Christophe MaéVariete Francaise » Variété française
samedi 26 octobre 2019 12:30
Christophe Maé en interview : "C'est un métier fait d'incertitudes et de doutes"
Par
Yohann RUELLE
| Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Quatre ans après "L'attrape-rêves", Christophe Maé revient chercher le bonheur dans son nouvel album "La vie d'artiste". Dans l'écrin du Cirque d'hiver, le chanteur raconte la genèse de ce projet nourri par l'amour de la musique d'une voix posée. Interview !
Crédits photo : Yann Orhan
Propos recueillis par Yohann Ruelle. Pour "L'attrape-rêves", vous aviez un disque prêt que vous aviez finalement abandonné pour repartir de zéro. Comment s'est passée la conception du nouveau ? C'est le cinquième album donc forcément, je crois que je m'améliore ! (Sourire) Là, le processus était intéressant parce qu'on s'est enfermé pendant un mois, un mois et demi avec tous mes musiciens. J'ai eu le temps d'enregistrer mes titres les uns après les autres, guitare sur les genoux, avec mes compagnons autour de moi, et surtout de pouvoir peaufiner et de complètement dépouiller les chansons. Je voulais vraiment laisser l'essentiel : la voix, le texte, la musicalité. Ne pas charger de trop, pour obtenir vraiment ce ressenti organique. On a tout enregistré dans les conditions du live. J'ai croisé beaucoup de musiciens sur la route et ça me tenait à coeur d'avoir une violoniste sur quelques morceaux, un chanteur cubain, des percussionnistes... Je voulais m'entourer de tout ce qui me parle et m'anime, ce qui donne un album avec des couleurs assez métissées. Je suis revenu aux sources Il y a eu un déclic ?On a fait une tournée en Amérique du Nord pour le précédent disque. Je me suis retrouvé dans des petites salles à jouer avec quatre musiciens. Ça m'a ramené à l'essentiel. Juste avoir deux ampoules et quatre instruments, sans artifice, sans flamme, sans mapping... Je suis revenu aux sources. A la chanson française que j'aime, à ce que moi j'aime écouter. J'ai essayé de proposer ça aux gens. C'est un album qui était dès le départ pensé pour la scène ? Tous mes albums je les pense pour la scène. (Sourire) Mais sans doute que celui-là plus que les autres, autant dans l'approche que dans le son. Le temps que j'ai eu m'a offert la possibilité de faire des aller-retours en direct avec les musiciens. Par exemple, si une basse me déplaisait, on a pu recommencer la prise pour l'enlever. Il faut savoir que cet album je l'ai écrit, composé et réalisé moi-même. Je suis toujours bien entouré mais je suis à la tête du projet car au fond, qui peut être plus impliqué que moi ? Ça donne plus de liberté ? Forcément... Mais la liberté, je l'ai toujours eue. Je suis assez têtu. Quand j'y crois, j'emmène mes idées au bout. J'essaie d'être le plus honnête possible Il y a un côté amuseur public dans la façon dont vous interpellez les gens dans certaines chansons. Le saltimbanque n'est jamais loin avec vous !C'est vrai ! Quand je dis que ça ressemble à la chanson que j'aime écouter, je pense à Brel, Brassens ou Cabrel, ces gens-là qui ont une manière de chanter, de conter. Ce sont toutes mes influences et je tends de plus en plus à aller dans cette direction. Sur "Il est où le bonheur" il y avait déjà cette approche mais là je vais plus encore loin sur un titre comme "Casting" par exemple, où ça parle d'un mec qui croit en ses rêves et qui demande deux minutes d'attention. "Ecoutez-moi s'il vous plaît, je pense que j'ai quelque chose à vous dire" : c'est sincèrement ce que je vis depuis 25 ans ! C'est un perpétuel recommencement. Je présente mon cinquième album comme si c'était le premier. Le succès, ça ne rassure pas ? Si, bien sûr. C'est magnifique de pouvoir grandir avec les gens et de fidéliser un public. Mais c'est un métier fait d'incertitudes et de doutes. Je n'arrive pas à avoir le recul nécessaire. Tant que je resterai dans cet état-là, ça sera le moteur qui me donne envie d'écrire parce que c'est un exercice viscéral. J'essaie d'être le plus honnête et le plus sincère possible. Dans les chansons on entend ma vérité. Découvrez un extrait de "La fin de l'été" : C'est compliqué de pouvoir apprécier le succès L'album s'appelle "La vie d'artiste". La vôtre est-elle conforme à celle que vous vous imaginiez ?