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Antoine Delie et Chimène Badi : "Entre nous, c'est un coup de coeur artistique et humain"

Par Yohann RUELLE | Journaliste
Branché en permanence sur ses playlists, il sait aussi bien parler du dernier album de Kim Petras que du set de techno underground berlinois qu'il a regardé hier soir sur TikTok. Sa collection de peluches et figurines témoigne de son amour pour les grandes icônes de la pop culture.
Antoine Delie et Chimène Badi partagent le duo "Si je le dis" sur l'album "Peter Pan" du chanteur. Joints pour une discussion par Zoom, les deux amis se confient sur leur rencontre dans "The Voice Belgique", les liens forts qui les unissent, le harcèlement et les critiques qu'ils ont subis et leur envie de se retrouver sur scène.
Crédits photo : Montage Pure Charts / DR
Propos recueillis par Yohann Ruelle.

Est-ce que vous vous souvenez du jour précis où vous vous êtes rencontrés ?
Chimène : Peut-être pas du jour précis mais ça s'est passé durant les tournages de ''The Voice'' en Belgique, à l'automne 2014. En fait, notre rencontre s'est faite par l'intermédiaire d'une voix, une voix qui m'a touchée : celle d'Antoine, qui avait repris ''Göttingen'' de Barbara. C'était un peu jeune mais je m'étais retournée et je ne me suis pas trompée. Je suis très contente de mon choix, encore aujourd'hui, et de tout ce qu'on a partagé depuis le début. ''The Voice'' n'est qu'une partie de cette histoire. Dans cette aventure, Antoine a compris pourquoi on s'était arrêté. Je voulais qu'il ait vraiment la chance de pouvoir exister, qu'on le reconnaisse à sa juste valeur. Pour moi, il fallait qu'il se découvre encore, qu'il travaille encore. Qu'il sache vraiment ce qu'il voulait lui, d'abord. Et c'est ce qu'il s'est passé. Il a tout compris. Il s'est mis à bosser comme un dingue. On a gardé contact, il est venu me voir sur mes spectacles, il me tenait au courant de tout jusqu'à cet appel pour me parler de son aventure dans ''The Voice'' en France...

J'ai trouvé le vrai Antoine, celui qui ose s'affirmer et être qui il est
Antoine, on t'a effectivement retrouvé dans la saison 9 de ''The Voice'' en France. En quoi cette aventure a-t-elle été différente de la première pour toi ?
Antoine : J'étais jeune durant ''The Voice Belgique''. Enfin, je suis encore jeune ! (Rires) Mais je n'étais pas prêt. Je ne regrette rien. Ça m'a apporté de l'expérience. Une expérience comme ça est tellement dingue que ça laisse beaucoup de souvenirs. Et ça m'a surtout permis de rencontrer Chimène, qui m'a encouragé à développer mon côté artistique. C'est exactement ce que j'ai fait : j'ai fait du théâtre, je suis monté sur scène, j'ai voyagé... Quand je suis arrivé à ''The Voice France'', ce n'était pas la même envergure, le même impact, mais j'étais prêt.
Chimène : Tu es arrivé vraiment armé.
Antoine : Je savais ce que je voulais faire, je savais, après l'émission, vers quoi me diriger pour mes chansons. J'avais peur de tomber sur un coach qui ne serait là que pour les caméras et qui n'arriverait pas à me comprendre comme l'a fait Chimène. Elle a été très présente et fait bien plus que ce que lui demandait la production, avec des sessions de coaching supplémentaires. Au final, j'ai eu de la chance car Marc Lavoine a été adorable avec moi. Et je me retrouve aujourd'hui avec un album dans lequel il y a des duos avec mes deux coachs !

Je me souviens de ton portrait où tu évoquais ce fameux voyage en Bolivie en 2018, qui est aussi le point de départ de ton premier album. Sur la préface tu écris : "Je suis né à 21 ans, à l'autre bout du monde". Qu'est-ce que ça signifie à tes yeux ?
Antoine : Ce voyage m'a marqué et m'a changé. Je suis toujours la même personne mais j'y ai trouvé le vrai Antoine, celui qui ose s'affirmer et être qui il est. Avant j'étais plus timide, je n'osais pas m'habiller avec certains vêtements ou parler d'une certaine façon. Il s'est passé quelque chose de magique en Bolivie, ça a été un déclic. Je l'ai vécu comme une renaissance. Et je crois qu'on vit tous ce moment-là dans notre vie : ça peut arriver plus tôt, plus tard pour d'autres personnes.

