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samedi 09 septembre 2017 12:15
Indochine en interview : "On a pensé plusieurs fois à tout arrêter"
Par
Julien GONCALVES
| Rédacteur en chef
Enfant des années 80 et ex-collectionneur de CD 2 titres, il se passionne très tôt pour la musique, notamment la pop anglaise et la chanson française dont il est devenu un expert.
A l'occasion de la sortie de l'album "13" d'Indochine, Pure Charts a rencontré Nicola Sirkis et Oli de Sat pour une interview. Les deux membres racontent la genèse du disque, leur lien avec leurs fans, la grosse tête, le phénomène "J'ai demandé à la lune", et évoquent même leurs adieux. Rencontre !
Crédits photo : Hidiro
Propos recueillis par Julien Gonçalves. L'album "13" commence par ces mots : "Noir, le ciel est tout noir". C'est l'image que vous avez de l'état du monde ? Nicola Sirkis : Non, c'est plus simple que ça, c'est un astronaute qui se barre dans l'espace où le ciel est rarement bleu... On adore le monde dans lequel on vit. Il y a tellement de possibilités, cette modernité technologique et médicale, il y a moyen d'en faire quelque chose de magnifique. On aime beaucoup moins ce qu'en font beaucoup de gens. Avant on partait en sac à dos loin, en se disant qu'on va trouver mieux ailleurs. Aujourd'hui, les distances sont raccourcies, il n'y a plus beaucoup d'endroits où on peut être très bien. Il y a des conflits un peu partout... Ça devient plus complexe. L'album est très inspiré de ce qu'il se passe dans le monde. Vous avez toujours pris une certaine température sociale sur vos morceaux durant toute votre carrière... Nicola Sirkis : Oui, la première chanson d'Indochine c'était "Dizzidence Politik". On a toujours voulu faire un groupe de rock qui fasse danser les gens avec des paroles moins crétines que ce qu'on pouvait entendre dans les clubs. Je ne dirai pas de noms ! (Sourire) Là, ça continue un peu. C'est vrai que là c'est la première fois qu'on est au coeur de l'actualité, il y a un titre qui s'appelle "Trump le monde". On voulait faire notre meilleur album Il a été plus compliqué à faire cet album ?Nicola Sirkis : Oui, et pour plusieurs raisons. Déjà c'est le 13ème, et 13 albums pour un artiste, et qui plus est pour un groupe de rock, c'est quand même un exploit. Et ensuite car le monde a beaucoup changé entre le moment où on l'a commencé et on l'a terminé. Des changements dans le monde, de gouvernements, des événements chaotiques et violents. Ce qui fait que c'est difficile de donner un sens à notre action artistique à un moment donné. Et se réinventer ça a été aussi compliqué ? Nicola Sirkis : Non c'était pas difficile de se réinventer car ce qu'on a voulu faire c'est que ce 13ème album soit le meilleur d'entre tous. La barre, on l'a mise haut. Et vous pensez avoir réussi ? Oli de Sat : (Il fait exprès de minauder) Vu les commentaires de la presse, oui. (Rires) Déjà, si l'album est fini, c'est qu'on en est content. Après c'est vrai que les critiques sont plutôt dithyrambiques. Donc vous avez fait le meilleur album d'Indochine ? Nicola Sirkis : Nous, on ne le dira pas ! (Rires) Regardez le clip "La vie est belle" d'Indochine : Aujourd'hui, on le voit sur les radios ou sur les plateformes, les chansons sont de plus en plus courtes. Vous débarquez avec un album qui dure 1h30, avec 15 titres de 5-6 minutes comme le premier single "La vie est belle". C'est de la provocation ? Nicola Sirkis : Même pas ! On aurait bien aimé. Au départ, on voulait vraiment faire un album de 13 titres courts. Et en fait on en a écrit 50 longs. Et on en a conservé 15. On n'y est pas arrivé... Finalement, on