(Il réfléchit) Disons que la vie d'artiste, on me l'avait pas vendu comme ça. Je pensais que ça allait être beaucoup plus rock'n'roll ! C'est compliqué de pouvoir apprécier le succès. Moi en tout cas je le vis comme ça. C'est à dire qu'il y a le succès sur un album, une tournée, je chante devant des milliers de personnes... mais j'ai souvent la tête au lendemain. Quels thèmes vais-je aborder ? Que vais-je raconter maintenant ? Je suis constamment en éveil. Je fonctionne comme ça pour écrire mes chansons. Se dire "allez lundi, j'écris un texte", ce n'est pas moi. C'est une idée qui doit faire son chemin dans ma tête. Je réfléchis à la façon de l'aborder, de la mettre en forme, de l'écrire au plus proche de qui je suis... C'est la raison pour laquelle c'est compliqué de pouvoir apprécier pleinement ce qu'on vit. Il y a des choses que vous regrettez ou que vous auriez fait différemment dans votre carrière ? Non. Dans mon parcours et la manière dont je le vis, je pense que je ne changerais rien. J'ai une vie assez normale en dehors de mon métier. Pendant un an ou deux, je fais abstraction de tout, je suis chez moi dans le sud de la France, j'accompagne mes enfants à l'école, j'ai mes potes, ma famille, j'écris un peu tous les jours pour garder la flamme... J'essaie simplement d'arriver à prendre du plaisir dans ce que je fais. Le jour où je ne prends plus de plaisir, je reste à la maison ! Aujourd'hui j'en prends toujours. J'ai l'énergie et je me sens bien. Quel est le plus difficile, finalement ? Arriver à me surprendre en faisant une chanson. Quand je commence à kiffer, je sais que je vais avoir l'entière conviction pour défendre cette chanson en public. Et c'est là que je vais arriver à surprendre mon public. Je suis toujours dans cette quête. Parfois, tu es hyper enchanté parce que tu crois que tu y es et puis finalement le lendemain tu réécoutes et tu te dis "Non, c'est pas ça". (Rires) C'est une remise en question permanente. A partir de quand on sait qu'on tient une bonne chanson ? Ce sont souvent mes proches qui valident. Ma femme. Mais souvent, ça vient de moi. Je sais si je me sens d'aller devant des centaines ou des milliers de personnes pour la défendre. Personne ne me pousse, quoi ! L'important est d'arriver à être en phase avec ce que je présente. Je dois raconter un truc auquel je crois vraiment et sur lequel je ne doute pas. "Il est où le bonheur" a été un déclic On écrit des chansons pour soi ou pour les autres ?La clé, c'est le partage. Je crois que j'aime profondément les gens. C'est pour eux que je fais tout ce travail. Je passe par des moments de solitude mais c'est dans l'espoir de retrouver les gens sur la route, pour partager de bons moments et ces chansons que j'ai gardées pour moi pendant deux ans. Parlons justement du premier extrait "Les gens". "Il est où le bonheur" avait marqué une rupture avec vos premiers singles toujours très rythmés. Là encore, vous présentez comme single de retour une ballade intense. Pourquoi ? Dans cet album, il y a des morceaux pour la tête et des morceaux pour les pieds. Je vous rassure, on va continuer de danser ! Ça fait partie de moi. Mais cette