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Les Prêtres en interview : "On revient pour vous dire au revoir et merci"

Par Jonathan HAMARD | Rédacteur
Ils ont créé la surprise en 2010 avec leur premier album "Spiritus Dei". Trois clercs, épaulés par Mgr Di Falco, débarquaient chez les disquaires avec des reprises de chansons populaires, réécrites ou simplement réarrangées. Empreinte d'une certaine forme de spiritualité religieuse, ces chansons ont séduit le public français. Le deuxième album "Gloria", sorti un an plus tard, a lui aussi rencontré un grand succès. Charles Troesch, Jean-Michel Bardet et Joseph Dinh Nguyen, désormais marié, sont de retour cette semaine avec l'album "Amen", le troisième et denier.
Crédits photo : Renaud Corlouër
Propos recueillis par Jonathan Hamard.

Vos deux premiers albums sont sortis successivement en 2010 et 2011. Pourquoi avoir laissé s'écouler autant de temps entre ces deux disques et le nouveau, "Amen" ?
Mgr Di Falco : Tout simplement parce que nous avons décidé de faire une pause. Nous devons à la fois concilier toutes les contraintes de la sortie d'un album, des concerts et de tout ce que ça entraîne, et puis également de notre ministère. Comme c'était assez lourd pour nous, nous avons décidé de faire cette pause.

Pourquoi annoncer "Amen" comme étant votre dernier album ?
Mgr Di Falco : Parce que c'est la réalité (sourire) !
Charles Troesch : Nous n'avons pas vocation à faire de la chanson toute notre vie. Ce n'est pas notre but premier. Si on a fait ces disques, c'était pour aider des œuvres caritatives ou des associations. La musique, ce n'est pas notre gagne-pain, ni notre raison de vivre. Nous sommes avant tout des prêtres.

Vous êtes donc en mesure de confirmer qu'après cet album vous arrêtez la chanson ?
Mgr Di Falco : Rien n'est jamais sûr...
Le destin de Grégory Lemarchal est bouleversant

Vous ne craignez pas que cette annonce passe pour un coup marketing visant à booster les ventes de votre disque ?
Mgr Di Falco : Ce n'est pas du tout l'idée. Quand on a choisi ce titre, "Amen", c'était bien pour dire que c'est notre dernier album. C'est notre dernière tournée. On revient pour vous dire au revoir et merci.

Qu'est-ce que cet album a de différent ? Comment arrivez-vous à vous renouveler ?
Charles Troesch : Je ne sais pas si c'est différent. Ça s'inscrit dans une continuité. Ce sont un peu les mêmes thèmes qui sont repris. Dans les paroles, on retrouve des thèmes très universels. On parle d'amour et de paix.
Jean-Michel Bardet : Avec une spécificité quand même. Le fait qu'il y ait une chanson qui a été écrite par l'un de nous. Par Joseph en l’occurrence. Et puis il y a aussi cette chanson d'Yves Duteil, qu'il nous a permis de reprendre.

Comment travaillez-vous sur un album ? Tout se fait de manière collégiale ? C'est Mgr Di Falco qui a le dernier mot ?
Mgr Di Falco : En fait, au moment de choisir les titres, chacun suggère ce qu'il aime. C'est une phase qui se fait conjointement avec TF1, le producteur. Ils nous proposent également des titres. Ensuite, on prend le temps qu'il faut pour se mettre tous d'accord sur le choix final. Mais c'est vraiment la participation de nous quatre.

Est-ce qu'il y a un ou plusieurs titres qui vous ont particulièrement touchés pendant l'enregistrement de cet album ?
Joseph Dinh Nguyen : Moi, c'est "La chanson des justes" d'Yves Duteil. Chaque fois que je l'entends, ça me met en émoi. C'est beaucoup d'émotion. C'est très fort.
Charles Troesch : Pour moi, elles sont toutes porteuses. J'ai beaucoup été marqué par la chanson "Écris l'histoire" de Grégory Lemarchal. Le fait qu'il soit mort, ça prend une toute autre dimension. J'aurais quasiment le même âge que lui s'il était encore en vie. On avait juste quelques mois d'écart. C'est un peu un hommage aussi.
Jean-Michel Bardet : C'est vrai que ce n'est pas un chanteur que je connaissais très bien. Moi aussi j'ai trouvé que c'était une belle chanson.
Charles Troesch : Je trouve que son destin est bouleversant. Voir quelqu'un qui a beaucoup marqué une génération mourir d'une maladie qu'on n'arrive toujours pas à guérir aujourd'hui, c'est tragique. C'était un vrai chanteur.

