dimanche 21 octobre 2018 16:00
George Ezra en interview : "Aujourd'hui, je profite au maximum de mon succès"
Par
Théau BERTHELOT
| Journaliste
Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l'industrie musicale et de l'organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.
A l'occasion de sa venue à Paris, Pure Charts est parti à la rencontre de George Ezra. Malheureusement trop méconnu en France, le chanteur connaît un succès sans précédent dans son Angleterre natale. Rencontre avec un artiste humble, talentueux et bienveillant pour l'album "Staying at Tamara's".
Crédits photo : DR / Columbia Records
En France, George Ezra reste simplement l'homme derrière le tube "Budapest", sorti il y a quatre ans. Outre-Manche, c'est une superstar : à l'heure actuelle, son deuxième album "Staying at Tamara's" y est la deuxième meilleure vente de l'année avec plus de 400.000 copies écoulées. Cet été, le dansant et solaire "Shotgun" y a été désigné tube de l'été devant le mastodonte Drake et son "In My Feelings", tandis que tous ses concerts dans des arenas de 20.000 places ont affiché complets en quelques minutes. La France et le reste de l'Europe commencent à rattraper le retard et le deuxième album de George Ezra est en train de devenir un sleeper hit. Preuve de cet éveil soudain, le chanteur vient d'annoncer, après avoir rempli le Trianon ou la Cigale, un concert au Zénith de Paris le 9 mai 2019 ! A l'occasion de son passage à Paris pour un concert spécial RTL2 (aux côtés de Zazie, Christine and the Queens et Gaëtan Roussel), le chanteur nous a accordé un moment pour évoquer ce nouveau disque, son rapport humble et honnête face au succès qu'il rencontre ainsi que son admiration pour Sigrid ou Chris. Propos recueillis par Théau Berthelot. Comment as-tu abordé "Staying At Tamara's" après le succès de "Wanted on Voyage" ? Pour "Wanted on Voyage", j'ai traversé l'Europe de long en large. Je changeais d'endroit tous les jours ou presque, ce qui était génial. L'album a eu énormément de succès, beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais. Du coup, on a dû une nouvelle fois voyager pour emmener l'album en tournée. Après cela, je ne voulais plus bouger et rester à un seul endroit. Pour ce nouveau disque, j'ai fait trois voyages différents, mais le plus important était à Barcelone où je suis resté environ un mois. Depuis le début de la tournée, c'était la première fois que je passais autant de temps dans un même endroit. Au lieu de rester à l'hôtel, j'ai trouvé une sorte d'hébergement et mon hôte s'appelait Tamara. Je ne l'ai pas vue beaucoup car elle travaillait tous les jours mais je m'occupais en visitant la ville et en ayant sur moi un petit journal que je remplissais. J'essayais de faire le bilan de tout ce que j'avais vécu avec "Wanted on Voyage" tout en essayant de me mettre au vert pour quelques temps. Je ne veux pas chanter des chansons tristes Cette Tamara t'a-t-elle influencé sur les textes ?Non ! Elle-même ne m'a pas inspiré mais plutôt le fait d'avoir les clés de son logement. C'était très important pour moi car ça signifiait que j'avais littéralement les clés de Barcelone. Je ne l'ai pas vue énormément mais comme son prénom est joli et que je suis resté chez elle, le titre est venu logiquement. Sur ces nouvelles chansons, tu sembles avoir trouvé une sorte de bonheur, afin de s'échapper du quotidien... Exactement ! Cela semble si facile... c'est moi qui chante ces chansons chaque soir et je ne veux pas chanter des morceaux tristes (rires). Donc je préfère plutôt m'orienter vers des titres plus joyeux, lumineux. Cette idée de voyage est une nouvelle fois présente dans cet album : à quel point cela imprègne-t-il ton écriture ? Déménager et voyager à travers le monde est synonyme de rencontres. On voit des choses que nous n'aurions peut-être jamais vues, tout en étant confronté à des situations pas si aisées. Lorsque l'on voyage, on quitte notre zone de confort. C'est quelque chose que j'adore. Je pense avoir un esprit assez imaginatif, c'est bon de le nourrir quotidiennement et ces voyages en sont une bonne source. Regardez le clip de "Shotgun" : "Shotgun" a été un énorme succès, surtout en Angleterre: est-ce que tu t'y attendais ? Honnêtement, non ! Je savais que c'était un titre réussi et joyeux et que c'était le bon timing pour le sortir en single mais je ne m'attendais pas à ce genre de succès. Au fond de moi, j'étais quand même persuadé que ça allait cartonner, mais pas à ce point. Le point positif est qu'avec "Staying At Tamara's", je me sens plus capable d'appréhender les choses qui nous entourent. Sur le précédent, je me sentais plutôt comme un bébé, un peu comme un lapin pris dans les phares. Aujourd'hui, j'en profite au maximum. Chantes-tu toujours "Shotgun" ou "Budapest" avec autant de plaisir ? Bien évidemment, car ce sont mes deux chansons préférées à jouer sur scène ! Ce sont les grands moments du concert. Quand je joue devant environ 10.000 personnes, il y en a environ 8.000 qui chantent à tue-tête, c'est dingue ! Le succès t'importe-t-il ? Je pense que oui, en quelque sorte. Je ne suis pas conditionné par le succès mais j'en profite au maximum. Ça pourrait être facile de dire "non, je ne fais ça que pour la musique" mais maintenant, je sais ce que ça fait de jouer devant des foules