a fait des petits opéras, avec de grandes intros, de grandes fins. Effectivement, c'est gonflé alors que les gens ont de moins en moins de temps d'écouter, que les radios raccourcissent... Mais c'est bien d'être à l'inverse aussi. Quoi qu'il arrive, ça vous démarque ! Nicola Sirkis : Ah ça c'est sûr ! (Rires) Oli de Sat : Tout le monde nous en parle donc oui ! Les radios font ce qu'elles veulent Votre maison de disques n'a pas fait la grimace en découvrant cet album hors norme ? Nicola Sirkis : Non, elle a plutôt été impressionnée. Comme les médias j'ai l'impression. Elle a été impressionnée par la force de cet album. Et que ça ne rentre pas dans les codes actuels, que ça puisse vous empêcher de passer en radio, ça ne vous fait pas peur ? Nicola Sirkis : Alors, nous y voilà... Oli de Sat : Même quand on fait des versions raccourcies de 4 minutes pour les radios, ils n'en passent que 2 minutes 30. Même quand on fait l'effort... Car c'est un sacrifice quelque part. Ils font ce qu'ils veulent... Il y a beaucoup de singles potentiels sur l'album. C'est un objectif pour vous de passer en radio ? Nicola Sirkis : Quand on fait un album, on ne pense ni aux radios ni au public. On ne pense qu'à nous, on est en immersion égoiste. Même quand vous allez chercher Renaud Rebillaud, à qui on doit les plus gros tubes de Maître Gims entre autres ? Nicola Sirkis : J'entendais ma fille qui écoutait Black M et je me disais : "Il y a quand même une écriture pop là-dedans". Je me suis renseigné et il vient d'un groupe punk du 13ème arrondissement. Je l'ai rencontré, on s'est super bien entendu. Je me suis dit que ce serait bien qu'on fasse une chanson ensemble. J'avais une mélodie que j'avais écrite un matin à Singapour dans un taxi et je lui ai demandé ce qu'il pouvait en faire. Sur le papier, on peut se dire qu'on a été le chercher pour avoir un tube, mais on l'aurait sorti en 1er single sinon... Je ne sais même pas si ce sera un single d'ailleurs. Il est extrêmement fort. Ecoutez "Station 13" d'Indochine : Dans "Station 13", l'un des meilleurs morceaux de l'album, vous chantez "Je me raccroche à qui ? Tous mes héros sont morts". Vous n'avez vraiment plus de héros aujourd'hui ? Nicola Sirkis : C'est une métaphore, une farce poétique. Ce qui m'a donné envie de faire de la musique c'est quand j'ai découvert David Bowie, je me suis dit : "Wow". Il se passait quelque chose, ça me parle. Aujourd'hui, je me mets à la place des jeunes... Il y a qui ? Je ne sais pas. Mais moi à mon âge, je ne me raccroche à plus personne. (Rires) On nous disait : "Groupe de drogués, groupe de pédés" Vous pensez être des héros pour votre public ?Nicola Sirkis : C'est pas à nous de le dire. Mais apparemment oui... Ce n'est pas une ambition ni un plan de carrière. On a cette chance-là que ce soit encore intègre et inné. Comment vous expliquez ce lien avec votre public ? Nicola Sirkis : Je ne sais pas, il faut leur demander. Je préfère ne pas me l'expliquer. Ils l'expliquent eux-mêmes en disant que ça n'explique pas et que ça se vit. "J'ai demandé à la lune" a tout fait basculer... Nicola Sirkis : Oui ! C'était un titre tellement fédérateur. Avant on était un groupe clivant, on disait : "Groupe de drogués, groupe de pédés". Un groupe de rock quoi ! Avec "J'ai demandé à la lune", les gens ont changé d'avis, et il y a eu d'autres titres aussi ensuite. Ecoutez "Kimono dans l'ambulance" : Quand on remplit des stades et qu'on vend 100.000 places de concert en un jour, on arrive à garder les pieds sur Terre ? Nicola Sirkis : Oui car on ne réfléchit pas à tout ça. Tout de suite, on se dit : "Où est-ce qu'on va mettre