Vous, Mgr Di Falco, quel a été votre rôle sur ce projet ?
Mgr Di Falco : J'ai écrit quelques textes sur des musiques classiques notamment. J'ai aussi un texte lu, qui est sur l'album.

Des hommes et de femmes aspirent à ce qu'on leur apporte quelque chose de spirituel
Vous aviez déjà lu un texte l'année dernière pour l'album "Thérèse, Vivre d'amour"... Qu'avez vous pensé de ce projet, vous, Joseph, Charles et Jean-Michel ?
Charles Troesch : Je trouve que c'est une idée très originale. D'autant plus que c'est réussi. C'est vraiment beau.
Mgr Di Falco : Grâce à la musique de Grégoire, on a pu faire découvrir des textes à un grand nombre de gens. L'accueil très positif du public montre, que, pour beaucoup de personnes, c'était une découverte. Mais aussi que le travail accompli sur cet album a été compris.

Comment expliquez-vous le succès de vos albums et de celui de Thérèse ?
Mgr Di Falco : Pour dire les choses de manière désagréable, je dirais que ça montre l'ignorance d'un certain nombre de ceux qui ont la parole publique, au sujet de l'attente des gens. Ça veut dire qu'il y a un certain nombre d'hommes et de femmes qui aspirent à ce qu'on leur apporte quelque chose de spirituel. Au sens large du terme ! Pas nécessairement au sens religieux du terme. Je parle de la dimension spirituelle qui habite chaque être humain. La surprise de ceux qui voient le succès de ces albums-là montre bien qu'ils ne connaissent pas le public auquel ils sont censés s'adresser.

Pensez-vous incarner une image plus moderne de la religion catholique en France ?
Mgr Di Falco : Je ne pense pas qu'il faille parler en termes de modernité. Nous sommes devant vous habillés de manière classique. Notre manière d'être nous permet quand même d'être identifiés rapidement comme des prêtres. Mais je crois simplement que ça fait tomber un certain nombre de clichés et d'idées reçues. Pour beaucoup de gens, nous sommes du matin au soir enfermés dans une église, à genoux, en train de prier.

Nous apporterons l'album et le DVD au pape
Ces albums-là peuvent-ils, d'une certaine manière, et même si ce n'est pas leur but premier, être présentés comme une réponse à ces clichés ?
Mgr Di Falco : Vous avez raison de dire que ce n'est pas le but premier. Mais, effectivement, ça peut aller dans ce sens. Et tant mieux j'ai envie de dire (sourire) !

Crédits photo : Renaud Corlouër
Pendant un temps, il a été question d'intégrer les Petits Chanteurs à la Croix de Bois sur cet album. Finalement, ça ne s'est pas fait. Pour quelles raisons ?
Mgr Di Falco : Parce que la situation dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui, qui est très périlleuse, a fait qu'il n'était pas possible pour TF1 de signer un contrat avec eux. Ils sont quand même en liquidation judiciaire. Vous comprenez bien que c'est difficile.

L'an dernier, Natasha St-Pier et Anggun sont allées présenter l'album "Thérèse" au pape François. Est-ce que vous aussi vous irez chanter à votre tour devant lui ?
Mgr Di Falco : Il en avait été question il y a quelques mois, du temps de Benoît XVI. Pas seulement avec nous. Ils avaient envisagé d'organiser un concert avec Les Prêtres irlandais, germaniques et italiens pour son anniversaire. Mais le pape a donné sa démission. Ça ne s'est pas fait finalement. Mais il n'est pas exclu que ça se fasse avec le nouveau pape. En tout cas, nous lui apporterons l'album et le DVD.

Chaque chrétien est prêtre à sa manière
Il y a donc un DVD en préparation...
Mgr Di Falco : Je l'espère (sourire) ! En général, il y a une captation qui se fait. Mais je ne peux pas l'annoncer. Ce n'est pas moi qui décide (sourire). Je serais étonné qu'il n'y en ait pas un.

