Crédits photo : Pochette de Florent Pagny
A 61 ans, Florent Pagny a une belle carrière derrière lui, avec des tubes à la pelle comme "Savoir aimer", "Et un jour une femme", "Là où je t'emmènerai", "Chanter" ou encore "Ma liberté de penser". Des chansons populaires qu'il réunit d'ailleurs sur son nouvel album "2bis", accompagné d'artistes et amis comme Patrick Bruel, Calogero, Zazie, Patrick Fiori, Slimane, Jenifer ou Vianney pour des duos inédits. Mais rien n'aurait été pareil sans "N'importe quoi", son tout premier titre et son tout premier tube ! Dans son autobiographie à succès "Pagny par Florent", il raconte la naissance chaotique de ce morceau qui va faire basculer sa carrière et sa vie. A l'époque, Florent Pagny officie en tant qu'acteur, principalement pour la télévision, mais il sent que le vent va tourner. Dans un bar, alors qu'il rêve de devenir chanteur, il interprète "The Rose" de Bette Midler, seule chanson qu'il connaît à peu près, et le chauffeur de Gérard Louvin, producteur d'Alain Chamfort ou Lio à l'époque, le recommande auprès de son patron. Ils signent alors un contrat !

"Je suis exigeant, je ne chanterai pas n'importe quoi"

« J'ai 22 ans et quelqu'un pense enfin, comme moi, que ce que j'ai dans la gorge peut m'ouvrir les portes d'une carrière de chanteur » écrit l'artiste, pour qui la route va être longue. Car les années passent, mais il manque à Florent Pagny l'essentiel : des chansons. Malgré les maquettes qu'il enregistre, rien ne lui plaît. « Il me faut une première chanson, que je veux choisir avec soin, pas comme ma première réplique au cinéma. Je veux que cette première chanson soit une évidence. Je suis exigeant, je ne chanterai pas n'importe quoi » assure-t-il. Même si, justement, il chantera "N'importe quoi". Après avoir obtenu un prêt de 60.000 francs pour vivre sans travailler durant six mois, Florent Pagny se met au piano « après une soirée de déjantage totale », alors qu'il vit avec des amis en collocation à Nogent sur Marne. Contre toute attente, la magie opère. « Je reste des heures au piano comme dans un autre espace-temps » écrit l'artiste, se souvenant qu'une mélodie naît alors. « Je suis lucide, je sais que ce n'est pas un chef d'oeuvre de composition, j'ai vite atteint mes limites, mais je m'en fous. La mélodie me plaît, elle fonctionne vraiment bien » se rappelle-t-il, s'inspirant même de "With or Without You" de U2 pour la fameuse vocalise de fin !

"C'est aussi à moi que je m'adresse"

Le lendemain, Florent Pagny joue sa trouvaille (et chante en yaourt, car il n'a pas encore les paroles) à sa manageuse Carmen Bouchet, employée chez Glem production (la société de Gérard Louvin), qui tombe sous le charme de ce qu'elle entend. Mais sans les paroles, Gérard Louvin se montre plus sceptique. Après plusieurs essais de textes par des auteurs, rien n'y fait, le chanteur n'est pas convaincu. Alors Carmen Bouchet met au défi Florent Pagny d'écrire lui-même sa première chanson ! C'est une première, mais il s'y colle « une nuit sur (sa) petite mezzanine ». « J'y mets tout ce que j'ai, ce que je suis, ce que je vis. Je pense à certains de mes amis qui jouent un jeu dangereux avec les drogues. Mais c'est aussi à moi que je m'adresse quand j'écris ce soir-là » confie le chanteur, qui multiplie alors les « excès » durant ses virées nocturnes : « Je ne suis plus le jeune homme qui se tient hors des dangers des drogues qui l'entourent. Je me suis approché et j'ai plusieurs fois franchi la ligne... Ecstasy, coke... Ce genre de conneries ». Cette nuit-là, « hagard », « ivre de fumette, de fatigue et de mots », Florent Pagny écrit une première version "N'importe quoi", qui s'appelle d'ailleurs "Dis-moi" à l'origine.

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Contre l'avis de Gérard Louvin, le titre s'appellera "N'importe quoi" et sortira en 1987, mais le succès n'est pas du tout au rendez-vous. L'animateur vedette Jacques Martin se trompera même quand Florent Pagny fera sa première télévision pour la chanter en le prénommant Laurent Fagny, tandis que les radios rejettent la chanson : « On ne sait pas quoi faire de votre chanteur. Il n'y a pas de chanteurs à voix pour les jeunes. Ce n'est pas dans l'air du temps. Les seuls chanteurs à voix, c'est Johnny et Sardou, c'est pour un public adulte ». Sauf que Gérard Louvin, devenu producteur de l'émission à succès "Sacrée soirée", passe un pacte avec Max Guazzani, directeur des programmes, directeur général et vice-président de la radio NRJ : « Je te mets ton logo NRJ en fond de scène de mon émission, (...) et en échange, toi, tu passes mon chanteur ». Les auditeurs réagissent bien, "N'importe quoi" devient « premier du top » et les autres radios suivent la tendance. « A partir de là, c'est du délire » confesse Florent Pagny, qui est alors partout dans les médias et notamment à la télé où la variété à la côte. Avec un million de disques vendus, le succès de sa chanson est énorme et sa carrière est lancée !