la scène ?", des choses comme ça. Ce qui fait qu'on ne pète pas trop les plombs. Mais c'est une pression quand même ! Oli de Sat : Pas une pression, mais c'est un moteur supplémentaire. Une exigence. On a la chance d'avoir un public très réceptif à ce qu'on propose. On est redevable, on veut être à la hauteur de leur demande. J'aurais pu avoir la grosse tête plus d'une fois Vous avez eu la grosse tête à un moment donné dans votre carrière ?Nicola Sirkis : Ce qui nous a vraiment sauvé... Moi j'aurais pu l'avoir plus d'une fois... C'est qu'on est jamais entouré d'une cour. On est exigent. Parfois, ça passe pour de la grosse tête, on passe pour des emmerdeurs, mais on est juste rigoureux. Parfois, c'est l'entourage qui pète les plombs, qui en fait des tonnes et qui fait dire : "Il ne veut pas ci il ne veut pas ça". Alors que l'artiste n'en veut pas tant. Mais c'est compliqué comme système. Les gens considèrent souvent la gentillesse comme de la faiblesse. Vous évoquez les attentats du Bataclan dans "Un été français". Vous ne pouviez pas ne pas en parler ? Nicola Sirkis : Non, ce n'était pas du tout une nécessité. D'ailleurs, c'est après coup qu'on a réalisé qu'il y a ce relationnel. Je l'ai écrite en plein flou électoral en mai 2017. Il y avait des situations de second tour un peu bizarres. Je me disais : "Si ça se trouve, il y aura un gouvernement d'extrême droite", et on sait ce que ça donne. J'ai fait une farce politique. Le rapport avec les attentats n'a rien à voir. Ce titre a été compliqué à écrire car on se disait : "Quel sens on peut donner à notre action artistique après ça ?". On n'a pas encore planifié nos adieux Vous allez faire une grande tournée dans des stades, vous pensez parfois à ce qu'il peut se passer ?Nicola Sirkis : Non, il y a des protocoles de sécurité qui sont très établis. On n'y pense pas du tout. On a fait un concert trois semaines après au Trianon... Maintenant, on est obligé de répondre à des demandes des préfectures de police locales pour ne faire pas patienter les gens. Les foules vont être fluidifiées. On va vivre avec ça. Dans "Un été français" vous chantez "Je voudrais bien une place au soleil mais ici tout le monde a encore besoin de moi". Vous avez déjà pensé à tout arrêter ? Nicola Sirkis : Ah oui, plusieurs fois. C'est une sorte de soupape de sécurité qu'on se donne quand la pression est trop forte. On a envie de respirer un petit peu... Je pense que tout le monde se dit ça, vous, nous... Et vous savez déjà quand est-ce que vous tirerez votre révérence ? Nicola Sirkis : On vit axé sur le futur. On sait que le futur se rétrécit pour nous ! (Rires) Mais on n'a pas encore planifié nos adieux. Vous allez fêter vos 40 ans de carrière en 2021. Vous avez déjà des idées ? Oli de Sat : Oui, mais on ne vous dira rien ! (Rires) C'est un disque taillé pour la scène. Vous n'êtes jamais lassé de chanter 'L'aventurier" d'ailleurs ? Nicola Sirkis : Ah non sinon je ne continuerai pas ! Je ne m'infligerai pas au bout de 40 ans. C'est un titre intemporel et un tel monument sur scène, ça donne des moments insensés. Comme "Troisième sexe" et d'autres. Oli de Sat : Sur scène, elles sont réarrangées. Comme quoi, quand les notes sont là, un petit coup de vernis et ça fonctionne encore. Si les chansons sont bonnes au départ, ce n'est pas le temps qui les use. Vous vous voyez où en "2033" ? Toujours sur scène ? Nicola Sirkis : Ce serait bien !
Plus d'infos sur leur site internet officiel d'Indochine et leur page Facebook.
Écoutez et/ou téléchargez le dernier album d'Indochine sur Pure Charts. Podcast
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