lolo Zouaï en interview : "Il ne faut pas mettre trop de pression sur le premier album"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
Lolo Zouaï sort son premier album "High Highs to Low Lows". Artiste française ayant grandi aux Etats-Unis, elle se confie avec naturel et recul sur son parcours mais aussi Amel Bent, ses désillusions dans l'industrie, sa collaboration avec Blood Orange et ses rêves. Interview !
Crédits photo : grantspanier
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Comment tu as débuté la musique ?
Quand j'avais 6 ans, j'ai écrit ma première chanson. C'était cute. Après, j'ai chanté dans la chorale de mon école, au collège. On a des talent shows. Au lycée aussi, et c'est là que j'ai commencé à apprendre la guitare. Avant je jouais du piano, de la trompette aussi ! (Rires) J'étais pas hyper forte mais c'était cool, j'aimais ça. Au lycée, j'ai commencé à écrire des chansons que je chantais durant ces concours. La première fois, j'ai gagné. Tout ça, c'est sur YouTube... J'ai gagné 100 dollars. (Elle crie) C'était beaucoup ! L'année d'après, j'ai chanté une chanson déprimante, c'était bizarre, les gens se disaient : "Mais elle va bien ?" (Rires) J'ai pas gagné mais ma meilleure amie était en larmes, elle me disait que c'était magnifique.

On a vraiment trouvé mon style
Et après ?
Je n'avais pas envie d'aller à l'université, mais j'y suis allée quand même. C'était à Nashville. Je n'ai fait qu'un semestre ! C'était des cours d'écriture de chansons. Je n'ai pas vraiment eu le temps d'apprendre. J'ai aussi pris des cours de music business, c'était dur et mon prof était nul ! Alors j'ai arrêté. Je suis retournée à San Francisco, j'ai travaillé chez American Apparel pour acheter un ordinateur et un micro pour faire de la prod. Je ne sortais rien. Je suis allée à Paris six mois, j'ai encore bossé chez American Apparel dans le Marais, on a fait quelques chansons avec un producteur mais ça ne marchait pas pour moi. Je n'avais pas d'argent, je ne pouvais pas manger, j'habitais dans une chambre de bonne, c'était très dur.

Et tout a commencé pour toi à New York...
Oui, ma mère a été mutée là-bas un mois après. J'ai commencé à écrire pour les autres, avec H.E.R. Je passais beaucoup de temps en studio mais je n'étais pas prête. J'ai rencontré Stelios et on a vraiment trouvé mon style.

Tu as toujours été fan de R&B ?
Oui ! Je savais que je ferais ça mais plus pop, j'ai envie de chanter dans le monde entier, donc je savais que ce serait un mélange de pop et de R&B. Comme Ariana Grande, c'est influencé par le R&B. Mais c'était en moi déjà. Même l'influence raï que j'ai en moi avec mes origines, c'est un peu du R&B quelque part.

Regardez le clip de Lolo Zouaï, "High Highs to Low Lows" :



Tu as vécu principalement aux Etats-Unis mais tu écoutais un peu de R&B français à l'époque ?
J'adorais Amel Bent. Je l'aimais beaucoup, c'était ma préférée. Je ne sais pas si ça a une image cool ici... (Elle chantonne "Ma philosophie" en levant le poing) C'était bon ! Après, en réécoutant, c'était quasiment copié sur une chanson américaine. Mais c'est pour ça que j'aime bien aussi. Je ne connaissais pas grand-chose, et le peu que j'écoutais, je n'aimais pas trop. Je me souviens qu'il y avait Shy'm aussi...

Avec le streaming, ce n'est plus la radio qui contrôle tout
Comment tu expliques le grand retour du R&B après de longues années difficiles ?
Avec le streaming, ce n'est plus la radio qui contrôle tout, ce sont les jeunes. Et les genres les plus écoutés sont le R&B et le rap. C'est quand même plus personnel que la pop avec dix auteurs derrière. Tu es là : "Ok...".

Tu ne veux pas faire ça ?
Jamais ! Sauf si je fais un sample alors forcément il y aura du monde aux crédits. Parfois, ça peut porter à confusion. Je dois être dans la salle. En ce moment, je ne suis qu'avec Stelios. Une troisième personne pourquoi pas. Mais pas une armée !