immenses, et j'adore ça ! Je ne suis pas conditionné par le succès mais j'en profite au maximum Quand tu chantes "Don't Matter Now" [ça m'est égal, ndlr], on pourrait donc y voir un lien...Au fond de moi, ça pourrait être le cas. Il y a un monde de possibilités qui s'ouvre devant et beaucoup de gens que j'aime. Je pourrais tout aussi bien faire autre chose, mais en ce moment je m'épanouis pleinement sur scène. Sur les réseaux sociaux, tu apparais comme quelqu'un de drôle et décalé. Est-ce une façon de se protéger des critiques ? Je ne pense pas car c'est impossible de plaire à tout le monde. Au moment où tu comprends cela, tu peux être tranquille ! Tu as choisi le slow "Hold My Girl" comme quatrième single après trois titres up-tempos ("Don't Matter Now", "Shotgun", "Paradise") : pourquoi ? Je n'avais jamais composé et sorti en single une chanson de ce type, une sorte de slow. Je ne pense pas non plus avoir déjà chanté comme je le fais dans "Hold My Girl"; et c'est un titre que j'adore. C'est le bon moment pour le sortir en single, autant pour continuer à promouvoir l'album que pour la saison : on arrive dans l'hiver et c'est une chanson douce, parfaite pour les nuits froides qui vont bientôt faire leur apparition. Ecoutez "Hold My Girl", le nouveau single de George Ezra : Une collaboration ? Elvis Presley ! La seule collaboration de l'album est avec les suédoises de First Aid Kit, sur "Saviour". Est-ce que tu prévois d'en faire d'autres ?Non, je ne pense pas. La seule raison pour laquelle j'ai décidé de le faire là, c'est que j'ai pensé que leurs voix colleraient bien avec "Saviour". Elles ont accepté. Si elles avaient refusé, je n'aurais pas choisi quelqu'un d'autre. La chanson serait sortie telle qu'elle, sans choeurs. Et s'il y avait quelqu'un avec qui tu rêverais de collaborer, un jour ? Je l'ai toujours dit : Elvis Presley (rires) ! Effectivement, ça risque d'être un peu dur ! Mais bon, vu qu'ils font des hologrammes maintenant, tout est possible. En Angleterre, tu es une énorme star alors que dans le reste de l'Europe, tu joues dans des salles plus intimistes : comment gères-tu le succès d'un pays à l'autre ? Ça ne me gêne pas, au contraire ! J'aime bien ce genre d'idée, de "concept". Par exemple, aux Etats-Unis, nous avons joué dans de très petites salles mais en Angleterre je vais faire de grosses salles. Passer d'une ambiance à une autre est plutôt assez sympa comme expérience. Je ne veux pas laisser passer cette opportunité de tournée des grosses salles Tu viens d'annoncer une tournée européenne plus imposante pour le printemps 2019, dont un Zénith de Paris. Est-ce que tu sens que quelque chose est en train de changer en Europe, par rapport à ton succès ?Peut-être. Honnêtement, je ne peux pas contrôler le succès. Je ne choisis pas les salles dans lesquelles je joue, on me dit "tu veux faire cette tournée" et je dis "oui". Mais je pense que cela se verra au moment venu. Au vu de ce carton, tu te verrais faire des stades ? Je ne sais pas... (Il prend un temps pour réfléchir). Par rapport à la grosse tournée que l'on a mise en place, c'est la première fois que je me produirais dans d'aussi grandes salles. Mais je crois que je préfère quand même jouer dans les théâtres et petites salles. Qui sait ? Je peux peut-être aimer ça, ces arenas. Je ne veux pas laisser passer cette belle opportunité qui me tend les bras. Mais sur le long terme, je pense que ces petits endroits sont meilleurs. L'intimité et la beauté des lieux aident énormément ainsi que la proximité avec le public ! Regardez le clip de "Paradise" par George Ezra : Sigrid fera la première partie de ta tournée anglaise : comment l'as-tu rencontrée ? La première fois que j'en ai entendu parler, j'étais sur Twitter et j'ai vu qu'elle avait fait une reprise de "Budapest". Je n'avais jamais entendu parler d'elle mais j'étais subjugué par la reprise. C'était brillant. Elle a réalisé quelques chansons que j'ai adorées et j'ai essayé de l'avoir aussi sur mon podcast, en vain, car on n'avait toujours des incompatibilités d'agenda. On s'est rencontré à un festival et je lui ai immédiatement demandé si c'était possible qu'elle fasse la première partie de ma tournée. Elle a accepté tout de suite. Penses-tu déjà à la suite ? Oui, un petit peu. Pas beaucoup, mais j'essaie de rassembler quelques idées. Ça va venir ! Christine and the Queens est fascinante Comment trouves-tu le public français?On dit toujours que le public londonien et parisien est similaire pour avoir un côté cool et snob. Mais je les trouve plutôt fun. Des fois, il faut un peu les bouger pour qu'ils soient vraiment dedans. Le dernier concert qu'on a fait à Paris [au Trianon, ndlr] était un de meilleurs shows européens de la tournée. Ce soir, tu vas jouer au Trianon pour un concert spécial RTL2, aux côtés de Christine and the Queens, notamment. La connais-tu ? Je ne l'ai jamais rencontrée mais j'aime beaucoup sa musique. Ce qui m'impressionne le plus est son côté bilingue dans ses chansons. Pour nous Anglais, qui ne parlent pas forcément français, ça nous aide à comprendre ce qu'elle raconte. J'ai pu la voir à un festival il y a trois ans, c'était incroyable. Comme elle, te verrais-tu chanter en deux langues sur un même titre ? Oui, ce serait cool !
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