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Kim Petras en interview : "Je suis transgenre, je fais de la pop, et alors ?"

Par Julien GONCALVES | Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
De passage à Paris pour un concert explosif, la jeune popstar Kim Petras a répondu aux questions de Pure Charts. Elle se confie sur son enfance bercée par la haine, sa transition, son parcours, la polémique Dr. Luke, son statut d'icône LGBT, son amour pour Paris ou encore l'évolution des mentalités.
Crédits photo : Byron Spencer
Propos recueillis par Julien Gonçalves.

Quel est le premier souvenir que tu as de la musique ?
Probablement quand je regardais les films Disney et que je chantais les chansons. J'adorais les Disney ! Avec mes deux grandes soeurs, on adorait chanter. S'harmoniser, c'est ce qu'on préférait, je prenais la plus haute harmonie et on chantait. On se battait pour savoir qui allait chanter quelle harmonie, évidemment ! (Rires)

Quelle était ta chanson préférée ?
Probablement, "Partir là-bas" de "La petite sirène". J'adorais vraiment "La petite sirène" quand j'étais petite. Cette histoire m'obsédait ! Et j'étais dingue de "Mulan" aussi.

Je ne savais pas comment on devenait une popstar
La musique était très présente chez toi ?
Ma mère est prof de danse mais elle adore chanter du jazz à la maison. Elle adore la musique, il y en avait tout le temps. Du Billie Holiday, Frank Sinatra, Marilyn Monroe, les chansons du musical "Chicago". Elle adore le jazz old school donc j'écoutais beaucoup ça. Mon père, c'était plus les années 80, de la funk. Des trucs comme New Order, Baltimora...

Quand t'es-tu rendue compte que tu aimais chanter ?
Très tôt. J'ai toujours chanté fort, avec ma brosse à cheveux. Un vrai cliché ! Je ne sais pas pourquoi, c'était comme ça. Je n'ai jamais pris de cours de chant jusqu'à il y a un an. J'étais un peu obligée car je m'abîmais la voix à force, parce que je n'avais aucune technique. Je ne savais pas ce qu'était la technique ! Je me souviens qu'à 12 ans, j'ai commencé à écrire mes premières chansons dans ma chambre avec mon Mac Book sur lequel j'inventais des beats.

Tu voulais déjà devenir une popstar ?
Oui, bien sûr. Je voulais devenir une artiste. Mais je ne savais pas comment on devenait une popstar... Il me fallait des chansons donc je me suis mise à en écrire, car je savais que personne ne m'écrirait de chansons ! Je me suis un peu documentée, j'étais dingue des productions de Max Martin, Dr. Luke... J'étais fascinée par les auteurs comme les Bee Gees, ABBA... J'essayais de comprendre à tout prix la "recette" de mes chansons préférées, comment elles étaient construites, ce qui les rendait si accrocheuses. Donc mon adolescence, c'était ça : écouter des chansons, lire des interviews, écrire mes chansons.

Regardez le clip "Heart to Break" de Kim Petras :



Et ensuite, quel a été le cheminement ?
J'ai pu composer un jingle pour de la lessive en Allemagne, et c'était génial ! (Rires) J'ai économisé et je suis partie à Los Angeles, j'ai posté quelques productions sur YouTube et des forums. On m'envoyait des prods électro et j'écrivais par-dessus. Je connaissais 2-3 personnes, mon cercle s'est élargi, et j'ai passé 4-5 ans à écrire pour d'autres. J'ai du écrire une centaine de chansons... Ça m'a appris à devenir une meilleure auteure. Fergie a choisi une de mes chansons pour l'enregistrer, mais elle n'est jamais sortie. Grâce à ça, j'ai eu un contrat et j'ai eu de l'argent pour faire mon propre album. Après la tournée des labels, j'ai finalement créé le mien. J'ai joué dans à peu près tous les clubs gays aux Etats-Unis, je me suis construite une communauté de fans, et me voilà ! (Rires)

