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mardi 09 mai 2017 15:35
Eurovision : Edoardo Grassi dévoile la stratégie d'Alma pour faire gagner la France
J-4 pour l'Eurovision 2017. A cette occasion, Edoardo Grassi, le chef de la délégation française, à qui l'on doit le succès d'Amir et la sélection d'Alma cette année, se confie en interview pour Pure Charts.
Crédits photo : DR
Il y a quelques jours, avant son départ à Kiev, en Ukraine, où se déroulera la grande finale de l'Eurovision samedi soir, Edoardo Grassi a accepté de répondre à mes questions. A la terrasse d'une brasserie parisienne, le chef de la délégation française se raconte sans détour et naturel, toujours avec le sourire. Dans cette première partie, il détaille son rôle et sa vision du concours, donne son avis sur les échecs successifs de la France et dévoile les secrets d'une bonne chanson. Propos recueillis par Julien Gonçalves. Comment tu es devenu chef de la délégation française à l'Eurovision ? Je travaille dans la production télé depuis plusieurs années et après les multiples échecs de la France j'avais très envie d'intégrer la délégation française pour espérer apporter quelques bonnes idées. Pendant l'été 2015, j'ai fait un dossier en essayant de mettre noir sur blanc ce qui, pour moi, était la recette pour gagner l'Eurovision. Je me suis basé sur ce que font les pays étrangers, comme la Suède où l'émission de sélection fait 80% de parts de marché. J'ai demandé à Nathalie André (ex-directrice des divertissements de France 2, ndlr) un rendez-vous pour lui présenter mon projet. On a petit-déjeuné ensemble sans qu'elle sache l'objet du rendez-vous. Je l'ai piégée ! A la fin, elle m'a dit que j'étais le nouveau chef de la délégation car mon prédécesseur devait laisser sa fonction. J'étais très surpris et tellement content ! Je n'en demandais pas autant connaissant le défi qui nous attendait. Je suis plus soucieux cette année que l'an dernier Ça ne t'a pas fait peur ?Je n'ai jamais peur. Je peux être inquiet mais il y a toujours une solution. Je suis plus soucieux cette année que l'an dernier. Le challenge est double. On vit sous l'aura mais aussi l'ombre d'Amir qui a eu une année mythique après l'Eurovision. Je ressens plus la pression du public français qui, même s'il adhère au choix d'Alma, n'hésite pas à me rappeler que "Amir c'était mieux". Ces mêmes personnes qui, au début quand on a annoncé Amir avec "J'ai cherché", avaient critiqué ce choix... Alma commence enfin à marcher en radio avec "Requiem", ça a pris plus de temps qu'Amir c'est vrai. J'étais inquiet au début mais c'est normal, c'est une artiste qui s'est faite connaitre après l'annonce, contrairement à Amir, qui était déjà connu grâce à "The Voice". Tu n'as pas eu envie de reprendre ce schéma d'artiste pour que ce soit plus simple ? Pour Alma, j'ai eu envie de proposer à France 2 une artiste qui n'avait pas de passé et exploiter la force de frappe médiatique de France 2 et France 4 pour parrainer une artiste en développement. Offrir la possibilité à un artiste en devenir, de propulser sa carrière c'est une chance inouïe. Alma a un profil parfait pour l'Eurovision. Non seulement elle représente à merveille notre pays, grâce à son talent et sa beauté, mais elle a un profil très international, c'est une fille de l'Europe, elle parle plusieurs langues, ce qui rend le contact avec les médias internationaux beaucoup plus simple. Parfois j'ai cru coacher Miss Univers Votre but premier c'est lequel ?Le challenge d'année en année reste le même : faire un exploit à l'Eurovision car on a envie que ça marche, mais aussi avoir la responsabilité de la carrière d'un artiste en devenir. Donc le choix doit être solide et se porter sur une chanson, un artiste et un album qui pendant plusieurs mois vont devenir les ambassadeurs de la France. C'est minutieux, ça prend du temps. On ne veut pas faire un one shot, on a l'espoir que ça s'inscrive sur la durée. Et donc ton travail, ça consiste en quoi concrètement ? Ça peut aller d'un rendez-vous avec le ministère des affaires étrangères à mettre le vernis à ongle à l'artiste ! (Rires) C'est difficile à définir car ça va au-delà du travail d'un chef de la délégation. Avec Alma, on a passé beaucoup de temps ensemble. Fort de l'expérience de l'année dernière, j'ai pu la coacher pendant nos déplacements, pour les interviews par exemple. Je lui ai appris à être concise dans ses réponses, comment se tenir devant les caméras, comment poser devant les photographes, parfois j'ai cru coacher Miss Univers (Rires). Intégrer qu'on est toujours en représentation de notre pays Mes responsabilités, je les ai créées avec le temps. Avant moi, c'était surtout un travail de logistique. Main dans la main avec France 2, qui me laisse beaucoup de liberté, je me suis approprié le travail de directeur artistique, et je les remercie pour ça d'ailleurs car ça paie. Regardez le clip "Requiem" d'Alma : Ça commence quand vraiment pour toi l'Eurovision ? Mon année débute en juin où je commence à rencontrer les maisons de disques. Je les lance sur des pistes et je les revois en septembre. Je fais des recherches de mon côté avec des auteurs-compositeurs et des artistes que je connais, on me propose aussi des projets personnels pas forcément signés. C'était le cas d'Amir d'ailleurs l'an dernier et d'Alma cette année. En septembre, on fait également une grande réunion