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Il y a toute une histoire qui nous lie
Parlons de ce très beau duo ''Si je le dis'' que vous partagez tous les deux. Quand l'idée de vous retrouver en musique est-elle née ?
Chimène : Je crois qu'on a toujours eu envie de faire quelque chose ensemble. J'ai revu récemment des vidéos où l'on chantait dans ''The Voice Belgique'' : j'étais avec tous mes talents sur scène mais avec tout le respect que j'ai pour eux, on sent entre Antoine et moi qu'il se passe un truc, qu'il y a une complicité. C'est une question de feeling, il y a un coup de coeur artistique, un coup de coeur humain. Sa personnalité me touchait déjà beaucoup et j'avais envie qu'il s'épanouisse et qu'il soit heureux. Lors du premier confinement, Antoine m'a appelé pour me faire part de son projet et on a commencé à échanger sur l'idée de faire un duo. Moi j'ai sauté de joie, j'étais super contente ! Quand on s'aime comme ça, qu'on a beaucoup d'affection l'un pour l'autre, c'est normal de partager l'amour qu'on a pour la musique. Et puis Antoine, c'est la nouvelle génération. Je me dis pas que j'ai 110 ans ! (Rires) Et je n'ai aucun problème avec mon âge mais je trouve ça toujours hyper chouette de dresser des passerelles avec la jeune génération, surtout quand il s'agit d'un échange authentique puisqu'il y a vraiment toute une histoire qui nous lie.
Antoine : J'avais cette chanson, j'avais posé la voix dessus et je l'aimais énormément. Mais je sais pas, je trouvais qu'il manquait quelque chose. On était à deux doigts de ne pas la garder pour l'album quand tout d'un coup, j'ai eu comme une révélation. Pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt ? J'étais sûr qu'elle parlerait à Chimène. J'avais tellement envie de ce duo ! Mais je voulais le faire avec la bonne chanson.
Chimène : J'ai eu un vrai coup de coeur. La mélodie est magnifique et le texte me prend aux tripes.

C'est une chanson qui parle de harcèlement, un maux dont vous avez tous les deux fait l'expérience étant plus jeune. J'imagine que l'écrire, la chanter, ça a pu faire remonter des souvenirs douloureux ?
Chimène : Les chansons arrivent à me toucher quand elles racontent quelque chose qui m'est arrivé. C'est vrai, ''Si je le dis'' raconte une grande part de ma vie. Il y avait pour chacun d'entre nous des phrases qui nous parlaient particulièrement. Ce texte, on sait de quoi il parle, on le vit quand on le chante. Et je dis ça sans présomption, je trouve que nos voix se marient à merveille. (Sourire)

Les coups, on les encaisse et ça forge
Depuis le début de ta carrière Chimène, tu as essuyé des remarques et des critiques sur ton physique qui ont été parfois très violentes. Comment on vit ça, quand on est une jeune artiste ?
Chimène : Je ne sais pas réellement. Je sais que j'ai été bien entourée, j'ai eu la chance d'avoir ma famille, mes proches et mes amis à mes côtés qui m'ont aidée. On passe par des moments pas simples, ça peut être très long, très compliqué... jusqu'au jour où on embrasse cette vraie liberté : celle de ne plus se soucier du regard ou du jugement des autres. Quand ça s'installe en vous, les critiques glissent sur vous. On apprend à s'en défaire. Les coups c'est comme dans la chanson de Johnny : on les encaisse et ça forge. On finit par comprendre, aussi. J'ai compris dans quel domaine j'évolue et là où j'en suis aujourd'hui, à la veille de mes 40 piges. Mais il ne faut pas oublier que je n'avais que 18 ans quand j'ai commencé. Je sortais de ma petite campagne, je suis allée à ''Popstars'', je n'ai rien compris de ce qu'il m'est arrivé. J'ai été propulsée comme ça du jour au lendemain. C'était fou ! Je n'y étais pas préparée. J'ai essuyé des critiques sur mon physique auxquelles je ne m'attendais pas du tout, je n'imaginais pas être autant pointée du doigt par rapport à ça. Et encore, à cette époque-là, on n'avait pas les réseaux sociaux ! ''Si je le dis'', je l'ai chantée avec beaucoup de paix en fait. C'est aussi pour ça que j'ai eu envie de le faire. Si j'avais encore cette rancœur et cette haine par rapport au mal qu'on m'a fait, peut-être que ça aurait été difficile pour moi de l'interpréter.

Avec ton expérience, quel est le conseil que tu aurais envie de donner à Antoine qui débute sa carrière ?
Chimène : J'ai l'impression qu'Antoine gère beaucoup mieux ces aspects-là que moi. Il a compris les codes très vite. Sa façon d'analyser, d'envisager et de développer sa carrière me paraît très saine. Il a tout pigé et tout compris. Peut-être qu'il y a des choses qui le touchent parce que c'est un être humain avec ses émotions et qu'il ne triche pas. Mais c'est quelqu'un de fort, qui se fait confiance. Donc finalement, le conseil que j'aurais à lui donner c'est de n'écouter aucun conseil et de s'écouter lui-même. Je regrette de ne pas l'avoir fait, parfois.