Je me suis créée un personnage pour m'échapper de la réalité
Tu as entrepris une transition pour devenir femme lorsque tu étais très jeune. C'était facile de se dire qu'il était possible de devenir une popstar en grandissant sans modèle pour nous montrer le chemin ?
Je vois ce que tu veux dire. Je crois que les popstars féminines ont été mon modèle à ce moment-là. En rentrant de l'école, et je détestais vraiment l'école, je regardais les clips de Gwen Stefani ou de Britney Spears. Pour moi, elles étaient mes amies et elles me changeaient les idées, elles m'emmenaient loin de mes problèmes. Ça me permettait d'oublier tout ce qui était négatif autour de moi. C'est vrai que je n'avais pas de grande popstar trans pour m'identifier. Mais j'avais Amanda Lepore et j'étais très inspirée par RuPaul, et les drag queens en général. J'avais beaucoup d'amis gay donc je suis beaucoup sortie en clubs gay. J'ai l'impression d'avoir grandi et d'avoir été éduquée dans les clubs gay ! (Rires)

Ça t'a beaucoup aidée ?
Faire partie de cette communauté, ça m'a aidée, c'est certain. J'ai rencontré beaucoup de gens très ouverts d'esprit, qui aimaient autant la pop que moi. Ça m'a donné envie de faire la même chose pour d'autres personnes. De créer des chansons qui leur permettent d'oublier leur vie et les emmener dans un autre monde. C'est pour ça qu'au début, j'avais ce personnage très pétasse, genre "j'ai tout ce que je veux". Car je voulais que ma vie soit comme ça ! En réalité, je vivais avec cinq colocataires et je dormais au sol sur un futon. (Rires) C'était clairement un personnage. Mais ça m'a aidée à m'échapper de la réalité, à imaginer une autre vie.

Regardez le clip "I Don't Want It At All" :



Tu te sens une responsabilité d'être une sorte de porte-parole de la communauté LGBTQ+ ?
Je me sens honorée de pouvoir en être une. Je suis toujours très inspirée par la communauté LGBTQ, que ce soit des trans, des mecs gay... Par tout le monde en fait. C'est une communauté très inspirante, qui s'exprime. Je suis honorée quand les gens me disent que je leur donne de l'espoir et le courage d'être qui ils veulent, d'entreprendre une transition ou de partir de chez eux pour ne plus subir leurs parents qui les rejettent. Je suis fière de ça, qu'ils me choisissent pour ça.

Aujourd'hui, les barrières sont tombées
Tu fais partie d'une nouvelle génération d'artistes pop ouvertement queer. Tu as le sentiment que les mentalités évoluent réellement ?
Je crois oui. La principale raison pour laquelle le milieu musical a été si fermé, c'est que les labels disaient aux artistes de ne pas être qui ils sont publiquement parce qu'ils ne pourraient pas gagner d'argent, que ce ne serait pas bon pour le business. Aujourd'hui, à l'ère des réseaux sociaux, tu peux construire ta propre carrière sans avoir besoin de l'aval de ces mecs hétéros, en costume, qui ont plein d'argent pour financer tout ce qu'il te faut pour démarrer. Ça a changé les choses. Les barrières sont tombées. Regarde, Troye Sivan est ouvertement gay et il a fait une énorme tournée aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Il a une fanbase très impliquée. Je suis aussi très inspirée par Lizzo actuellement. Elle a fait son truc pendant tellement d'années, à être si incroyable, c'est indéniable, et ça explose enfin. Personne ne pouvait l'arrêter !

C'est vrai que ça fait du bien !
De ce point-là, on vit une époque très excitante. Des choses arrivent pour la première fois, que ce soit dans la musique, dans le cinéma ou ailleurs. Regarde, Teddy Quinlivan est le premier mannequin trans qui est égérie Chanel ! C'est une de mes amies, je suis tellement fière. Laverne Cox est une actrice incroyable. Une femme trans ne joue plus forcément un personnage trans aujourd'hui... Oui, ça change, les murs s'effondrent, et je suis contente d'être là pour vivre tout ça !