pour trouver des partenaires puissants pour soutenir l'émission. Je me suis approprié ce travail également. J'ai pu tisser des bons liens avec de nombreuses personnes du métier qui, depuis l'année dernière, m'ont suivi sur le pari d'essayer de révolutionner l'image de l'Eurovision. Ça a payé l'an dernier. Au-delà de tout ça, je porte une attention particulière à l'image de la marque Eurovision, comment la décliner, mieux l'exploiter etc... Cette année, par exemple pour la première fois, on va diffuser l'Eurovision au cinéma avec CGR le 13 mai ! Allez-y nombreux et apporter vos drapeaux ! (Rires) Je suis un control freak Ça fait beaucoup !Oui mais je suis un passionné et il y a une team de choc pour me soutenir dans cette tâche, bien qu'à la fin, je suis le seul qui a la vision globale du projet. Je suis le lien entre tous les différents pôles. Une fois qu'on a choisi l'artiste, il faut penser à la mise en scène, le stylisme, les voyages de promo à l'étranger dans les villes qui organisent des concerts comme Londres, Madrid ou Tel Aviv où tu es venu. Parallèlement, il faut aussi le jury de professionnels en France dont tu fais partie cette année, et superviser tout ça. Heureusement, mon assistant Steven est là ! Mon problème c'est que je suis un perfectionniste, je scrute tout : les tweets, les photos, les textes animateurs... (Rires) Un vrai control freak ! Totalement ! Surtout parce qu'on a la responsabilité de représenter un pays à travers l'Europe, avec ses valeurs. Je suis le garant de l'image de la France en Europe, on est un peu comme des ambassadeurs artistiques et culturels de notre pays, non ? Il faut une chanson à texte pour gagner C'est vrai... Pourquoi il y a eu tant d'échecs en France à l'Eurovision selon toi ?Il y a plusieurs raisons. Le choix artistique d'abord. On a proposé des titres qui n'étaient pas dans les attentes du public européen. Niveau mise en scène on était derrière les autres, et aussi les relations diplomatiques avec les autres pays n'étaient pas soignées. Pour moi, c'était primordial. C'était ma première démarche en arrivant à ce poste. Ça s'est traduit comment ? J'ai très rapidement rencontré un grand nombre de mes collègues, ainsi que le président de l'Eurovision. En deux Eurovision, j'ai réussi à créer une véritable famille de chefs de délégation, très unie. On est en contact toute l'année, on s'envoie nos chansons pour avoir des avis, on se donne des idées. Par ailleurs c'est grâce à ça que j'ai pu être plusieurs fois membre des jurys internationaux lors des émissions de sélections d'autres pays, en Suède, Espagne ou Malte. Tout le travail diplomatique de la France, ça n'avait jamais été fait. Les tournées à l'étranger sont également importantes, et ça a payé ! Aujourd'hui grâce à tout ce travail, Alma est deuxième du plus grand sondage Eurovision avec plus de 35.000 votants, derrière l'Italie. C'est du bla bla mais le fait que la France soit enfin une des favorites à gagner depuis l'année dernière, c'est très gratifiant ! Regardez les premières images d'Alma à l'Eurovision : Et la personnalité de l'artiste aussi, c'est décisif pour toi ? Oui. C'est important de savoir qui il est, de quoi il veut parler, combien de langues il parle, est-ce qu'il parle anglais, est-ce qu'il est à l'aise en interview ? Ce sont plein de petits détails qui sont fondamentaux. Je l'ai vu, les artistes qui ne parlent pas anglais, même s'ils sont très doués, c'est quand même compliqué. Il faut l'artiste qui incarne tout ça. Une chanson gagnante c'est une chanson qui reste dans la tête après C'est quoi pour toi une bonne chanson Eurovision qui peut gagner ?Déjà, les paroles. Elles peuvent être légères mais quand on regarde le top 5 chaque année, on se rend compte qu'il faut du sens, de la consistance. En France, on a ces talents-là, c'est dans notre tradition. Il faut une chanson à texte. C'est primordial pour représenter la France. Ensuite, la modernité de la production. Il faut que ça donne envie de chanter, de danser... Donc pas de ballade ? Si, bien sûr, pourquoi pas... Mais on a déjà gagné avec des ballades alors on peut proposer quelque chose de différent. Pourquoi ne pas gagner avec un titre plus radiophonique ? Et ça, c'est un point très important aussi. Il faut que ça passe en radio car ça aide la chanson à se faire connaître, en France mais aussi à l'international. Mais une chanson gagnante c'est surtout une chanson qui reste dans la tête après l'émission. Oui mais regarde l'Ukraine a gagné à la surprise générale l'année dernière... L'Ukraine s'est démarquée chez les bookmakers après les répétitions avec la mise en scène. Après, il y a eu de l'affection aussi pour un pays qui a été martyrisé par une guerre assez tragique. Il y avait un côté politique mais je suis très ferme sur le fait que le top 10 est toujours constitué de chansons de qualité. Donc la géopolitique... Si les chansons ne sont pas bonnes, elles sont en bas du classement. Dans la deuxième partie de l'interview, à paraître jeudi, Edoardo Grassi révélera les coulisses de la sélection d'Amir l'an dernier, ainsi que celle d'Alma, ainsi que les artistes qui ont été approchés comme Tal ou Claudio Capéo. Le chef de la délégation française confiera son pronostic pour la France lors de la finale et évoquera l'avenir du concours Eurovision sur France Télévisions. Podcast
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