On ne peut pas plaire à tout le monde
Les critiques, ça te passe au dessus Antoine ?
Antoine : Avant, quand j'étais encore timide et très ''classique'' on va dire, j'y prêtais attention. J'étais beaucoup harcelé, les gens étaient vraiment méchants avec moi. Bizarrement, depuis que je m'accepte tel que je suis, que j'assume mon côté exubérant, je me rends compte que je reçois plus d'amour. Parce que je ne triche plus. Aujourd'hui, je suis beaucoup plus touché quand les critiques s'attaquent à quelqu'un d'autre que lorsqu'elles me visent moi. Comme ce qui est arrivé à Hoshi il n'y a pas longtemps. J'étais tellement énervé que j'ai fait 46 stories sur le sujet ! (Rires) Les insultes et les commentaires non constructifs, je m'en fous complètement. Bon des fois, quand on me dit que je devrais virer mon styliste et qu'on essaie de m'enfermer dans un univers qui n'est pas le mien, ça m'énerve parce que c'est moi qui fait tout ! Le styliste, le directeur artistique, c'est moi ! (Rires) Personne ne m'oblige à rien, ce sont mes choix. Certains pensent vraiment mieux me connaître que je ne me connais moi-même. Parfois, je me retiens de leur répondre en commentaires mais au final, je me dis que ce n'est pas grave. On ne peut pas plaire à tout le monde.
Chimène : C'est gaspiller de l'énergie inutilement. Si ces gens ont le temps de venir poster leur haine, c'est qu'ils ne méritent pas qu'on leur accorde de l'attention. Il y a des moments où on peut être un peu plus fébrile, un peu plus fatigué, et avoir cette faiblesse de leur répondre. Mais si on peut éviter, on s'en porte mieux. Les critiques ont toujours existé, c'est juste qu'aujourd'hui les réseaux sociaux donnent à ces gens-là une parole. J'espère que c'est une minorité. Je ne veux pas vivre dans ce monde-là. Je vais me permettre de croire qu'il y a des gens plus intelligents parce que souvent, les commentaires désobligeants reflètent de la bêtise, rien d'autre.

Regardez le clip "Androgyne" d'Antoine Delie :



C'est important de se focaliser sur le positif...
Chimène : Très sincèrement, depuis que j'ai appris à me détacher de tout ce que peut englober le fait d'être quelqu'un de connu, je me sens beaucoup mieux. Je fais les choses avec authenticité, par envie et par amour, loin de tout jugement parce que ça peut être destructeur. Il ne faut rien attendre. Ce métier, on le fait pour donner, on se nourrit du sourire des gens. C'est ça son essence. Je me rattache à des choses plus terre-à-terre, comme là ma cousine qui passe discrètement devant moi et me fait coucou en cachette pour ne pas déranger ! (On entend lui dire ''Bisous, à tout à l'heure''). Après vingt ans dans le métier, j'ai appris que l'essentiel est ailleurs, loin des paillettes. Je me gère toute seule depuis quelques temps, je fais mes choix artistiques, je fais ce que je veux, je mène ma vie d'artiste à la cool. Et ça fait du bien !

Je n'ai pas le budget de Beyoncé !
Antoine, comment le vis-tu de sortir un premier album mais de ne pas pouvoir le défendre sur scène, du moins dans l'immédiat ?
Antoine : Pas trop mal en réalité ! Je me considère comme chanceux. J'ai pu monter sur scène en Belgique l'an dernier, contrairement à pas mal d'artistes. C'est vrai que je ne peux pas faire des concerts tout de suite pour la sortie de l'album, mais j'essaie de voir le verre à moitié plein au lieu de le voir à moitié vide. Ça commence petit à petit à se débloquer, j'ai quelques dates prévues cet été. Je n'ai pas envie de me lamenter : mes chansons vont pouvoir vivre sur scène et c'est le plus important. D'autant que j'ai plein d'idées !
Chimène : Ça m'étonne pas. (Rires)
Antoine : Il va falloir que je me canalise : je n'ai pas le budget de Beyoncé ! C'est très pop, alors moi je veux un concert comme MIKA avec des décors colorés que je dessine moi-même. On est en train d'y réfléchir. Dans "Peter Pan", il y a un fil rouge, ce côté très conte pour enfants. C'est Antoine qui a toujours cherché son ombre et qui, à 21 ans, a finalement réussi à l'attraper et à oser se regarder dans un miroir. Je suis ce que je suis et je fonce dans la vie : ça, c'est ce que j'ai envie de raconter dans le show. Mais en vrai, on s'en fout de tout ça. Tout ce qu'il n'y aura pas dans le décor et la scénographie, je le mettrais dans l'énergie que je vais donner aux gens.

J'espère qu'on aura l'occasion de découvrir votre duo en live !
Chimène : On serait bête de ne pas le faire ! La scène, c'est quand même ce qu'on aime faire le plus au monde. Si on l'a fait sur un album, il est évident qu'on peut le faire en concert pour partager cette chanson avec les gens.
Antoine : Ce serait la cerise sur le gâteau !

Dernière question pour Chimène : quelles sont les nouvelles concernant ton prochain album ?
Chimène : Je fais des chansons en ce moment. Je suis en train de préparer mon futur projet mais tranquillement, sans stress. J'ai décidé de mettre les choses en place toute seule. Ça prend du temps de monter sa propre équipe, de faire les choses soi-même. J'apprends plein de choses. Je me sens bien dans cette façon d'évoluer. Je suis en studio quand j'ai envie et dès que je me sentirai prête à exposer mon nouveau projet, je le ferai.

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