J'ai l'impression d'être encore en apprentissage
Tes premiers singles comme "Hills" étaient très pop, avec une influence très Katy Perry. Ensuite, ton EP "Turn Off the Light" était plus sombre, et ton album "Clarity" est plus tourné dans l'émotion. Comment tu analyses cette évolution ?
Au début, je ne pensais vraiment pas qu'on me trouverait intéressante donc je me suis bâtie ce personnage comme je te le disais. J'ai créé cette personne queer, qui a ultra confiance en elle, comme une version super-héros de moi-même. (Rires) C'est une fille avec qui j'aurais adoré traîner ! Je n'avais pas du tout confiance en moi, j'étais très timide. Émigrer de l'Allemagne à Los Angeles n'a pas été simple, j'avais un accent, je ne comprenais pas les codes au début. Mais je voulais être sur scène et incarner ce personnage. L'EP Halloween c'était un rêve, même si mon équipe n'était pas pour du tout.

Vraiment ?
Oui ! J'adore les films d'horreur, j'adore Halloween. On me disait : "Mais tu es sérieuse ? C'est n'importe quoi". Mais ça a bien marché en streaming, les gens ont passé les titres pendant des fêtes pour Halloween. Beaucoup de personnes m'ont découverte grâce à ce projet qui me tenait à coeur. Tout le monde était surpris. Il va y avoir un volume 2 en octobre, je viens de finir les voix. Pour "Clarity", j'étais en tournée avec Troye Sivan et j'ai eu le coeur brisé, j'ai été trompée. Ce genre de conneries arrive ! Je montais sur scène en étant très triste, donc je voulais des chansons qui traduisent ce sentiment. Je voulais être en phase avec mes fans. J'échange des SMS avec certains, on se donne des conseils et de la force, je les aime vraiment. Ce disque n'était pas évident à faire mais c'était comme une invitation à boire des verres ensemble et à parler des mecs en pleurant ! (Rires)

Ecoutez "Clarity" de Kim Petras :



J'ai lu que tu ne le considérais pas comme ton premier album.
Je ne l'appelle pas comme ça, car j'ai l'impression d'être encore en apprentissage. Mais c'est un album en réalité. J'ai simplement envie de sortir plein de choses différentes, peu importe comment on appelle ça, et de sortir un vrai premier album après. C'est important le premier album. J'ai plein d'idées sur ce que je veux faire mais ça demande beaucoup et je ne me sens pas encore prête.

Il y a beaucoup de cons dans cette industrie
Tu travailles avec de très célèbres producteurs comme Dr. Luke, à qui l'on doit des tubes pour Katy Perry ou Britney Spears. A 27 ans, quand on est en studio avec des hitmakers de cette renommée, c'est évident de s'imposer, d'imposer sa vision ? On sait que l'industrie musicale est très patriarcale...
Je ne pense pas que ce soit facile d'être une femme dans cette industrie. Il y a beaucoup de jugements sur les femmes, tu peux être vite cataloguée. Il y a beaucoup de cons dans cette industrie, de personnes peu recommandables. J'ai toujours écrit avec mon DJ qui est avec moi sur scène, depuis cinq ans maintenant. J'ai toujours des idées assez fortes quand je vais en studio. Avant, j'avais tendance à vouloir faire plaisir aux gens, à ne pas oser dire non. C'est très Allemand ça ! Maintenant, je n'ai aucun problème. Sur les chansons que j'ai sorties jusqu'ici, je n'ai jamais rien sacrifié.

As-tu déjà considéré de ne plus travailler avec Dr. Luke à cause de la controverse suite à l'affaire Kesha ?
C'est très difficile de répondre à ce sujet. Tout ça ne me concerne pas directement, c'est une histoire qui concerne d'abord deux personnes. C'est pourquoi je ne préfère pas m'impliquer là-dedans. J'ai appris la leçon en m'exprimant sur le sujet une fois, donc je ne veux plus parler de ça. J'ai l'impression que je me suis déjà exprimée là-dessus.