De grandes popstars font appel à plusieurs auteurs lors de camps d'écriture et sélectionnent des parties ici et là pour créer une chanson. C'est assez hallucinant comme procédé...
La vie d'auteur de chanson à Los Angeles, c'est un peu triste. Je l'ai fait pendant deux semaines. Je n'en pouvais plus. Tu passes des heures et des heures à écrire des chansons qui n'ont pas de coeur et après tu espères que ça aille à Rihanna ou à quelqu'un d'autre, même de moins connu. Ce n'est pas stable, c'est dur, et je respecte ça. Mais ce n'est pas artistique. C'est pour ça que les paroles ne sont jamais personnelles. Ça peut faire de bonnes chansons mais bon ça n'a pas d'âme.

Avec les gros producteurs, tu ne sers à rien
C'est vrai que tu as refusé un gros contrat avec un label américain quand tu débutais ?
Oui, mais ce n'était pas un gros contrat. C'est un contrat générique, le minimum. J'en ai refusé oui parce que je n'étais pas prête. A Los Angeles, j'ai failli avoir un contrat. Tu sais il y a des gens qui bossent en A&R (division pour la découverte de nouveaux talents, ndlr). J'ai fait plein de sessions avec des gros producteurs, qui ont fait des titres pour Ariana Grande et tout ça, ils essayaient de trouver mon style. Ils ne demandent même pas si tu aimes... Tu t'assoies et tu es là, tu ne sers à rien. Je suis rentrée et j'ai choisi de ne pas continuer, sinon j'allais détester ma vie.

Mais tu aurais pu réussir ainsi...
Je n'aurais pas réussi ! Ce n'est pas ce que je voulais faire et les gens auraient vu que ce n'était pas authentique. Avoir un contrat, c'était un aboutissement de 5 ans de ma vie, mais j'ai dit à l'agent que je ne pouvais pas. Elle était furieuse, elle l'a pris personnellement, elle m'a bloquée partout. J'étais contente finalement de ne pas avoir travaillé avec elle ! (Sourire)

Il faut du courage pour refuser un contrat pareil...
Mais oui, c'est pour ça, c'était dur. J'ai changé ma vie pour ça.

Ça montrait en tout cas qu'on s'intéressait à toi, que tu avais un potentiel...
Oui mais parce que je chantais bien et que j'étais "mignonne". Mais ils ne comprenaient pas mon histoire. Je ne savais pas ce que je voulais dire. J'étais jeune. J'étais un peu perdue. Quand j'étais en France, je devais aller en Algérie, mais c'était tout un truc, je ne pouvais finalement pas y aller... J'avais beaucoup de stress, j'étais triste. J'ai écrit "Desert Rose", et ça m'a motivée à me dire : "Je dois raconter mon histoire". Je suis revenue, j'ai vu Stelios, on ne se connaissait pas trop mais on a fait "High Highs to Low Lows", et j'ai su que c'était la bonne personne.

Regardez le clip "Ride" de Lolo Zouaï :



Tu as multiplié les boulots alimentaires. Aujourd'hui, tu vis de ta musique. Tu as cru à un moment que ça ne marcherait jamais ?
Non. Je savais que ça marcherait, mais je ne savais pas comment. Et j'avais tellement peur de faire des concerts... Donc je me disais que ce serait une barrière. Une fois, je devais chanter pour un label, j'ai craqué, je ne pouvais pas, je tremblais. Après ça, je me suis dit : "Tu es nulle, tu n'y arriveras jamais. Peut-être que tu n'es pas faite pour toi". Mais j'ai compris que mon corps me disait que je n'étais pas au bon endroit, à faire les bonnes choses.

C'est l'album pour la découverte
Tout a commencé pour toi avec "High Highs to Low Lows", qui donne son nom à l'album. C'est tout un symbole pour toi...
Oui... Je trouve que "High Highs to Low Lows" n'a pas encore eu le succès qu'elle doit avoir. Elle symbolise moi comme artiste. J'ai envie de boucler la boucle.

Il y a eu un gros intérêt des sites, comme sur Pure Charts, et des internautes sur ta musique après les sons dévoilés depuis deux ans. Tu as ressenti la pression pour l'album ?
J'aurais senti ça si je n'avais pas bien préparé tout ça. Je savais que j'avais un album en cours, j'ai été patiente. Il y a eu pas mal d'années entre mes débuts et le disque, donc j'étais surtout impatiente. Let's goooo ! D'ailleurs, merci pour le soutien !