évolution, c'est aussi qui je suis aujourd'hui. Le temps passe et je vieillis, malheureusement. (Rires) Donc il y a peut-être un côté plus apaisé qui s'entend. C'est aussi lié à l'accueil qu'a reçu "Il est où le bonheur". Avoir une chanson à texte, avec une profondeur, qui trouve cet écho... J'ai pris énormément de plaisir à chanter ce titre. Ça a été un déclic. Aujourd'hui, je tends vers ça. J'ai pu faire des chansons qui faisaient danser mais que j'assumais peut-être moins, ou dont j'étais moins fier. La musique que j'apprécie ne me fait pas spécialement danser. (Sourire) J'ai envie d'aller vers ça. Après, dans cet album, il y en a pour tous les goûts. Il y a des morceaux comme "La vie d'artiste" ou "À nos amours", c'est la fête ! Je lève un toast aux gens que j'aime. Et même à ceux que j'aime moins. (Rires) Vous avez eu peur à un moment d'être enfermé dans un registre ? Honnêtement, je suis moins calculateur que ça. J'ai pas peur de ci ou ça, c'est juste que j'essaie de faire des chansons qui me ressemblent. Et celle-là, "Les gens", elle marque un passage de ma vie où je me suis retrouvé dans des petites salles, au Canada par exemple, où les gens m'ont découvert avec "Il est où le bonheur". J'ai pris un plaisir fou à me retrouver sur un tabouret, la guitare à la main, à chanter des chansons moins up-tempo. Simplement des chansons à textes qui parlent à tout le monde. Regardez le clip "Les gens" de Christophe Maé : Sur "Les mêmes que nous" ou "La plus jolie des fées", on retrouve des invités de marque : vos enfants, Jules et Marcel ! Ont-ils conscience que leur papa n'a pas une vie tout à fait ordinaire ? Oui, oui, évidemment. Le plus grand bien sûr qu'il en est conscient, mais il a sa petite vie. Ça y est, lui il m'échappe ! Il a 11 ans, il est rentré au collège... Ça ne le perturbe pas trop. Jenifer ? Je l'adore ! L'an dernier, vous avez offert un titre pour Jenifer. Écrire pour les autres, c'est un exercice que vous aspirez à développer ?Jen, ça s'est fait naturellement ! Je l'adore, c'est ma pote de toujours. Ça fait 15 ans qu'on se croise sur les plateaux télé, les Enfoirés. Quand elle a débuté son album, elle m'a demandé de lui écrire un truc et puis voilà, je me suis pris au jeu. Elle avait une idée assez claire de ce qu'elle voulait, elle traversait une période un peu moins évidente et était impatiente de retrouver son public. Et en parlant avec elle je lui ai écrit "Comme c'est bon". C'est venu très simplement. Maintenant, écrire pour d'autres, ça demande beaucoup de temps... et je suis assez occupé comme ça. (Rires) La vie d'artiste, ce n'est pas que chanter pour moi. C'est avoir différentes casquettes : essayer d'être un bon papa, un bon mari, un bon musicien... Je fais au mieux et je fais ce que je peux. Mais ça me demande déjà énormément de temps. Vous entamerez une grande tournée des Zenith à partir de mars 2020. A quoi va ressembler ce tour de chant ? J'ai déjà la tête en plein dedans ! Mars 2020. J'ai vraiment envie de donner aux gens ce qu'on entend dans cet album. Je pense qu'il va y avoir énormément de musiciens ! C'est mon producteur qui fait la tête. (Sourire) J'aimerais remanier encore une fois toutes les chansons que les gens connaissent pour amener une palette d'émotions assez large. Avec ces concerts qui se profilent, aurez-vous le temps de revenir aux Enfoirés l'année prochaine ? Oh mais je vais prendre le temps d'y aller. Je ne vais pas me laisser le choix, c'est une cause qui me parle depuis le début. C'est une évidence de répondre présent pour les Restos du coeur. Crédits photo : Yann Orhan .
Pour en savoir plus, visitez son site internet officiel et sa page Facebook.
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