J'ai une peau assez épaisse pour encaisser toutes les critiques
Tu as 27 ans et tu me dis avoir une relation très forte avec tes fans. Parfois, en échangeant des textos avec eux. Comment tu gères la notoriété ?
Je connais mes fans depuis plusieurs années maintenant. Je les connais de Twitter, Instagram. Evidemment, je ne peux pas discuter avec tout le monde mais certains ont mon numéro oui. Comme ça, ils peuvent m'envoyer un message quand quelque chose d'important leur arrive, s'ils ont besoin de moi. Je leur souhaite leurs anniversaires, ils me félicitent sur certaines choses, s'ils rencontrent des problèmes à l'école, ils peuvent m'en parler... Ce sont mes amis. Ce groupe-là me ressemble beaucoup, on adore la pop. J'aime quand on m'arrête dans la rue pour me parler de ma musique ou que les gens me parlent de leur expérience. Ça m'a pris tellement de temps pour en arriver là, sans faire de concessions... J'ai eu tellement de contrats de merde, et des managers qui ont voulu entraver ma carrière. Tout a dû s'aligner pour que je puisse sortir ma musique, en étant indépendante. Je faisais de la musique pour moi, désormais j'en fais pour les autres, et surtout pour ce groupe que j'aime réellement. Je me sens beaucoup moins seule et incomprise depuis que j'ai mes fans. Ils comptent beaucoup pour moi.

Et les critiques en ligne, comment tu les vis ?
Je les lis ! Franchement, je crois avoir une peau assez épaisse pour encaisser toutes les critiques. Quand on dit de la merde sur moi, je m'en fous. Quand on critique ma musique, là, je me sens attaquée ! (Rires) Quand c'est personnel, je suis blindée. Tu sais, il y a eu un documentaire à la télévision sur ma transition quand j'avais 12 ans, on a reçu tellement de haine en retour, on a dit des choses horribles sur mes parents. Même les docteurs disaient que j'étais cinglée. En fait, toute mon enfance a été faite d'adultes me disant que je n'étais pas normale. Personne ne m'aimait à l'école, je n'avais pas d'amis, on me lançait de la nourriture à la cantine. J'ai dû apprendre à me sortir de ça, à avoir quelques amis finalement, à faire de la musique et à ne pas être invitée aux soirées mais m'en foutre ! (Rires) J'ai dû apprendre l'essentiel : être fière de moi, fidèle à ce que je suis, et ne pas tout faire pour qu'on m'aime à tout prix. Parfois, j'ai envie qu'on m'aime mais globalement, j'ai réussi à me détacher de ça. Et j'aime bien en réalité qu'on me haïsse, que je dérange. Je suis transgenre, je fais de la pop et alors ? Les gens que ça dérange, ils ne sont pas obligés de m'écouter.

Dans "Broken", tu chantes "Je suis à Paris, en Marc Jacobs, la vie est incroyable". Quel est ton lien avec Paris ?
(Elle sourit) J'adore être à Paris. J'y ai passé tous mes étés et même mes vacances de Noël quand j'étais petite car ma tante vivait ici. C'était magique pour moi ! C'est une ville qui m'inspire beaucoup. J'adorais aller avenue Montaigne et regarder les vitrines des magasins de luxe. Je me suis beaucoup intéressée à la mode française, Jean-Paul Gautier, Karl Lagerfeld... Je regardais toutes leurs collections. J'adorerais faire un album ici, ce serait génial ! J'aimerais vivre ici pendant au moins un an. Je me sens assez proche des Parisiens, j'aime leur attitude. Et la nourriture est incroyable. L'alcool aussi ! (Rires)

Ecoutez "Icy" de Kim Petras :

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