Mon père ne m'a pas élevée, et ça a vraiment changé ma vie
Je t'en prie. Au moins, on avait vu juste ! Cet album pour toi, c'est un aboutissement ?
Je vois plutôt cet album comme une introduction sur ce que je suis en tant qu'artiste. C'est l'album pour la découverte. Tout le monde a un premier album, c'est important. Comme SZA qui avait fait un album avant qu'elle explose. Même Rosalia. Ça sert à ça aussi. Il ne faut pas mettre trop de pression sur le premier album. Je pense que le deuxième sera encore plus fort, avec plus de pression. (Rires)

On dit souvent qu'on fait pas mal de concessions au début. Ce premier album, il ressemble à ce que tu voulais au départ ?
Exactement ! Je parle de mon père, ma famille, il y a des trucs sexy aussi, des trucs tristes, un peu de dépression. C'est un peu tout ça. Tu sais, mon père ne m'a pas élevée, et ça a vraiment changé ma vie. Je n'ai pas envie de cacher des trucs comme ça. Je veux leur montrer que c'est pour ça que je ne tombe pas amoureuse. C'est ce que je dis sur les autres chansons. C'est lié.

Où sont passés tes titres géniaux "Challenge", "For the Crowd", "Jade" ou "Lose Myself" ? Ils ne sont pas sur l'album...
Parce que j'ai fait d'autres chansons. Je voulais que l'album ne soit pas trop long. Et "Jade" et "Lose Myself", je les adore, mais elles n'allaient pas avec le reste, je trouve. "Challenge" aurait pu être sur l'album mais je préfère "Caffeine". Pareil pour "For the Crowd", il y a "Here to Stay". C'est comme si je les avait faites en mieux.

Regardez le clip "Lose Myself" de Lolo Zouaï :



Dans "Lose Myself", tu parles de se perdre dans l'industrie. Tu as peur de ça ?
Parfois, j'ai peur. Mais je ne me vois pas devenir une autre personne, je resterai moi-même. C'est surtout les gens autour de toi qui te disent que c'est génial, que tu es extraordinaire. Après, je suis entourée de ma mère, de mon manager, mes meilleurs amis. Ils ne me laisseront pas devenir une bitch.

J'ai peur de perdre ma passion
Justement, dans un communiqué, tu dis : "Il est facile de se sentir blasé et de perdre la passion qui vous a donné envie de commencer". C'est quelque chose qui te préoccupe ?
Oui, et c'est pour ça que "Challenge" et "For the Crowd", elles sont nées à un moment où je m'en foutais un peu. Et je ne veux pas ressentir ça. J'adore ces chansons mais j'ai eu peur à un moment que j'allais détester toutes mes chansons si je ressentais ça. J'ai peur de perdre ma passion. En psychologie, j'ai appris que quand tu commences à gagner ta vie pour quelque chose qui est une passion, tu peux arrêter d'aimer ça. Je n'ai pas envie de perdre ça. Mais bon, je prendrai le temps de partir trois mois sur une île pour faire un album et retrouver ça.

Tu as travaillé avec Blood Orange. Tu vas faire d'autres collaborations avec lui ?
J'espère ! J'étais super heureuse. Il habite à New York, on essaie de faire d'autres choses.

Ma voix je la trouve meilleure en français
Tu aimerais collaborer avec qui ?
Avec The Weeknd, ce serait génial. J'aimerais qu'il remixe "Desert Rose". Je n'arrête pas d'y penser. Mais je ne vais pas lui demander, je ne suis pas assez connue. (Rires) Après, je ne veux rien forcer, tout doit être naturel.

Tu mélanges français et anglais. "Beaucoup" est intégralement en français, elle sonne très rétro. C'est différent pour toi le français ?
Oui, ma voix je la trouve meilleure en français. C'est bizarre. Quand je parle en français, ma voix est plus mature. Ça vient d'un autre endroit. Je chante un peu plus comme une femme. (Rires) Les paroles, comme je ne parle pas à 100% français, ça devient vite très classique, romantique. Comme si c'était un enfant de dix ans qui écrivait. Mais je n'ai pas envie de dire des trucs que je ne dis pas comme "wesh". (Rires)

Tu produis aussi. C'est rare, il y a encore trop peu de femmes productrices. C'est aussi pour faire bouger les choses ?
Oui, c'est pour ça que j'ai fait "Lose Myself". J'avais déjà fait une chanson, "IDR". C'est très important pour moi. Il y a des femmes qui produisent mais elles n'ont pas encore d'attention ni de respect. Je suis productrice de l'album aussi. Moi, un de mes buts, c'est de faire des productions pour des rappeurs.

Quel est ton plus grand rêve ?
Je ne sais même pas ce qui est possible. Je sors mon premier album, c'était un rêve déjà. Avoir un appartement à moi, j'en loue un là, c'était aussi un rêve d'avoir un chez moi. J'aimerais avoir une longue carrière, aider ma maman, aider mon frère à aller à l'université. Sortir une marque de fringues, de rouges à lèvres... Et faire en sorte que le monde soit un meilleur endroit. Ah, et être numéro un aussi ! (Rires)

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