Bibie

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« Tout doucement / Envie de changer d'atmosphère, d'altitude / Tout doucement / Besoin d'amour pour remplacer l'habitude ». Personne n'a oublié ces paroles cultes de "Tout doucement" et la voix puissante de son interprète, Bibie, qui cartonnait en France avec ce tube en 1985 (2ème du Top 50 pendant trois semaines). Et pourtant, la chanteuse a disparu des radars aussi vite qu'elle est apparue dans les charts. Née au Ghana en 1957, issue d'une famille de diplomates, Béatrice Adjorkor Anyankor, le vrai nom de Bibie, a habité aux quatre coins du monde - Allemagne, Grande-Bretagne, Liban, Sénégal - pour suivre son père. « D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être chanteuse » explique-t-elle aujourd'hui au Figaro, qui a retrouvé sa trace. « Plus sereine qu'à l'époque », Bibie est revenue sur son parcours, de son premier concours de chanson à 14 ans à son installation à Londres, ou son retour au Ghana où elle chantait dans les bars d'hôtels, avant que sa carrière ne décolle en Afrique.

"Nous vendions 20.000 disques par jour"

« Personne ne sait rien de moi, je n'ai jamais raconté cette histoire à personne avant vous » confesse Bibie aujourd'hui, prête à se livrer pour la première fois sur sa vie pleine de rebondissements. Celle qui assure les choeurs sur le premier album d'Alpha Blondy et qu'on surnomme alors "la nouvelle Aretha Franklin", se souvient aussi de sa rencontre dans le club où elle chante avec Guy Gluck, dénicheur de talents pour Warner Music France, qu'elle esquive tout d'abord mais dont elle tombe finalement amoureuse avant de voyager avec lui à Paris. « De la chanson française, je ne connaissais qu'Édith Piaf et Johnny Hallyday » rappelle la chanteuse, qui va alors croiser le chemin de l'auteur et compositeur Jean-Paul Dréau (Michel Polnareff, Hervé Vilard, "Coup de soleil" de Richard Cocciante), qui lui écrira "Tout doucement". « Je la connaissais par coeur mais j'avais des difficultés avec le texte. Je suis retournée chez Jean-Paul afin d'enregistrer une démo. En deux prises, la chanson était en boîte » se remémore Bibie, aujourd'hui âgée de 65 ans.

"J'ai été incapable de chanter pendant dix ans"

La chanson ne sort qu'un an plus tard, alors que Bibie ne parle pas encore bien français, avec le succès qu'on lui connaît. « Je ne pensais pas que cette chanson plairait. Nous vendions 20.000 quarante-cinq tours par jour » confie-t-elle aujourd'hui, encore surprise de l'impact de "Tout doucement", écoulé à un million d'exemplaires et qui a traversé les époques. Mais la descente aux enfers commence. « Guy était alcoolique, ce qui a détruit sa carrière et pratiquement la mienne aussi. Je suis devenu de plus en plus réservée, à mesure que Guy devenait agressif. Il avait peur de me perdre. J'avais trop peur pour me confier à qui que ce soit, mais je subissais une vraie torture mentale. Finalement, j'ai décidé de le quitter en 1990. Il fallait que je me préserve et que je protège mon fils. Après cela, tout a dégénéré » témoigne la chanteuse, alors que leur manoir - dans lequel elle a investi tous les royalties de son tube - brûle à trois reprises : « À la suite de ce drame, j'ai été incapable de chanter pendant dix ans ».

Si elle a failli travailler avec Chris Blackwell, producteur de Bob Marley et U2, Bibie est finalement retournée vivre au Ghana, où elle met son talent d'interprète au service des autres en donnant « des cours de chant, de coaching scénique, de thérapie vocale ». Ces dernières années, elle a aussi accepté de prendre part à la tournée "RFM Party 80" ou chanté à La Fête de la Musique sur France 2 en juin 2021, même si son dernier album en date, "Sereine", est sorti en 2003. « Je suis toujours à l'aise quand je chante. Monter sur scène m'est parfois difficile, mais quand je prends le micro, quelque chose m'envahit » confie l'interprète de "J'veux pas l'savoir", heureuse quand on la sollicite pour chanter son tube : « J'aime ça. Mais j'ai le sentiment que ma carrière n'a pas été ce qu'elle aurait pu être. Plusieurs chanteurs africains comme Salif Keïta ou Angélique Kidjo m'ont expliqué que je leur avais ouvert des portes. C'est une consolation. Mais je rêve de pouvoir présenter un jour un spectacle rien qu'à moi ». On lui souhaite !