Pour vous, Joseph, il y a eu beaucoup de changements ces dernières années. Vous êtes à présent mariés. Comment expliquez-vous ce revirement ?
Joseph Dinh Nguyen : Oui. C'est même un événement majeur de ma vie. Aujourd'hui, j'ai la joie d'assurer la vie de mon épouse et de mon enfant. Ça me comble de bonheur. Mais, et je pense que c'est aussi le sens de votre question, pour les autres, ça ne change pas grand chose. Je travaille toujours au lycée de Gap. Je continuerai d'y enseigner. Sauf s'ils décident de me virer (sourire).

La question de votre intégrité au sein du groupe ne s'est posée à aucun moment ?
Mgr Di Falco : La question ne s'est pas posée, et ce pour plusieurs raisons. Quand on a su que Joseph ne retournerait pas au séminaire, on a reçu beaucoup de messages de personnes qui lui demandaient de ne surtout pas quitter le groupe. Pour le public, même s'il n'est pas prêtre, il fait partie du groupe. Lui souhaitait continuer. Nous, nous voulions qu'il reste dans le groupe. Le choix s'est donc fait de manière unanime.
Charles Troesch : D'autant qu'il n'a jamais été prêtre...
Mgr Di Falco : Si vous avez un peu étudié la théologie, vous avez dû apprendre que chaque chrétien est prêtre à sa manière. Ce n'est donc pas une usurpation de dire que dans le groupe des Prêtres il y a un laïc.

J'ai envie de rebondir sur ce terme "usurpation". Des Prêtres qui débarquent au milieu du marché de la musique, je ne crois pas que ça se fasse naturellement. Comment avez-vous été perçus ?
Mgr Di Falco : Il y a deux temps. Je parlais tout à l'heure des clichés. Je pense que, dans un premier temps, pour des personnes qui n'avaient jamais eu l'occasion de côtoyer un prêtre, il a fallu faire tomber les préjugés. C'est passé par un travail commun. Et ensuite, ils ont compris qu'un prêtre est fait dans la même pâte, dans le même bois qu'un autre être humain. Avec ses joies et ses faiblesses ! Nous ne sommes pas des gens à part. On est bien avec les autres, pour les autres. Je me souviens très bien d'un moment, lors d'une tournée. En attendant que le concert débute, je discutais avec un technicien qui s'occupait des barrières. Il m'a dit à la fin de la conversation : « Jamais je n'aurais imaginé pouvoir un jour parler comme je viens de le faire avec un évêque ». Le fait de se rencontrer, de se découvrir, nous rapproche.

Il vaut mieux que les jeunes fassent des ascensions plutôt que brûler des voitures
Et à l'inverse, comment avez-vous perçu cette industrie du disque à laquelle vous étiez étrangers ?
Mgr Di Falco : J'ai pu constater un grand professionnalisme. Je reproche parfois à mes responsables d'église de ne pas se donner le même mal pour exercer notre profession, qu'on s'en donne dans d'autres domaines. C'est à dire, avoir le souci, en permanence, de la perfection. On n'improvise pas, on travaille. C'est le moyen pour nous d'exploiter ce professionnalisme, du premier temps où on a l'idée de faire un album, jusqu'aux concerts.

Un professionnalisme mis au profit d'ATD Quart Monde...
Mgr Di Falco : C'est une association qui a été créée par un prêtre, à l'époque où il y avait encore des bidonvilles dans la région parisienne. Il venait en aide à ces gens-là. Aujourd'hui, c'est une association qui vient en aide à des personnes qui sont en situation de détresse. Un des diacres de notre diocèse, a créé, avec cette association ATD, une autre association, pour permettre à des jeunes de banlieue qui n'ont jamais eu l'occasion d'en sortir, d'aller faire des ascensions. Ce ne sont pas des petites ballades en forêt. Ce sont de vraies ascensions avec des guides de haute montagne pour leur faire découvrir la joie d'arriver à relever un défi. Il vaut mieux que les jeunes fassent ça plutôt que d'aller brûler des voitures dans les banlieues.
Pour en savoir plus sur Les Prêtres, visitez universalmusic.fr et leur page Facebook
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